Accueil > Combien d’ouvriers devront encore mourir ?
Combien d’ouvriers devront encore mourir ?
Publie le lundi 15 octobre 2007 par Open-Publishing2 commentaires
Santé . Jean-Manuel Fernandes est mort à trente-sept ans d’un cancer généralisé reconnu comme maladie professionnelle. Le combat de sa mère, Rosa, contre tous les employeurs irresponsables.
de Ludovic Tomas, Beauvais (Oise)
« Malgré la souffrance que je porte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, je mènerai le combat jusqu’au bout. Même si ça doit être long. » Rosa Cardoso a perdu un enfant mais a trouvé une nouvelle raison de vivre : se battre pour que Jean-Manuel Fernandes, son fils décédé le 16 août dernier d’un cancer généralisé à l’âge de trente-sept ans, ne soit pas mort pour rien. Après avoir passé six années dans la société Berezecki, une entreprise de traitement anticorrosion de pièces métalliques installée dans la ZAC de Ther, à Beauvais (Oise), le jeune homme est tombé malade il y a environ un an. Il travaillait sur une machine qui plongeait, entre autres, des carrosseries dans de grandes cuves. « Il crachait du noir, se souvient sa mère. Il avait mal à la tête et aux oreilles. Puis il a eu des troubles visuels. On l’a d’abord soigné pour des migraines mais les traitements n’avaient aucun effet. Ce n’est que plusieurs semaines après qu’il a passé un scanner et que sa maladie a été détectée. Il avait tout pour être heureux », conclut-elle dans un soupir.
création du collectif cardoso
Pour la caisse régionale d’assurance maladie, cela ne fait aucun doute, la pathologie de Jean-Manuel est bien une maladie professionnelle. Elle est reconnue comme telle dès janvier 2007. En revanche, elle continue d’affirmer que tout est normal dans l’entreprise. Ce qui conforte la direction dans sa posture de ne pas assumer ses responsabilités. Et de souligner « que le cas de M. Jean-Manuel Fernandes est le seul connu à ce jour depuis 1952 », date de la création de la société. Elle « refuse toute diabolisation de son activité et de ses dirigeants ». Pire, elle entend déposer un recours. « Manu a été abandonné par son employeur mais aussi par ses collègues de travail. Par peur de perdre leur boulot. Le jour des obsèques, à l’église, il y avait un bouquet de fleurs du patron alors qu’il ne m’a jamais passé un coup de fil. Cela m’a fait très mal », - raconte Rosa qui a fait une demande d’entretien restée sans réponse de la part de - Berezecki qui a exprimé « sa profonde empathie » suite au décès du « salarié apprécié de ses collègues et de son encadrement ».
Aujourd’hui, c’est autour de cette mère courage que se met en place le collectif Cardoso, « pour dénoncer les conditions de travail dans toutes les boîtes du secteur ». Un réseau d’amis et de proches auquel se sont greffés des citoyens et des militants syndicaux et politiques. « C’est au départ une initiative citoyenne de gens qui ont été touchés par un drame et qui se sont naturellement tournés vers ceux dont c’est le combat quotidien », résume Axel Keita, de la LCR. Lundi dernier, un rassemblement était organisé devant le site. Une soixantaine de personnes s’y sont retrouvées mais un seul salarié sur soixante-cinq a osé sortir de l’usine. « Pendant la manif, les camions entraient et sortaient sans arrêt, comme si de rien était. La prochaine fois, je veux bloquer tout ça », prévient Rosa Cardoso.
Hasard du calendrier, mardi prochain, c’est l’union locale de la CGT qui a programmé une manifestation. « On avait décidé dès la rentrée de dénoncer les conditions de travail dans le Beauvaisis », explique José Baladera, responsable du syndicat. On sait malheureusement depuis longtemps que le travail tue. Il faut à présent élargir la lutte et convaincre le maximum de salariés de la rejoindre. Beaucoup tombent malades et ne savent pas comment réagir. « Ce qui est en train de se passer peut déclencher une prise de conscience et faire comprendre aux travailleurs qu’ils peuvent compter sur d’autres », espère José Baladera.
Chez Berezecki, les syndicats ont disparu. « Ils ont réussi à licencier ou à faire démissionner trois syndiqués de la CFDT à la fin des années quatre-vingt. Le dernier syndicaliste de la boîte était chez FO et il a été désigné par le patron », raconte le cédétiste Sylvain Bredon. Toujours selon une source syndicale, l’usine Berezecki a « toujours eu des problèmes d’hygiène et de sécurité ». Implantée auparavant à Noailles (Oise), à 15 km de là, la société aurait quitté un terrain « invendable car trop cher à dépolluer. La médecine du travail nous a dit qu’à cette époque, il y a déjà eu un décès », indique Sylvain Bredon.
Ami de la famille et ancien employé chez Berezecki, Rachid Raoui affirme qu’« à l’annonce du décès de Jean-Manuel, plusieurs salariés sont allés faire une radiographie sur leurs propres deniers ». Récemment, « un prestataire de service qui sortait de l’usine a dit : "Ici, c’est Zola" », renchérit Axel Keita. D’après plusieurs témoins, les locaux de Berezecki seraient insalubres. « Il n’y a que deux douches et elles sont bouchées en permanence. La direction a fait savoir qu’elle allait les rénover. Dans les vestiaires, aucun revêtement sur le sol et les tenues de travail sont mélangées avec les habits personnels », rapporte la mère de la victime. Mais le plus grave reste l’utilisation de produits toxiques dont les vapeurs et poussières s’infiltrent dans l’organisme, principalement par les pores de la peau. Pour seule protection : un masque. « C’est facile de dire que l’entreprise est aux normes quand le patron continue d’utiliser des produits qui peuvent tuer », dénonce le collectif qui soutient Rosa Cardoso dans son intention de déposer une plainte pour « faute inexcusable de l’employeur ».
le fléau des maladies professionnelles
Conseiller municipal d’opposition et responsable départemental du Parti communiste français, Thierry Aury a écrit aux deux députés de Beauvais, les UMP Olivier Dassault et Jean-François Mancel. Et de leur demander « quelles initiatives (ils comptent) prendre pour renforcer la législation et son application concrète avec les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre pour faire reculer ce fléau des maladies et morts pour causes professionnelles ». Un autre courrier a été adressé au préfet de l’Oise, « plus prompt à menacer les maires qui ont parrainé des sans-papiers que de se mobiliser sur les accidents du travail », souligne l’élu communiste. Idem pour Caroline Cayeux, maire de Beauvais et proche du premier ministre François Fillon. « Il y a des faits divers qui suscitent davantage d’émotion. Sarkozy ne s’est pas déplacé. Pas étonnant lorsqu’on veut déculpabiliser les entrepreneurs », s’insurge Thierry Aury, qui demandera au prochain conseil municipal que soit observée une minute de silence à la mémoire de Jean-Manuel Fernandes.
Sa mère n’a pas l’intention de baisser les bras : « Seule, je n’aurai rien pu faire. Je suis timide et malade, moi aussi. Mais quand je vois tous ces gens aussi gentils avec moi, cela m’aide et me donne envie d’avancer. »
Messages
1. Combien d’ouvriers devront encore mourir ?, 15 octobre 2007, 22:59
Rien que cet exemple devrait nous forcer a réagir a d’arreter de nous palabrer pour enfin nous retrouver. Il est plus que temps d’agir et de nous unir.
Solidaire et courage. Fraternellement. Skapad
2. Combien d’ouvriers devront encore mourir ?, 17 octobre 2007, 00:28
Rosa Cardoso a raison de se battre contre le patron de son fils, car au regard de la loi il est clairement stipulé que le patron est entièrement responsable de la sécurité de ses employés.
l’ump a réussi un coup magistral, c’est de renvoyer les salariés 100 ans en arrière au temps de Zola. C’est ça le progrès, la modernité ????