Accueil > Critique de la raison souchienne

Le retour à cette conception, tel un retour du refoulé, montre que, comme l’observait Appadurai, dans chaque placard national, on peut toujours trouvé des cadavres ethniques pourrissants. Pour commencer à en être quitte, il convient de l’assumer au grand jour, autrement qu’en pérorant à tout va sur les vertus magiques de la République. Et ceux qui croit ou font semblant de croire à ces vertus-là, ne font qu’illustrer la seconde acception du mot souche du même Littré, à savoir un « personne stupide et sans activité » qui cherche à berner une plus stupide encore…
Marianne et les lapins. Mais la question dépasse largement le mythologique, elle s’est objectivée.
En France, elle a pris, sous les auspices du FN et grâce à l’INED, tous les atours de la science, et au pays d’Alexis Carrel qui ça étonne encore. Par le miracle de la science démographique, la raison souchienne, dépassant en prodige l’immaculée conception, a mis bas d’une catégorie statistique officielle. Une nouvelle race de français était née, le divine enfant se nomme français de souche, race qui s’oppose aux « issussiens », ces personnes issues de l’immigration, français allogènes pour l’éternité.
Et voici comment on expliqua la venue de cette dérive ethnicisante : « la notion de population étrangère se révélant insuffisante, il est nécessaire d’élaborer de nouveaux concepts qui prennent en considération le processus complexe engendré par l’arrivée d’étrangers en France » (INED) Et le tour était joué... Bien sur la catégorie est bancale, ne serait-ce que parce que le français de souche est borné à l’année 1900, avant régnait sans doute les dinosaures, mais peut importe, l’utilité fut sans conteste, elle consistait en un effet performatif, qui par la magie des mots, fait advenir ce qui n’existe pas, alléluia…
Le souchien et son double.
Par exemple, les idiots et mal comprenant n’ont pas vu que souchien, comme néologisme, était le double inversé d’indigène, si l’un avait un présent et un avenir, l’autre avait un passé, un présent et ne voulait plus de cet avenir-là ; si l’un se prenait au sérieux, l’autre se voulait ironique ; si l’un se réclamait d’un rapport charnel au sol, l’autre se moquait éperdument de l’esprit du lieu ; si l’un était un signifiant flottant et vide, son revers était une injure retournée qui créait de la confusion sciemment... Ils ont toutefois compris intuitivement, que le néologisme mettait à mal leur privilège.
Singulier renversement des perspectives en effet : « Ils ne peuvent se représenter eux-même ; ils doivent être représentés » (Marx). Car le mot a ce pouvoir symbolique, tant par le renversement du stigmate que par le travail du négatif, de subvertir l’ordre des dominants et la division logique qui sont au principe même de cet ordre. Car quand le mot est fait main, le mot fait mouche : démystification, auto-définition, désignation... Qu’est-ce qui sépare l’acte de décrire et celui de prescrire ? Qui sait que le mot catégorie (kategoresthai) signifiait en grec ancien mettre en accusation ?
A quand une chaire et un département de Souchologie dans les Universités de France ? Je deviendrais alors le premier souchologue d’Europe, youppie !