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Declaration contre les Expulsions et pour la Regularisation

Publie le jeudi 31 juillet 2003 par Open-Publishing

Plusieurs descentes de police dans des habitations de la capitale se suivent en ces mois d’été. Des personnes sont emmenées par dizaines dans des fourgons garés devant les maisons aux petites heures du matin. A chaque fois, les mêmes récits : les gens sont tirés de leur sommeil, sommés de suivre les agents de la police fédérale, sans avoir le temps de prendre leurs affaires, enfants et personnes âgées compris. Par après, il est difficile de savoir où ils se trouvent : sûrement en centre fermé, certains sont expulsés dans les heures qui suivent.

Et voilà que, au matin du 24 juin, une énième rafle est opérée dans des quartiers saint-gillois, visant majoritairement la communauté équatorienne de la capitale.

Sous le prétexte d’une instruction judiciaire ouverte à charge d’un professeur de l’UCL, plusieurs dizaines de personnes sont réveillées à 7 heures du matin. Elles sont détenues au poste de police, puis emmenées vers le centre fermé à Steenokkerzeel. Des habitants ont déjà pris la fuite et dorment dans des parcs, terrorisés à l’idée de rentrer chez eux. D’autant que certaines serrures ont été changées par la police fédérale, les nouvelles clés devant être réclamées au commissariat ! Pour les habitants, c’est la méfiance : ils y voient un piège.
Il est en outre établi que plusieurs personnes n’ont pas été prévenues du droit de contacter un avocat, et ce même quand elles se sont retrouvées en centre fermé.

Il est inacceptable qu’une instruction judiciaire à charge d’un « marchand de sommeil » soit le prétexte à une rafle visant l’expulsion de sans-papiers. Abusés par une personne sans scrupules qui demandait des loyers exorbitants pour des taudis, et traqués par les autorités belges, ces habitants ne sont pas les seuls à être dénués de toute sécurité, exploités dans tous les domaines de la vie sociale. Inexistants.
Les sans-papiers sans voix sont des milliers dans nos communes, à côté de nos maisons, dans nos rues.
Il n’est plus question de fermer les yeux sur cette situation intolérable. La Belgique a beaucoup a se reprocher en termes de traitement des étrangers demandeurs d’asile ou sans papiers. Ces pratiques brutales et injustes, souvent illégales, se passent sous nos yeux.
Au départ de ces opérations menées à Saint-Gilles, qui n’ont malheureusement rien d’exceptionnel, des personnes de tous horizons se sont regroupées et organisées pour réagir et former une chaîne de solidarité : assemblées dans les quartiers, coordinations d’action, assemblées de communautés, comme celle des Equatoriens.
Mais pendant ce temps, les rafles continuent à une cadence infernale…

Nous sommes conscients que, au-delà des actions urgentes de relogement, de libérations de personnes détenues, … la revendication doit s’inscrire dans le cadre de la politique migratoire de la Belgique.
En effet ce sont les mesures de fermeture des frontières en Europe depuis 1974 qui génèrent cette situation, chaque jour de plus en plus intolérable. La question des migrants ne trouve que cette réponse simpliste : l’augmentation des flux d’étrangers, demandeurs d’asile ou non, doit amener plus de contrôles aux frontières, plus de répression. Il s’agit d’empêcher à tout prix l’accès au territoire européen, alors que ces personnes viennent pour construire une vie meilleure et travailler dans nos pays prospères. C’est la criminalisation de l’étranger, considéré comme un « profiteur ».

Dans ce cadre, diverses mesures ont été prises pour refouler les étrangers qui se présentent aux marches de l’empire, voire qui ont réussi à pénétrer sur le territoire de l’Union.

Chez nous, des centres fermés ont été construits dans les années nonante. Il n’est pas possible de les qualifier de prisons. Dans une prison, un détenu sait quand il peut sortir, il peut voir son avocat, il peut recevoir des visites, une rébellion dans les prisons fait automatiquement l’objet d’un suivi dans les médias. En centre fermé, les sans-papiers peuvent voir leur détention prolongée de deux mois en deux mois, ne sont pas systématiquement avisés de la possibilité de contacter un avocat, le droit de visite est conditionné à l’attitude discrétionnaire de chaque directeur de centre fermé, une rébellion dans les centres fermés est matée et passée sous silence. Les rares informations viennent des détenus eux-mêmes, qui ont dû payer une communication téléphonique (surveillée) pour avertir l’extérieur. Et pourtant, les personnes en centres fermés n’ont pas commis de délit…

D’un autre côté, des dizaines de milliers de sans-papiers ne sont pas, ou plus, en centre fermé. Mais, comme l’illustre la situation vécue par la communauté équatorienne, ils sont victimes de personnes sans scrupules. La situation est connue et tolérée par le gouvernement belge. Le travail au noir augmente en effet la rentabilité de certains secteurs économiques tels l’horeca, la construction, l’horticulture. C’est peut-être pour cela que lors des rafles, si des personnes sont incarcérées et expulsées immédiatement après, de nombreuses autres (65%) sont aussi relâchées dans la nature souvent avec un ordre de quitter le territoire. Paradoxal ? En réalité, ces méthodes alimentent et reproduisent la clandestinité, c’est à dire l’exploitation et la précarité.

La question des flux migratoires est étroitement liée à notre système économique mondial. La globalisation économique, la dérégulation de l’économie des pays en voie de développement, la privatisation des secteurs publics et la concurrence infernale à laquelle est soumise l’économie de ces pays ne peut pas leur permettre un développement satisfaisant. Tant qu’il n’y aura pas la volonté d’inverser cette tendance libérale, les migrations pour causes économiques légitimes existeront. Même si les flux migratoires les plus importants concernent les pays en voie de développement eux-mêmes, à moyen terme, le flot de réfugiés ne se tarira donc pas à destination de l’Europe forteresse. Plutôt que faire semblant de ne pas les voir et seulement les découvrir lors de leur expulsion, mieux vaudrait leur conférer une existence légale et des droits, c’est à dire les régulariser.
Nous revendiquons donc l’arrêt de la pratique des rafles, l’arrêt des expulsions et la régularisation des sans papiers.
Plus précisément, à terme, il s’agit d’organiser et de mettre en place la liberté de circulation et d’installation, considérée comme droit fondamental.

SubTerra
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