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Emmanuel Todd : « Je serais très étonné que l’euro survive à 2011 ».

Publie le samedi 8 janvier 2011 par Open-Publishing
10 commentaires

Que nous est-il permis d’espérer et que doit-on craindre en 2011 ? Le politologue, démographe et essayiste français Emmanuel Todd a accepté de se livrer, pour nous, à un « bilan et perspectives » étayé, plus spécifiquement centré sur la crise économique et financière qui secoue l’Europe.

Lesoir.be : Que retiendrez-vous de l’année 2010, qui vient de s’achever ?

Emmanuel Todd : Je dirais que ce fut une année charnière. C’est l’année où les croyances, économiques et politiques dominantes de l’Occident sont arrivées au bout de quelque chose.

D’abord dans la gestion de la crise économique. J’ai été frappé par la prise de conscience concernant la relance, telle qu’on l’avait conçue lorsque la crise financière, puis la crise de la demande mondiale ont été diagnostiquées – chose qu’il fallait faire, précisons-le… -, qui n’allait pas suffire.

Et pour une raison très simple : les plans de relance ont, à la rigueur, relancé les profits dans les économies occidentales, ont regonflé à un niveau acceptable les indicateurs boursiers, mais n’ont pas fait repartir l’emploi, les salaires. Malgré ces plans, la dégradation du niveau de vie a commencé ; aux Etats-Unis, les indicateurs mettent même en lumière une diminution de l’espérance de vie…

Les gens ont donc compris que dans une économie ouverte, dans un régime de libre-échange, si l’on réinjecte des signes monétaires ou des moyens de payement dans l’économie par en haut – plutôt par le système bancaire qu’autrement -, on crée de la demande, mais que cette demande ne modifie absolument pas le mécanisme de la compétition sur les salaires, mais que cela relance tout simplement les économies à bas salaires.

En France par exemple, et j’imagine ailleurs, les plans de relance de l’après-crise ont abouti à une accélération de la désindustrialisation et des délocalisations…

Lesoir.be : Un « électrochoc » , donc…

Emmanuel Todd : Les gens l’ont compris mais, pour le moment, ils ne sont pas allés au bout de la compréhension. Cela réintroduit les différences traditionnelles entre Américains et Européens où, pour une fois, je ne peux plus dire que les Américains sont quand même moins bêtes parce qu’ils ont compris le problème de la demande globale, les mécanismes keynésiens de soutien à la demande, la notion de flexibilité monétaire, etc.

On ne peut plus considérer qu’un plan de relance, en économie ouverte, est simplement mieux que les plans d’austérité européens.

Les plans d’austérité européens ne sont pas une solution actuellement. Ils vont relancer la crise mondiale, et s’ils remettent l’économie mondiale en crise, pour le coup, l’économie chinoise, qui est gérée de façon extrêmement dangereuse par l’exportation, va s’effondrer.

Mais ces plans d’austérité européens traduisent quand même, me semble-t-il, une volonté de ne pas faire de la relance pour autrui… Je dirais qu’ils sont un premier pas vers le protectionnisme, mais dans la mesure où il s’agit d’un protectionnisme par contraction de sa propre demande, c’est ce que l’on peut appeler un « protectionnisme bête » . Moi, je me bats depuis longtemps pour un « protectionnisme intelligent » . Je vais y revenir.

C’est le deuxième tournant. Le premier concerne le premier élément de la pensée unique : le libre-échange.

Le deuxième est sur l’euro. L’acquis du dernier trimestre de 2010, c’est qu’on est arrivé au bout de la croyance en l’euro comme horizon spécifique pour l’Europe. Il s’agit donc d’une année chargée en termes de prises de conscience !

Lesoir.be : Sur quoi cela pourrait-il déboucher ?Emmanuel Todd :

Paradoxalement, la crise, l’effondrement de croyances qui font du mal au continent, au monde développé et à la planète, c’est déjà inespéré ! On a trop longtemps vu de sympathiques gouvernements se réunissant paisiblement – ce qui est une bonne chose -, conclure leurs travaux en expliquant qu’ils allaient défendre bec et ongles le mécanisme qui produisait la crise, à savoir le libre-échange.

Or, le libre-échange, c’est quoi ? C’est la guerre de tous contre tous sur le plan économique, c’est la concurrence sur le coût du travail, sur l’efficacité économique.

Cela dit, comment va être l’année 2011 ? On va avoir des surprises. Je serais très étonné que l’euro, dans sa forme actuelle, survive à l’année 2011. S’il survit, ce sera dans un contexte de réorientation générale des politiques économiques européennes.

Lesoir.be : Au final, cette crise pourrait donc, selon vous, se révéler positive ?

Emmanuel Todd : Oui. Mais l’une des choses qui me poussent à être très prudent, c’est la lenteur des processus idéologiques, la lenteur du débat, le caractère un peu amorphe de la société. En France par exemple, la façon dont la crise a ramené à la surface le vieux phantasme de la supériorité des conceptions économiques allemandes, ces choses qu’on entendait telles quelles à l’époque du « franc fort » , dans les années 80, a quelque chose d’inquiétant.

Pour expliquer ce phénomène de lenteur, il y a le vieillissement des populations occidentales et ce que j’ai décrit dans mon dernier livre, « Après la démocratie » (Gallimard/Folio), à savoir un état d’atomisation des sociétés – avec des comportements narcissiques, des gens qui ne se soucient que d’eux-mêmes, une absence de croyances collectives – qui empêche la décision politique.

Donc, ce que je ressens, c’est une sorte de tension qui est devant nous, de bras de fer conceptuel entre deux tendances : la crise générale des conceptions qui devrait amener des évolutions et des prises de décisions rapides, et puis cette espèce de lenteur, de sénilité narcissique des sociétés développées, qui suggère que quand même, elles seraient capables de continuer à ne rien faire pendant toute une année…

Lesoir.be : Quid de l’euro, que vous avez évoqué plus haut ?

Emmanuel Todd : L’image qui me vient, c’est « acharnement thérapeutique » … L’euro est une abstraction. Les sociétés nationales, avec leurs cultures, existent toujours. Il y a des différences de mentalités, de rythmes démographiques, il y a des traditions de discipline salariale en Allemagne qui ne sont pas concevables en France…

En fait, du temps des monnaies nationales, chacune des économies européennes avait son mode de régulation spécifique qui lui convenait. Des bureaucrates abstraits ont posé l’euro là-dessus et, bien entendu, ça ne marche pas. Et toutes les tentatives institutionnelles, bancaires ou autres, pour que ça fonctionne, ne peuvent pas marcher.

Tant que l’Europe est en économie ouverte, dans le régime de libre-échange, il y a une guerre économique acharnée entre les économies européennes dans laquelle l’Allemagne est la plus forte parce qu’elle pratique mieux la compression du coût salarial. Mais dans ce contexte, l’euro est une sorte de prison pour tout le monde, pour laisser les plus faibles ou les moins capables se torturer au niveau salarial, à la merci de l’Allemagne. Attention, je n’en veux pas du tout à l’Allemagne : il y a de l’aveuglement et du narcissisme là-bas comme en France…

Lesoir.be : Comment sortir de cette situation ?Emmanuel Todd :

De deux manières : par le bas ou par le haut. Par le bas, c’est admettre que l’euro est foutu. Puis on en sort et on revient aux monnaies nationales. Pour moi, ce n’est pas optimal : je ne suis pas du tout partisan de la disparition de l’euro. Simplement le système actuel est le pire concevable parce qu’il détruit une partie de l’industrie européenne, il dresse les Européens les uns contre les autres, il met l’Allemagne dans une position de domination mais aussi de cible, d’ennemi collectif pour l’Europe…

La sortie vers le haut : on veut sauver l’euro, on y tient vraiment et on accepte l’idée que le problème mondial, c’est le libre-échange, l’insuffisance de la demande. On fait revenir l’Europe à sa conception initiale de la préférence communautaire. On dit que l’Europe a le droit, dans un monde en guerre sur les coûts salariaux, de faire un virage protectionniste. On établit un protectionnisme européen raisonnable, coopératif, qui permet de relancer les salaires, l’investissement, la demande à l’échelle du continent.

Dans un tel contexte, on rétablit un intérêt collectif européen, un bénéfice mutuel. Dans le domaine économique, les différences culturelles entre l’Allemagne et les autres pays cesseraient d’être un facteur de conflit et l’Europe retrouverait son véritable avantage compétitif dans le monde qui est sa diversité – avec l’euro, on a réussi à faire de la diversité européenne quelque chose de complètement négatif dans ses conséquences.

Lesoir.be : Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste à ce propos ?

Emmanuel Todd : Pour moi, l’explosion de l’euro, c’est une probabilité de 90 %. Ce qui provoquerait un trou d’air idéologique formidable mais, dans ce contexte, j’ai très très peur de l’effet de délégitimation des élites. Mais bon, les choses peuvent changer très vite : les populations sont quand même à des niveaux éducatifs très élevés, le sentiment d’une crise est là… Et puis les esprits ont évolué.

En France, j’ai passé une dizaine d’années à être considéré comme un rigolo avec mon protectionnisme européen, maintenant ça va très bien pour moi, merci ! Évidemment, la grande réponse, c’est : « Ce n’est pas possible, on ne pourrait pas faire accepter ça aux Allemands, ils sont tournés vers l’extérieur, ils veulent conquérir des marchés en Chine, ils préféreraient d’ailleurs retourner au mark, etc. »

Mais la chute de l’euro mettrait l’Allemagne à genoux, et les Allemands sont en train de comprendre qu’ils sont les principaux bénéficiaires de l’euro. Quand des Allemands disent qu’ils en ont marre de l’euro, marre de payer ces plans de sauvetage des États, qu’il faut en retourner au mark, etc., je pense qu’ils bluffent ! Je pense qu’ils ont compris que la fin de l’euro serait un désastre pour l’économie allemande.

Et s’ils ont compris cela, il suffirait d’avoir un gouvernement français intelligent, qui arrête de faire des « cocoricos » ridicules, qui admette que l’Allemagne est l’économie dominante et qui lui demande de prendre ses responsabilités à l’échelle du continent, de prendre le leadership dans l’établissement d’un protectionnisme européen raisonnable, qui sera d’ailleurs favorable, en termes d’accroissement de la demande, à l’industrie allemande beaucoup plus que les quelques marchés chinois ne pourraient l’être…

Lesoir.be : Nicolas Sarkozy pourrait-il conclure son mandat de la sorte ?

Emmanuel Todd : Là, on retombe dans les paramètres lourds, pesants et qui rendent pessimistes.

On a énormément de mal à imaginer Sarkozy dans ce rôle. Si vous regardez sa trajectoire dans son rapport à l’Allemagne, il avait démarré très anti-Allemand. Il scandalisait les Allemands pas juste par sa vulgarité mais parce que de tempérament, il était anti-Allemand et pro-Américain.

Il a fini par s’aligner sur l’Allemagne mais il faut tout de même constater la coïncidence chronologique entre la chute du sarkozysme et la remontée en puissance d’une vieille droite conne qui croit au discours de la rigueur, qui pense en termes d’équilibre budgétaire et de choses comme ça… Aujourd’hui, le sens du gouvernement Fillon II, c’est que Sarkozy n’a plus le pouvoir. Il est le premier président de la Ve République qui n’a pas eu le droit de renvoyer son Premier ministre…

Donc, quand on dit : « Est-ce que Sarkozy pourrait ? » … on ne sait plus très bien ce que Sarkozy peut. On n’a donc aucune raison d’être optimiste, d’autant que du côté du Parti socialiste – qui a certes accouché avec beaucoup de difficultés de la notion de « justes échanges » -, c’est très lent aussi. On est dans le people !

http://archives.lesoir.be/%AB-je-serais-tres-etonne-que-l-euro-survive-a-2011_t-20110104-016R22.html?query=todd&firstHit=0&by=10&sort=datedesc&when=-1&queryor=todd&pos=0&all=1023&nav=1

Messages

  • Les USA pourraient dépasser leur plafond d’endettement le 31/03

    jeudi 6 janvier 2011 17h19

    WASHINGTON, 6 janvier (Reuters) - Les Etats-Unis, confrontés au risque théorique d’un défaut de paiement dès le 31 mars, seront exposés à de graves conséquences si le Congrès ne relève pas d’ici là leur limite légale d’emprunt, a prévenu jeudi le secrétaire au Trésor Timothy Geithner.

    Si le Congrès restait inactif, les Etats-Unis feraient défaut, une situation qui ne s’est jamais produite et qui, prévient Timothy Geithner, aurait des conséquences "potentiellement bien plus graves que les effets de la crise financière de 2008 et 2009".

    "Un défaut, même de court-terme ou limité, aurait des conséquences économiques catastrophiques qui dureraient des décennies", souligne-t-il dans une lettre adressée au chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid.

    Il est difficile de prédire exactement à quelle date le seuil de 14.300 milliards de dollars, qui plafonne actuellement la dette américaine, sera franchi, ajoute le secrétaire au Trésor, qui invite toutefois le Congrès à agir avant la fin du trimestre. "Le département du Trésor estime à présent que la limite d’endettement pourrait être franchie dès le 31 mars 2011, et en tout cas selon toute vraisemblance entre cette date et le 16 mai 2011."

    Timothy Geithner précise que ses services pourront en cas de besoin suspendre les émissions d’emprunts des Etats et collectivités locales, mais qu’il préfèrerait ne pas recourir à un outil qu’il juge perturbateur.

    (Glenn Somerville, Gregory Schwartz pour le service français, édité par Nicolas Delame)

    http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRLDE7051G520110106

  • Cela sent la guerre à plein nez....car les USA n,accepteront jamais l’humiliation d’une faillite...Ils préféreront casser la gueule à leurs créanciers...ne serait_ce que pour canaliser la violence qui enfle à vue d’oeil en leur sein...et la force militaire que nous avons tous contribué à financer...reste leur ultime recours...

  • Depuis la création de l’euro le secteur qui a engrangé le plus de profits est le secteur de la finance, et la logique des capitalisations financières détruit tous ce qui fait le liant et le quotidien des citoyens. Il faut restaurer la liberté et la souveraineté monétaire des différents pays. On nous prédit une dévaluation des monnaie des pays qui feront ce choix et alors, malgré les multiples dévaluations du franc entre les années 50 et 80, cela n’a pas empêchés la France de connaitre « les trente glorieuses » et des avancés sociales les plus importants de son histoire ! Si simultanément un groupe de pays décidaient de quitter l’euro, la monnaie unique n’y survivrait pas….

    article "sortir de l’euro" sur Conscience Citoyenne Responsable

    http://2ccr.unblog.fr/

  • La sortie vers le haut : on veut sauver l’euro, on y tient vraiment et on accepte l’idée que le problème mondial, c’est le libre-échange, l’insuffisance de la demande.
    On fait revenir l’Europe à sa conception initiale de la préférence communautaire. On dit que l’Europe a le droit, dans un monde en guerre sur les coûts salariaux, de faire un virage protectionniste.
    On établit un protectionnisme européen raisonnable, coopératif, qui permet de relancer les salaires, l’investissement, la demande à l’échelle du continent.

    Ca risque d’être formidablement difficile.

    La réforme a faire serait quasiment une réforme du capitalisme en profondeur, l’acceptation de reculer sur ses prérogatives et des parts, bref quelque chose d’impossible sans des soubresauts d’une profondeur historique unique.

    L’obstacle central vient de l’interpénétration profonde de nos sociétés, d’un côté la classe bourgeoise et ses intérêts, de l’autre la classe populaire et la vie commune menée avec des peuples qui se croisent.

    L’ensemble de la couche dirigeante politique en Europe est bourgeoise et a été longuement éduquée à une rapacité au moins continentale. Les grands partis de gauche et de droite sont completement immergés dans des conceptions qui ne permettent pas cette sortie par le haut (comme celle par en bas d’ailleurs).

    Il semble que ce seront les évènements qui risquent de choisir à leur place. Cette couche de dirigeants est à l’image de la classe bourgeoise qui la tient en laisse, arque-boutée sur ses interets immédiats, prête à tout pour maintenir les taux de profits de ses maitres, engagée dans une guerre sociale .

    Cette éducation de la classe bourgeoise s’est faite sur une période historiquement longue dans la brève histoire du capitalisme. Elle n’a pas connu de défaites ni de reculs significatifs en 40 ans à grande échelle, ni de grandes peurs d’être éradiquée.

    Elle n’est pas préparée à faire preuve de pragmatisme sur ses interets bien compris. Elle a tissé des liens solides dans le monde avec ses sœurs d’autres continents à tel point qu’il est difficile d’en extraire maintenant une bourgeoisie nationale.

    Tout porte à croire qu’elle s’enfoncera dans ses contradictions quitte à provoquer une crise terrible.

    • Sauf que tu oublies une chose importante.

      La classe bourgoise qui a perdue la guerre39/45 et la meme qui nous dirige (ou leur descendant ou affidés).

      Ils sont restés dans l’ombre en attendant des jours meilleurs.

      Tous ceux qui avaient choisis (de par leurs interrets ou autres) le regime nazi

      participent aujour’dhui a cette crise.bref si en 1943 roosevel et chirchill ont donné

      a staline l’europe de l’est c’etait pour decentré l’ URSS et la faire crevée ds une

      course au surarmement le plus rapidement possible . En effet la disparition du

      regime sovietique restait le but premier faute de l’avoir abattu en soutenant de

      plusieurs facons.Ne jamais oublier l’Histoire.

      kroque

    • Le plus étonnant est encore que, sur ce site, quelques internautes légitiment les contorsions de Todd...

    • Tiens 90 vient de nous faire la démonstration qu’il est un économiste de pointe et que ses arguments écrasent ceux de Todd.

      Merci. J’ai senti un léger courant d’air...

    • Ce qui n’étonne plus c’est que, sur un tel site, dont on peut supposer qu’il est fréquenté par internautes solidement arnachés à une certaines lectures historiques, auxquelles le Marxisme et les courants révolutionnaires successifs, ont apporté leurs contributions, on s’en réfère encore à l’économiste, non point tant pour percer ce qu’il y a de comprimissions dans son analyse, avec le règne de l’économie, mais pour, le beau mot, s’édifier.... S’accrocher à toutes forces au fol espoir ou au désespoir, après lesquels il ne sera pas exclu qu’on anime de savantes et oiseuses discussions (vive l’oxymore) pour tour à tour, prophétiser le désastre qui vient ou son contraire l’embellie qui ne tardera plus, sans percevoir dans les contorsions de l’élite, qu’elle protège encore l’élite, et qu’à ce titre, sans même s’en cacher, elle pérénnise ce qui n’a pas cessé d’être à l’oeuvre. Ce serait presque touchant, tant d’acharnements, s’il n’y avait quotidiennement les morts dont on parle et les morts dont on ne parle pas et les souffrances, qu’à toutes forces, sous des lieux communs de plus autoritaires, dans toute l’apparence de leur inocuité, on forçait à taire.
      Certaines gens qui ont conservé un bon vieux sens pratique et la mémoire de toute une vie, dirait que Todd ne vit, après tout pas si mal, dans un monde dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est ce qu’il est.