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Fascisme ?

Publie le mercredi 9 novembre 2005 par Open-Publishing
2 commentaires

Voilà qu’avec les émeutes sarkosiennes se déchaînent à nouveau les "bien-pensants". Peut-être faudrait-il dire les "bien-parlants". Car il s’agit bien plus de paroles que de pensées. Comme à chaque fois depuis 1981 (si l’on veut bien s’en souvenir malgrè les médias et les "bien-pensant" eux-mêmes qui nous fabriquent de la mémoire courte) chacun y va de son avis autorisé ( par qui ?) sur les violences des "jeunes". De quel droit ? Oui, de quel droit jugent-ils les modes d’expression de groupes sociaux dont ils mettent par là même en cause l’auto détermination à choisir leur propre mode ? Au nom de quelles valeurs, mais surtout au nom de quelle position ? Que sont tous ces docteurs qui voudraient dicter le bon comportement politique à tel ou tel ? La violence est-elle efficace ou non pour défendre ses revendications ? A chacun d’en juger pour ce qui le concerne en fonction de sa situation particulière et d’en faire sa propre expérience politique.

Les voilà donc ces bons docteurs à ergoter sur l’origine des émeutes : est-ce une manoeuvre sarkosienne pour déstabiliser la bande à Chirac et concurrencer Le Pen ? Ou l’inverse ? Ou des socialos (Ah !Ah ! Et quoi, ils ont bien fait sauter le Rainbow Warrior et pire encore) ? De l’extême gauche révolutionnaire (les hypocrites) ? Une manip du Fhaine pour casser Sarko qui chasse sur ses terres ? La main invisible de la Mafia qui veut protéger ses réseaux ? Ou celles des terroristes ? De la CIA qui en veut à Chirac ? Est-ce le ras-le-bol de jeunes sans avenir ? Leur révolte contre les exactions et le harcèlement policiers et le mépris des politiciens ? Contre la violence de la société vis à vis des pauvres ? Le désoeuvrement de voyous qui profitent du premier prétexte ? Le résultat de la politique de ce gouvernement ? De 15, ou 25, ou 30 ans de politique des quartiers (de la Ville) ? De la logique libérale ?

Mais aucune hypothèse ne concerne le rôle et la fonction de la classe moyenne vouée à l’encadrement idéologique des pauvres en relayant le discours des élites. Réparons cet oubli. D’autant qu’en faisant partie, ça me donne le plaisir sournois de cracher dans la soupe.

Quoi qu’il en soit et quelle que soit la supposition (tout est possible et cumulable tant de fomenteurs de troubles ont intérêt à utiliser la colère des pauvres, ce qui n’est pas nouveau, et tant l’impasse politique est grande) il est clair que ces bons docteurs s’arrogent une position de pédagogue et d’une parole unanime (car eux l’ont) condamnent la violence qui ne peut-être la solution. Encore une fois (ce n’est pas un hasard), les habitants des « banlieux » sont considérés comme des sous-êtres à éduquer, à civiliser. Des « pas finis ». « Il faut éduquer les enfants, il faut éduquer les parents », bref tous sont dans l’éternelle position des « sauvages » que la République n’a de cesse de vouloir intégrer hypocritement à ses bons usages.

Laissons de côté les gens de « droite » dont on peut considérer qu’ils sont dans la logique de leur idéologie. Les bien-pensants de « gauche » (ainsi qu’ils se nomment eux-mêmes. Puisqu’il est question de mots, les vocables fourre-tout de « droite » et de « gauche » ne sont pas innocents puisqu’ils permettent d’évacuer l’ analyse politique des positions au profit d’un unanimisme impuissant. Les mots sont importants, et s’ils ne sont pas des actes, ils tuent aussi efficacement.) se retrouvent dans les cohortes du contrôle social (« intellectuels », travailleurs et intervenants sociaux, sociologues, professionnels des médias, etc., qui ne sont pas tous des « bien-pensants » certes, mais forcément complices : a-t-on le droit d’être naïf lorsqu’on accepte d’être l’agent des politiques publiques ?) qui ont fonction d’encadrer les classes « inférieures ».

Force est de constater que malgrè la quarantaine d’années pendant lesquelles ils ont progressivement occupé la scène de ce qui est devenu le social compris comme la question des populations et non plus comme celle des conditions de vie des travailleurs (première grande arnaque idéologique de la transmutation des mots de la période de l’après guerre, à laquelle « mai 68 » puis la « Gauche » au pouvoir ont donné son ampleur : rappelons-nous le slogan « de l’usine au quartier » !), ces donneurs de leçon n’ont guère été efficaces eux-mêmes sur cette « question sociale » et la permanence de la situation des exploités (là aussi, dire la « dégradation » des conditions de vie supposerait que la situation des travailleurs des Trentes Glorieuses du Capital serait enviable).

Les a-t-on vu un jour faire un vrai mouvement collectif pour refuser d’être l’alibi du désespoir des pauvres, des suicides nombreux chez tous (pas uniquement des jeunes), des habitats ignobles non entretenus, des propositions de travail iniques (ils sont les premiers employeurs des contrats dits aidés dans leurs associations, et institutions y compris collectivités locales et Etat) ?

Rien d’étonnant puisque, bien qu’ils s’en défendent, ils vivent de ces politiques de réparation dont ils tirent profit et bonnes situations, pas en terme de fortune pour la majorité, ne rêvons pas, ce ne sont que des larbins, mais dans ce qui en fait captive le plus les classes moyennes, la proximité des politiques, l’impression de jouer dans la cour des Grands. Quelle jouissance d’être à la même table que le préfet, le maire, voire le ministre ! Comment pourraient-ils percevoir que ces Grands-là ne les côtoient aujourd’hui que parce eux-mêmes n’ont plus grand pouvoir (à larbin, larbin et demi).

Ainsi, en tant que détenteur de la parole autorisée (c’est leur fonction dans l’appareil idéologique), voilà nos « bien-pensants » qui définissent la norme du comment il faut dire les choses, de ce qui est républicain ou pas, et le tout à l’avenant, mais surtout sans déplaire au roi à qui il ne déplait pas que son Fou ai la manière frondeuse, preuve de son ouverture démocratique. Si l’on veut bien se souvenir qu’un des premiers « actes » des découvreurs des « nouveaux » mondes qui ont fondé la domination de l’Occident, a été de nommer les éléments du paysage (lac Victoria...) sans tenir compte des dénominations autochtones, acte fondamental de dépossession, la fonction de l’étiquetage apparaît dans tout son sens : « défavorisés », « sauvageons », « en voie d’insertion », « délinquants »... toute « racaille » habitant dans des cités poubelles dont les rues portent des noms de fleurs.

L’un des enjeux de cette bataille des mots aujourd’hui est celle de la qualification de la nature politique du régime actuel. Fasciste ou pas fasciste ? Pour nos « bien-pensants » auto-légitimés, bardés de leur écharpe tricolore d’ « humanistes », voire d’ « humanitaires », de défenseurs des Droits de l’Homme (notez les majuscules, mais ne dites pas « droitdel’hommistes », c’est connoté), il ne faut pas tout mélanger et ne pas utiliser des mots qui offensent les (vraies) victimes des fascistes et autres nazis.

Il est vrai que pour ces républicains l’Etat d’exception, le couvre-feu, l’appel à la délation, le fichage des enfants des crêches et des autres, les flics voyoux, la torture et le harcèlement, les contrôles d’identité au faciès, le traitement inhumain des pauvres dans les prisons de la République, les médias de connivence, les expulsions arbitraires, le plan vigipirate, l’utilisation du terrorisme, etc., etc., n’ont rien à voir avec le fascisme. Ce sont des dérives autoritaires de la démocratie. Et malgrè le fait que pour beaucoup d’entre eux ils aient participé, ou s’en revendiquent, des luttes dites révolutionnaires des années soixante huit - quatre vingt, en criant « CRS-SS », « le fascisme ne passera pas », « mort au bourges », etc., et en brûlant nombre de voitures, plus question d’accoler à démocratie l’épithète « bourgeoise ». Montrant en cela leur connivence. C’est pour cela que le mot « collaboration » ne leur plaît pas. Cela sent trop sa lutte des classes (encore un mot à proscrire).

Le mécanisme qui identifie le fascisme a une période historique donnée est à la fois réducteur et totalisant. L’antifascisme institutionnalisé de l’après-guerre (figures mythiques, commémorations,..) a eu pour fonction d’occulter son intégration comme mode de fonctionnement de la démocratie bourgeoise (nazis recyclés par l’Etat et les grandes entreprises, méthodes de propagandes, gestion maffieuse généralisée, falsification de l’Histoire, colonisation,...). L’utisation de Le Pen comme figure repoussoir vise à dédouaner les autres politiciens de la suspicion d’idéologie fasciste.

Si des analyses poussées très savantes montrent les ressorts idéologiques et politiques du fascisme lepéniste en le spécifiant, en le particularisant, leur pertinence même a pour effet de ne plus avoir de mot pour désigner des pratiques porteuses de la même idéologie mais non encore critallisées historiquement. Ces analyses pêchent en cela qu’elles ne désignent en bout de course que l’organisation politique visible (parti unique, théorie raciale, régime policier) et non le système qui la produit. Traiter quelqu’un de « totalitaire » n’a aucun sens dans notre culture politico-historique s’il n’est pas référencé comme stalinien ou fasciste. Ainsi n’y-a-t’il plus de mots pour désigner le régime actuel qui participe pourtant du totalitarisme institutionnel issu de la révolution française ..bourgeoise, qui n’a supprimé les privilèges des aristocrates que pour les reprendre en compte pour les nouvelles classes dirigeantes.

Les attributs pseudo démocratiques de la République (liberté d’expression, volonté du peuple, suffrage universel (bien tardif, comme par hasard),...) ne servent que cette classe dominante et ses valets. Les larmes de crocodile des « bien-pensants » sur la parole non entendue des « jeunes des quartiers » et la stigmatisation de la violence ne signifient qu’une chose : cette parole doit être conforme au mode d’expression des dominants, c’est-à-dire ne remettant pas en question l’ordre établi.

L’ouvrier, le pauvre, l’enfant ne doit s’exprimer qu’avec humilité et déférence devant le maître qui ne lui accordera ses miettes (un gymnase, un terrain de jeu, un stage esclavagiste, un centre social, des subventions minables à des associations de quartier coloniales) que s’il se soumet à son ordre (notamment en passant par nos « bien-pensants »). Rien d’étonnant donc à ce que les privilèges exorbitants des nantis s’exposent à nouveau dans les ghettos des quartiers riches au regards moyen-âgeux des ghettos des quartiers pauvres ; rien d’étonnant à ce que l’administration coloniale expose à nouveau ses méthodes éprouvées dans les « quartiers » : médiateurs, immam, petit notable d’association pseudoculturelle, bouclage des quartiers, ordre policier, espions, corruption, etc.

Rien d’étonnant alors à ce que les réprouvés brûlent les services dits publics, mais aussi leur propres misère et renvoient à leurs connivences les bien-pensants venus leur donner des leçons. Et que les Sarkosy-Le Pen attendent... Et que Chirac est là.

A bien-pensant, mal-pensant et demi.

Pour ceux qui pensent encore qu’il est de mauvais ton de s’en prendre aux sous-fifres en cette période et que c’est se tromper d’ennemi, qu’ils se rappellent

1)que les périodes de crise servent à l’Etat pour en appeler à l’union nationale et éteindre toute critique radicale. Et comme nous sommes en état de crise permanent...

2) que le fascisme se nourrit de toutes les compromissions quotidiennes et que lorsque le système policier s’étale au grand jour, il est déjà trop tard.

Suite :
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Messages

  • aux US, on les appelle "NEO CONS"...

  • Il y a trois choses à retenir dans ton article heyhey...

    1) la falsification de l’histoire (rachats des nazis par l’industrie coloniale, l’hypocrisie des commémorations...) sans laquelle rien de ce que nous connaissons, aussi bien en France dans quelques banlieues "à part", qu’en Irak sous le supracontrôle américain ; à tous les égards les sociétés qui en arrivent à un tel point d’atrophie ont forcément dû oublier quelque chose de leur histoire ; l’affirmation d’un irrespect des plus scandaleux, des résistants qui n’en étaient pas et qui subitement le deviennent avec le plus jeune d’entre eux (14 ans) qui après une carrière en caserne quitte le barbelé pour le figer dans le social...

    2)On voit bien maintenant, de plus en plus que le gouvernement à tout faut puisque maintenant se contredisent encore plus fortement les bonnes intentions d’un Raffarin qui raquettait en ponctionnant sur les associations allant même jusuq’à retirer des aides aux personnes âgées. Les émeutes, la révolte, la cassure dans le règne de Chirac appelez cela comme vous voudrez, peut-être que l’histoire ne retiendra de la démarche de ces jeunes "défavorisés" que leur appel "au secours" car finalement c’est surtout d’une plainte sociale dont il s’agit avant que de vouloir imaginer toutes les manipulations possibles... (n’empêche tu m’as bien fait rire avec le lien CIA mais j’irai encore plus loin dans le délire et je te laisse imaginer les jeunes des banlieues en proie à des ordres télépathiques en provenance d’extras-terrestres vénusien et apocryphe...)

    3)Le couvre feu pour les laisser règner alors qu’il aurait fallu devenir géorgien dès le 21 avril au soir, maintenant bloquer Chirac, cela semble difficile avant 2007, et l’année et demi qu’il leur reste à tirer risque d’être des plus terribles...
    Le "couvre feu" ? C’est bien là la mesure à la juste taille d’un gouvernement devenu démago, nerveux disent certains...