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Fraude fiscale : le dentiste de Carpentras et les multinationales

Publie le mercredi 2 septembre 2009 par Open-Publishing
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de Jean-Noël Cuénod, correspondant à Paris

02.09.2009

Fraude fiscale : la France condamne le dentiste de Carpentras en épargnant les multinationales

Sur ordre de Nicolas Sarkozy, le ministre du budget Eric Woerth a donc brandi une liste de 3000 supposés fraudeurs fiscaux français qui auraient planqué leur gros sous en Suisse. Le conditionnel reste de mise, car même en France, des doutes commencent à s’insinuer à la suite de cette fracassante annonce : ne serait-ce qu’un coup de poker menteur ?

Quoi qu’il en soit, la somme totale que ces réfugiés fiscaux détiendraient en Suisse représenterait 3 milliards d’euros. Ce qui nous met le fraudeur à un million l’unité. C’est cossu, certes. Mais enfin, nous restons très loin des sommes faramineuses engrangées par les multinationales et même par les courtiers à bonus en platine.

Pas malins, les fraudeurs !

De plus, ces fraudeurs façon Woerth ne sont pas très malins. De l’avis général, s’ils ont été véritablement repérés par le fisc hexagonal, c’est que ces écureuils à béret ont placé leurs noisettes, soit dans des banques françaises établies en Suisse, comme le suppose – sans doute avec raison – Me Dominique Warluzel, soit dans des banques suisses établies en France, comme le hasarde – avec moins de vraisemblance - le « Canard Enchaîné ». Or, jamais un financier averti aurait choisi une méthode aussi fiscalement suicidaire. Comme nous le verrons, il existe des moyens beaucoup plus sûrs et plus rentables pour échapper au fisc français.

Portrait robot

Dès lors, on peut dresser le portrait-robot du vilain fraudeur : il s’agit du dentiste de Carpentras en passe de remettre son cabinet la soixantaine venue et qui, au fil des ans, a « oublié » de déclarer une partie de ses honoraires. Ou du patron d’une plomberie-zinguerie à La Garenne-Colombes qui a occulté certains chantiers. Ou de la veuve qui a hérité du compte suisse de son mari, feu l’expert-comptable de Périgueux.

Le ministre Woerth va donc prendre pour fretins émissaires une poignée de contribuables au pouvoir de nuisance limité afin de montrer que le gouvernement frappe aussi les riches, mais sans prendre le risque de fâcher les véritables décideurs de l’économie française. Car les vrais requins continueront à se goinfrer en eaux troubles. Eux savent, depuis belles lurettes, qu’il ne faut pas cacher son magot en Suisse mais dans des lieux protégés par la puissance américaine.

God bless you, Delaware !

En effet, si le secret bancaire n’existera bientôt plus en Suisse et dans les autres pays de l’Europe continentale, il restera à l’honneur dans plusieurs paradis fiscaux, au cœur même des Etats-Unis. Le Delaware, notamment, qui accueille déjà plus de la moitié des 500 plus grosses fortunes et 43 % des sociétés cotées à la Bourse de New-York.

Le site www.paradisfiscaux.com nous détaille tous les avantages recelés – c’est bien le mot – par cet Etat qui ne risque en aucun cas de figurer sur une liste noire ou grise de l’OCDE :

 pas d’impôt sur les bénéfices ;
 pas d’impôt sur les sociétés ;
 pas de droits de succession sur les actions détenues par des non-résidents ;
 pas d’obligation de tenir une comptabilité ;
 une taxe unique de 200 euros ;
 le nom des associés ne figure pas au Registre du Commerce.

Dès lors, tant que des situations de ce genre perdurent, toutes les prétendues luttes contre les paradis fiscaux relèvent de la fumisterie.

Jean-Noël Cuénod