Accueil > GRIPPE H1N : une opinion
Tribune libre parue dans Sud-Ouest le 8 septembre 2008 :
La grippe A/H1N1, c’est aussi une affaire de gros sous...
Parler de gros sous lors d’une épidémie peut paraître indécent, mais n’a-t-on pas déjà franchi les limites de la décence et du raisonnable en matière de commentaires face à cette menace de grippe H1N1 ?
Cent mille cas recensés dans la France d’outre-mer et dix morts à ce jour. On ne peut bien sûr que regretter ces décès mais il n’y a pas de quoi s’affoler. Rappelons que la grippe « habituelle » fait tous les ans entre 3 et 5 000 morts en France et que l’on ne s’en émeut pas pour autant. Si chaque hiver, on devait récapituler le nombre de morts quotidiens pour cause directe ou indirecte de grippe à chaque début de journal télévisé, ou fermer des classes sous prétexte qu’une dizaine d’enfants sont absents, je vous laisse imaginer le tableau.
Heureusement, dans sa sagesse, le gouvernement a renoncé à demander au patient d’appeler le 15 en cas de syndrome fébrile. Les centres 15 sont déjà débordés en temps normal. Il en est de même pour les prélèvements permettant d’affirmer qu’il s’agit bien du virus H1N1. Les médecins hospitaliers ont reçu une circulaire du ministère de la Santé du 12 août leur demandant de limiter les prélèvements aux « patients présentant des signes de gravité ou aux patients traités présentant une aggravation clinique » afin « de ne pas saturer les capacités d’analyse qui restent limitées ». On ne pourra donc dénombrer de manière certaine que les cas graves, donc ceux susceptibles d’entraîner la mort. Ce qui laissera libre cours aux interprétations pour pouvoir affirmer a posteriori que l’on avait raison.
Raison de quoi ? De rappeler des règles simples d’hygiène : lavage fréquent des mains, port de masque pour les personnes infectées. C’est ce que chacun de nous devrait faire en cas d’infection, quelle qu’elle soit. Mais fermer des classes sous prétexte que trois enfants toussent paraît un peu excessif. Dans ce cas, il faudrait annuler toutes les réunions publiques et proscrire les transports en commun ! Alors vaccinons massivement. Le vaccin est une solution. Relativement peu intéressant à l’échelon individuel pour les sujets en bonne santé, mais intéressant sur le plan socio-économique car susceptible de ralentir la progression du virus dans la population et donc de limiter les arrêts de travail et le ralentissement économique. J’ai peur que les pays dont l’infrastructure sanitaire est peu développée et dont la santé des populations est souvent précaire ne puissent hélas pas bénéficier de ces campagnes de vaccination qui seraient pourtant plus utiles qu’à nous. Mais hélas, eux ne peuvent pas acheter le vaccin. Nous, nous en avons acheté massivement 94 millions de doses qui doivent être payées par la Sécurité sociale et distribuées gratuitement lors des campagnes de vaccination à venir.
S’agissant d’une mesure de santé publique destinée principalement à lutter contre les conséquences socio-économiques de l’épidémie, je ne comprends pas pourquoi c’est la Caisse d’assurance-maladie qui doit prendre en charge (même en partie) l’achat de ces vaccins qui devrait normalement revenir à la collectivité, à moins que la Sécu ne soit plus riche qu’on nous le dit, et que son fameux trou ne soit évoqué que pour justifier le déremboursement de médicaments souvent bien utiles au patient.
Le gros bénéficiaire de cette épidémie sera l’industrie pharmaceutique, qui fabrique les vaccins et tous les produits associés (masques, désinfectant pour les mains, etc.). Les industriels peuvent se frotter les mains cette année : doubles bénéfices, ceux relatifs à la grippe H1N1 et ceux, habituels, venant de la grippe saisonnière. Pas de frais de marketing ni de souci pour vendre les stocks, c’est l’État qui régale.
Tant mieux pour eux ! Une question cependant : puisque l’industrie pharmaceutique va retirer des bénéfices records de cette épidémie grâce aux fonds publics, donc à l’argent des contribuables, pourquoi ne pas lui demander (à titre exceptionnel, bien sûr) de reverser 50 % des bénéfices ainsi réalisés à la Sécu pour essayer de combler un peu le trou et éviter de pénaliser un peu plus le cotisant de bas ?
(1) Auteur de « Quelques vérités sur la médecine française » (éd. Dualpha).
Jacques-michel lacroix
médecin urgentiste (1)
Messages
1. GRIPPE H1N1 : une opinion, 8 septembre 2009, 09:54, par Claude Deloume
Merci Danielle !
Mais tu n’étais pas obligée de le mettre 3 fois !!! ;)
Claude
2. GRIPPE H1N1 : une opinion, 8 septembre 2009, 15:58
Merci Danielle.
Quant à l’idée de faire reverser 50% des bénefs des labos sur la Grippe çà la Sécu, voilà une idée qu’elle est bonne...... Je dirai même "géniale".
Et une idée dont les partis de Gauche devraient faire un mot clé pour leurs campagnes électorales.
Sauf qu’il vaudrait mieux écrire "contraindre à reverser". parce que sinon ça restera de bons sentiments. Sans plus.
G.L.