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Grippe A - “Le libéralisme européen a prévalu sur la réglementation”

Publie le mercredi 26 août 2009 par Open-Publishing
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Interrogé par France-Soir sur les mesures prises contre la grippe A, le Dr Marc Girard, notamment médecin-expert en pharmaco-épidémiologie, spécialité qui étudie les effets des médicaments, remet en cause la stratégie du gouvernement, qu’il juge trop précipitée. Il souligne les risques liés au vaccin.

FRANCE-SOIR. Que pensez-vous de la stratégie adoptée pour prévenir la grippe A ?

MARC GIRARD. Sans hésitation, je dirais qu’on en fait beaucoup trop. Pour l’instant, la seule donnée qu’on a est en faveur d’une bénignité du virus. Or, en France, nous avons adopté une rhétorique du pire. Mais avec des « si ceci, si cela », on ne fait pas de la santé publique. Je pense qu’il y a deux aspects problématiques dans cette stratégie. D’une part, encore une fois, on ponctionne des sommes colossales sur les allocations de ressources pour la santé publique, alors qu’il y a d’autres secteurs de santé qui accueilleraient les bras ouverts l’argent dépensé pour la grippe A. D’autre part, en faisant des hypothèses catastrophiques sur la propagation du virus, on oublie d’autres aspects, comme la toxicité du vaccin.

Vous jugez que les autorités se sont précipitées les yeux fermés ?
Bien sûr. Il faut tenir compte que la rhétorique du pire est sélective. Il y a de nombreux antécédents qui nous montrent que les vaccins peuvent être néfastes, comme celui contre l’hépatite B qui a entraîné des pathologies. Si je prends l’hypothèse que 20 millions de Français soient touchés par la grippe A et que la mortalité est de 0,3 pour 1.000 cas, alors j’aurais 6.000 morts, des personnes âgées ou fragilisées. Mais avec un vaccin dont les essais cliniques ont été précipités, sous l’hypothèse non déraisonnable d’un effet indésirable grave chez 1.000 sujets vaccinés, on pourrait aller jusqu’à 65.000 morts, cette fois chez des personnes de tout âge. Et quand j’entends des experts qui m’affirment que l’on fait cela par principe de précaution, je n’y crois pas. Pour comprendre ce principe, il faut une condition centrale : la solution est envisageable si son coût est raisonnable. Or quand on voit les sommes dépensées pour les vaccins ou le Tamiflu le coût n’est pas raisonnable.

Comment expliquer alors la possibilité d’une vaccination massive ?

L’industrie pharmaceutique est parmi les secteurs industriels les plus lucratifs. Le libéralisme européen a prévalu sur la réglementation. Au-delà du poids considérable des lobbies en Europe, de plus en plus on privilégie des gens incompétents qui n’ont qu’une technicité ponctuelle et non générale. Pour évaluer les risques d’un développement vaccinal aussi précipité, il faut détenir certaines compétences pharmaceutiques, notamment sur l’Autorisation de mise sur le marché (AMM). Normalement, un laboratoire vient avec ses tests devant l’administration qui lui donne ou non l’AMM. Dans le cas de la grippe A, on a payé un vaccin qui n’était pas prêt. Et qu’on m’explique comment on fabrique un vaccin en trois mois alors qu’il a toujours fallu des années pour n’importe quel médicament.

Que préconisez-vous ?

Pour le moment, nous n’avons aucune preuve que cette grippe est plus dangereuse que les autres. On nous dit qu’il y a une possibilité qu’il mute. C’est une hypothèse. Ensuite le vaccin est réalisé à partir d’un virus qui n’a pas muté, donc on peut douter de son efficacité. Et s’il mute, ce sera peut-être pour devenir moins dangereux. Je pense qu’il faut initier la population à des mesures très simples.

Edition France Soir du mercredi 26 août 2009

http://www.francesoir.fr/enquete/2009/08/26/grippe-a-avis-medecin.html

Site Web du Dr Girard :

http://www.rolandsimion.org/

Messages

  • Antoine Flahault est épidémiologiste, directeur de l’Ecole des hautes études en santé publique.

    Lisez cet article :

    La grippe A/H1N1 causerait davantage de décès dus à des problèmes respiratoires aigus d’origine virale, y compris en l’absence de facteur de risques, que la grippe saisonnière, selon l’épidémiologiste Antoine Flahault qui a publié des premières données sur la virulence du virus.

    Il faut distinguer "trois causes de la mort" par grippe : la mortalité directe due au virus lui-même, la mortalité due à des surinfections bactériennes que les antibiotiques peuvent maintenant combattre, et la mortalité chez des patients âgés ou souffrant de maladies chroniques, a-t-il expliqué à l’AFP.

    "La mortalité directe, c’est celle que perçoivent les gens", au cas par cas, alors que la mortalité indirecte se reflète dans les statistiques une fois la vague épidémique passée, souligne le professeur Antoine Flahault, directeur de l’Ecole des hautes études en santé publique.

    "Exceptionnelle" dans le cas de la grippe saisonnière, la mortalité directe, due à un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) causé par le virus lui-même, serait cent fois plus fréquente dans le cas de la grippe pandémique A/H1N1, a-t-il calculé en s’appuyant sur des données concernant la Nouvelle-Calédonie et l’île Maurice.

    Toutes causes confondues, environ 1 malade sur mille décède lors d’une épidémie de grippe saisonnière. Le SDRA, "inondation bronchique et pulmonaire, qui ressemble à une auto-noyade" est "rarissime" : un décès par million de malade.

    A l’île Maurice, il y eu 7 décès dus à un tel syndrome pour 50.000 à 70.000 cas de grippe 1/H1N1, soit un taux de mortalité directement due au virus lui-même de 1 pour 10.000 malades.

    Ce taux de mortalité directe 100 fois plus élevé (1 sur 10.000, au lieu de 1 sur 1 million) que pour la grippe saisonnière, est une indication de la virulence du virus, précise le Pr Flahault, qui vient de publier ces données sur le site d’échanges réservés aux experts de la grippe "PLoS Currents : Influenza".

    Pour autant, il ne faut pas "qu’on cède trop à la panique", car il ne s’agit que de "quelques cas par million" dans le cas de la grippe saisonnière, et cela reste "de très rares cas" pour la grippe H1N1.

    De plus, il s’agit de "premières estimations à affiner", dont les résultats restent "contestables" car l’étude a été faite sur de "petits effectifs, sur une population insulaire de surcroît", reconnaît le Pr Flahault, pressé par le "terrible besoin de données" sur la nouvelle grippe.

    Les "grippes sont bénignes dans l’immense majorité des cas", mais les syndromes de détresse respiratoire aigu entraînent une "mortalité effroyable", puisque parmi les malades frappés, seulement "un sur deux est réanimé" grâce à une technique complexe.

    "On ne sait pas grand chose" sur ces cas de SDRA, "c’est extrêmement peu connu", et leur déclenchement est difficile à expliquer.

    "C’est une "sorte de roulette russe". On ne connait pas de facteur de risque qui y prédispose, même si une étude américaine sur un petit échantillon a récemment évoqué grossesses et obésité comme facteurs de risques possibles.

    "50 % des cas de grippes saisonnières sont chez les moins de 20 ans" ; il faut donc, ajoute le Pr Flahault, s’attendre à ce que la nouvelle grippe touche aussi une forte proportion de jeunes et que certains soient victimes d’un tel syndrome de détresse respiratoire.

    Ce syndrome survient "dans les quelques jours qui suivent le début des symptômes", précise-t-il.

    Si le Tamiflu est efficace sur la durée des symptômes et sur la charge virale, "il n’a pas montré son efficacité contre les complications", souligne le Pr Flahault, interrogé sur le rôle du médicament. Le vaccin lui pourrait protéger de la grippe et donc de ses complications, a-t-il dit en substance.

    http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5iLoCpKxGgicDSNUyat_ICXtICSQg