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IRAN : Une société de paradoxes, en ébullition
Publie le vendredi 1er septembre 2006 par Open-Publishing1 commentaire
La société civile iranienne s’ouvre et continue de bouger face au régime, mais face aussi à un monde occidental dont elle n’apprécie pas les diktats.
de Patrick Gromillon
L’Iran est le pays du dualisme. La religion ancienne, le zoroastrisme dont les fêtes, comme le norouz (nouvel an, le jour du printemps) sont encore bien plus célébrées que celles du chiisme, au grand dam des mollahs, célébrait un dieu bon et un dieu mauvais. Le bon, Ahura Mazda, a gagné, et le monothéisme s’est imposé.
Mais la société iranienne, sur laquelle les poncifs, les mensonges et les amalgames les plus éculés continuent de circuler (peu de pays sont aussi ouverts), fait perdurer ce dualisme. Les Iraniens ne sont pas schizophrènes, merci pour eux. Mais ils sont contraints de faire la part des choses. D’un côté un régime, aux règles autoritaires, dont ils ne parviennent pas à s’affranchir, et pour lequel, ils doivent « faire semblant » et souffrir. De l’autre, leur vie de tous les jours, avec la modernité, un développement chaotique, une jeunesse en ébullition. Et les immenses problèmes sociaux, le chômage des jeunes, les écarts de salaire et de niveau de vie qui se creusent, dans ce pays capitaliste qui ne dit pas son nom, où la spéculation immobilière bat tous les records.
Le salaire moyen (200 000 tomans, soit 200 euros) ne permet pas de vivre décemment. Le dernier 1er Mai a donné lieu à une manifestation d’ampleur, à Téhéran en particulier, d’ouvriers d’usines textiles, contre les bas salaires et, surtout, le travail précaire.
Politiquement, la répression continue. Plusieurs journalistes sont emprisonnés (un comble, le journal du gouvernement lui-même, Iran, est suspendu !) et un philosophe, Ramin Jahanbeglou, grand connaisseur de Levinas et Ricoeur, est incarcéré depuis avril et on apprenait sa libération seulement hier.
Théoriquement, tout, ou presque, est interdit. mais frénésie de la jeunesse et appât du gain obligent, quasiment tous les produits, notamment occidentaux, sont achetables dans les bazars de Téhéran, Ispahan ou Tabriz.
Ainsi, des copies des films français ou américains, non encore commercialisés en France, se vendent 1 000 tomams (1 euro).
Il en est ainsi aussi des films iraniens interdits ! Off-side de Djafar Panahi narre l’aventure dramatique et désopilante en même temps de jeunes filles déguisées en garçons pour assister au match de football Iran-Bahreïn. L’oeuvre est interdite d’écran, mais vendue abondamment, et l’auteur pourrait être lauréat au futur Festival de Cannes.
Les télévisions étrangères sont normalement interdites. En fait, plus d’un foyer sur deux, à Téhéran, dispose de satellites, et certains captent plus de 1 000 chaînes !
Le régime connaît cette année une satisfaction : l’émission, la plus prisée, qui tient en haleine 30 des 70 millions d’Iraniens pendant trois quarts d’heure chaque soir à 22 h 45, c’est Nargués, une saga familiale d’amours contrariées, entre les jeunes Nasrin et Behrouz, mais dans la morale islamique la plus irréprochable.
Des lois dures
aux femmes
L’Iran connaît ces paradoxes. Malgré le foulard, les femmes prennent de plus en plus de place dans la société, elles sont très majoritaires dans les universités et lesgrandes écoles. De plus en plus sont ingénieurs, médecins, avocats, chefs d’entreprise.
Mais les lois leur sont dures : obtenir le divorce est un exploit, et l’enfant est confié au père à partir de deux ans, sauf exception.
Malgré les tentatives désespérées de Mahmoud Ahmadninejad, leur nouveau président, elles ont préservé, même amplifié les acquis obtenus sous Mohammad Khatami, pour un assouplissement des règles vestimentaires. Désormais, chose impensable il y a cinq ans, elles peuvent être vêtues d’une simple tunique, tombant à mi-cuisse, et d’un pantalon. Le manteau islamique n’est plus exigé. Les cheveux sont de moins en moins cachés. Par dizaines de milliers, les Iraniennes recourent à la chirurgie esthétique.
Une tension perceptible
Habitués, hélas, à la guerre, les Iraniens savent qu’un nouveau conflit peut éclater, avec les affaires du nucléaire et du Liban. Ils interrogent abondamment leur invité étranger sur les risques qu’encourt leur pays, mais ce n’est pas le premier sujet de conversation. Une certaine tension est perceptible. Si le Liban et le soutien au Hezbollah, créé en 1983 à l’initiative de l’Iran, les mobilisent peu, la plupart des Iraniens s’offusquent de ce qu’ils appellent l’« acharnement des Occidentaux » pour les empêcher d’enrichir l’uranium. Ils ressentent une incompréhension comparable à celle qui conduisit ces mêmes Occidentaux à soutenir l’Irak de Saddam Hussein dans une guerre pour laquelle l’ONU a désigné l’Iran, en 1992, comme l’agressé. « Israël, le Pakistan, l’Inde ont l’arme atomique. Pourquoi des menaces contre l’Iran ? » est l’analyse la mieux partagée. Ils constatent aussi que le Hezbollah n’a nullement perdu la guerre et que le nouveau gouvernement irakien est dirigé par le Dawa...un parti soutenu par l’Iran depuis des décennies !
Près de trente ans après une révolution qui ébranla le monde, la société civile iranienne veut s’affirmer de plus en plus, face au régime, face aussi à un monde extérieur qui l’ignore.
Messages
1. > IRAN : Une société de paradoxes, en ébullition , 1er septembre 2006, 15:31
Je serai ravie le jour où la femme iranienne tombera le chaddor, symbole d’ignorance, parce qu’il est écrit nulle part dans le coran que la femme doive se voiler. Dans les milieux riches et cultivés, il n’est pas exigé de la femme qu’elle se voile. Voilà où conduit les différences d’éducation, d’instruction. Les ignorants manipulables servent d’armes pour les nantis. A méditer.