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L’aigle et les lièvres

Publie le dimanche 25 mai 2008 par Open-Publishing
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Du haut de la falaise un aigle solitaire contemple la vallée. Il connaît sa puissance et la fascination qu’il exerce sur les créatures de la vallée. D’un seul battement d’ailes, il domine l’espace et en devient le maître. Ce matin là, ses griffes puissantes accrochées à la roche, l’oiseau de proie scrute de son regard perçant les mouvements frénétiques qui semblent agiter le fond de la vallée. Intrigué, l’aigle majestueux observe un remue ménage insolite.
Au loin, des lapins et des lièvres accourraient d’un horizon à l’autre.
L’aigle comprit vite que ces animaux allaient tenir conseil.

Ils ne supportaient plus disaient- elles la vie de la vallée, une vie faite d’humiliations quotidiennes et de drames .
Ils se plaignaient que les chiens et leurs maîtres leurs menaient la vie dure mais la vie qu’ils décrivaient leur semblait presque douce à côté de l’épée de Damoclès qui planait, sournoise et implacable au dessus de leur clairière : L’aigle.

La plupart des lapins et des lièvres s’étaient résignés au danger de la mort avec fatalisme, il faisait partie de leur quotidien, en revanche l’angoisse de voir l’aigle fondre sur eux et de disparaître entre les serres du rapace leur était insupportable. Pour eux, c’était l’humiliation suprême, celle qui faisait d’eux la risée de la contrée.

Du sommet de la falaise, l’animal impérial regarde avec dédain les gesticulations, les colères et les effets de manches des chefs de l’assemblée, qui délibèrent, en fait, sur les moyens de se débarrasser de lui.

Après bien des échanges acerbes, les lièvres les plus avertis sentent que la réunion tourne en rond et qu’il faut en modifier l’ordre du jour. En effet, si la chasse à l’aigle demande beaucoup de sacrifice et de courage, il ne semble pas y avoir beaucoup de lièvres prêts à assumer l’un ou l’autre .Le plus vieux d’entre eux finit par ramener le calme et suggéra :

« Nous devrions construire des tunnels dans la clairière, ainsi à la moindre alerte nous n’aurions plus à détaler comme des poltrons. Il suffirait d’emprunter les tunnels et pour parer aux effets de surprise, nous posterions des sentinelles qui feraient le guet au moment des repas. »

« Bien sûr, ajouta le vieux lièvre, un tel projet nécessite une vie plus organisée, mais l’intérêt collectif ne mérite t-il pas l’acceptation de quelques contraintes ? »

Le vieux lièvre ne se berçait pas d’illusions, et il ne fut guère surpris du comportement quasi hystérique de certains délégués à l’énoncé de ses propositions. Les critiques fusèrent dans l’assistance.

« Qui creuserait ? »

« Comment choisir les sentinelles ? »

Un lièvre au ton rassurant interrompit le débat, s’avança au milieu de l’assemblée et dit :

« Une telle structure, vénérable vieux, restreindrait notre espace de liberté individuelle et modifierait considérablement notre mode de vie. Certes, nous voudrions chasser l’aigle, mais faut-il pour autant envisager de si nombreux sacrifices ? »

Le lièvre, éloquent, savait que ses propos rallieraient l’adhésion de la majorité.
Le vote est donc sans surprise : Un comité est crée pour aller sur la falaise afin de parlementer avec l’aigle.
Mais chacun connaissait déjà l’issue d’une telle entrevue.
L’un des rares lièvres prêts aux sacrifices lança à la foule qui commençait à se disperser :

« A défaut de chasser l’aigle, nous avons chassé l’idée et, pour mieux supporter l’humiliation individuellement nous l’avons adoptée collectivement. »

Du haut de la falaise, on vit l’aigle prendre son envol...

On aurait tort de se moquer de l’assemblée des lièvres, il est des assemblées humaines qui n’agissent guère mieux.

Pc. Frémont

Messages

  • Le hasard m’a permis de découvrir que P.C Frémont s’est octroyé la paternité de la fable ’’l ’aigle et les lièvres .Il n’ en est nullement l’auteur.
    Cette ’fable’ a été écrite par un enseignant lors des grèves ( enseignants et élèves) de 2005. L’auteur habite à Toulouse. Elle fut envoyée à l’époque au site Bellaciao. L’expéditeur de cette fable est Mohamed El Bachir.