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L’immunité pénale de Berlusconi décortiquée par la justice

Publie le mardi 6 octobre 2009 par Open-Publishing

La Cour constitutionnelle à Rome va examiner le bien-fondé de l’immunité pénale du chef du gouvernement italien. Les poursuites judiciaires pourraient être débloquées.

L’immunité pénale dont bénéficie le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi en vertu d’une loi adoptée en juillet 2008, six semaines seulement après son retour au pouvoir, est décortiquée ce mardi et pourrait être annulée par la Cour constitutionnelle à Rome.

Si les 15 magistrats devaient juger non conforme à la Constitution la loi Alfano — du nom du ministre de la Justice Angelino Alfano qui l’avait proposée — toutes les poursuites judiciaires visant Berlusconi seraient débloquées.

Cette perspective inquiète le Cavaliere, 73 ans, qui se retrouverait sur le banc des accusés notamment à Milan pour le procès Mills. Dans cette affaire, Berlusconi est soupçonné d’avoir versé 600 000 euros à son ex-avocat britannique, David Mills, en contrepartie de faux témoignages dans deux procès remontant aux années 90.

La loi Alfano, adoptée le 22 juillet 2008, suspend toute procédure judiciaire contre les quatre plus hautes fonctions de l’Etat - président, président du Conseil, présidents du Sénat et de la Chambre des députés - pendant la durée de leur mandat (5 ans pour Berlusconi).

Mardi, la constitutionnalité de ce texte doit être examinée en audience publique puis la décision mise en délibéré, annonce un porte-parole de la Cour. "On ne sait pas qui (des magistrats) votera oui et qui votera non. Une majorité peut aussi décider qu’uniquement certains articles de la loi sont contraires à la Constitution", dit-il.

Le jugement basé sur un dossier de sept volumes et 3.218 pages pourrait intervenir mardi, mercredi, ou être renvoyé à deux semaines plus tard. "Pour Berlusconi c’est une sorte de compte à rebours. Si la Cour abroge la loi Alfano, cela peut le déstabiliser. Il y aura beaucoup d’agitation et il sera affaibli dans un premier temps", explique à l’AFP le politologue français, Marc Lazar, spécialiste de l’Italie.

Surtout, Berlusconi a peur de l’impact d’une reprise des procès sur son image et son électorat. "Risquer ne serait-ce que l’ombre d’une condamnation pèse beaucoup plus lourd que ses frasques sexuelles qui font plutôt rire ses électeurs", estime Marco Tarchi, professeur de sciences politiques à Florence.

L’opposition chercherait à enfoncer le clou. Pour l’ex-juge anticorruption Antonio Di Pietro, chef du parti Italie des valeurs et l’un des détracteurs les plus virulents de Berlusconi, "le Lodo Alfano est un sauf-conduit qui démontre ce que je dis depuis son entrée en politique en 1994 (...) que Berlusconi utilise la politique pour se protéger de ses ennuis judiciaires".

A court terme, Berlusconi n’est pas menacé dans ses fonctions car il dispose d’une confortable majorité parlementaire grâce à son alliance avec la Ligue du nord (populiste).

"L’opposition, surtout le Parti démocrate, est plus faible que jamais, dans sa majorité personne ne bouge, il n’y a pas de guerre de succession. En outre, la Ligue a besoin de lui et dans les sondages, sa cote reste élevée", relève M. Lazar.

Résumant l’état d’esprit du camp Berlusconi, le ministre de la Défense Ignazio La Russa s’est dit certain cette semaine que la loi Alfano ne serait pas abrogée. Sinon, selon La Russa, "ce serait une décision politique" des magistrats constitutionnels. Dans ce cas, l’hebdomadaire Panorama a donné un aperçu d’une probable riposte de Berlusconi : "on changerait de ministre et on réécrirait une loi tenant compte des remarques de la Cour".

http://www.lematin.ch/immunite-penale-berlusconi-decortiquee-justice-174809