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LES FONCTIONNAIRES ET LA JEUNESSE EN LUTTE POUR UN SALARIAT LIBERE, POUR UN AUTRE MONDE !

Publie le dimanche 16 décembre 2007 par Open-Publishing
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LES FONCTIONNAIRES ET LA JEUNESSE EN LUTTE POUR UN SALARIAT LIBERE, POUR UN AUTRE MONDE !

En France comme dans d’autres pays d’Europe les mouvements de protestation et de résistance qui dessinent la perspective d’un autre monde possible et nécessaire sont périodiquement le fait des fonctionnaires et de la jeunesse étudiante.

Ces mouvements sociaux permettent de ressouder les couches populaires contre les élites et les grands possédants. Cela crée des liens positifs mais cela ne se fait jamais aisément. Il y a en effet une contre résistance réactionnaire à la résistance, et pas seulement du patronat ou de la bourgoisie. Cette contre-résistance provient souvent de l’extrême droite mais pas seulement. On sait que des forces bureaucratiques syndicales notamment au sein de la CFDT ou sociale (contre-manifestation de la petite bourgeoisie artisanale et des professions libérales) sont viscéralement contre les luttes sociales, contre les grèves et les manifestations.

 UNE DYNAMIQUE RASSEMBLEUSE CONTRE LA VISION RESTRENTE ET STATIQUE DIFFUSEE PAR LE PATRONAT ET SES VALETS !

 LES ACTEURS DES LUTTES de résistance à la fragmentation populaire et à la régression sociale sont depuis plusieurs années les fonctionnaires de base (catégories C, B et A mais assez peu les A+) et les étudiants. D’autres petites fractions du peuple se mettent en action mais sans grand potentiel de dépassement des revendications du groupe. Il en va différemment des fonctionnaires et des étudiants. La grève est souvent décidée pour des motifs strictement professionnels mais la dynamique des luttes crée un élargissement revendicatif. La conjonction des luttes donne de l’air, réactive les solidarités, lesquelles permettent de sortir du repli individualiste (ma carrière) et de la conscience misérabiliste (je suis pas privilégié mais presque).

 LE MISERABILISME, c’est croire qu’il n’y a que les chômeurs et les précaires qui subissent sévèrement les politiques de flexibilisation et de marchandisation de la force de travail et en conséquence ne proposer que des mesures minimales de « filet de protection ». Le "civilisationnel" libéral ou social-libéral toujours à la baisse quand il n’y a pas de rapports de force contraire. Les autres, les « inclus », n’auraient pas à se plaindre. Mieux ils seraient pour certains d’entre eux des « privilégiés ». Le patronat abonde par intérêt évident dans cette division entre « exclus » et « inclus », entre salariés du privé et salariés du public. La vision statique est celle qui nous est diffusé dans les médias.
Mais à ne voir que les différences de catégories on fait l’impasse sur les dynamiques communes qui sont à la racine de ces processus de désaffiliation et d’exploitation de la force de travail. Ces dynamiques négatives sont pour certaines vieilles comme le capitalisme mais d’autres sont relativement récentes : elles se sont particulièrement développées depuis plus de 20 ans.

 VIVE LA DEMARCHANDISATION DE LA FORCE DE TRAVAIL ET DES SERVICES

 PAR LE STATUT : Il est exact que le statut du fonctionnaire a permis d’extraire la force de travail de son statut de vulgaire marchandise (beaucoup plus que le code du travail pour le privé). Mais alors nous devrions en être heureux et promouvoir tant que faire se peut ce modèle relativement « civilisé » de protection à l’ensemble des travailleurs salariés. Cette dynamique positive a existé. Elle est aujourd’hui à contre-courant. Nous reculons vers le capitalisme du XIX ième siècle.

 PAR LA DEFENSE DES SERVICES PUBLICS : Le service public et le statut des fonctionnaires que nous avons connu en France depuis 1946 a formé un « modèle social » progressiste qui a longtemps servi d’étalon aux travailleurs du privé pour améliorer leur conditions de travail. Le service public travaillait à la satisfaction des besoins sociaux de la population hors référence marchande et les fonctionnaires disposaient d’un statut permettant des conditions de travail relativement « civilisées ». Sans doute ne faut-il pas porter au pinacle ni le service public - qui rapidement a pu être perverti par les logiques marchandes -, ni le statut des fonctionnaires – qui n’a jamais intégré les résidents étrangers durablement installés sur le territoire. Face au bloc soviétique le capital devait lâcher des concessions mais pas question de changer radicalement de logique !

 CONTRE LA PROMOTION D’UNE VISION QUASI FAMILLIALE DE L’ENTREPRISE

 FETICHISME DE L’ENTREPRISE : D’abord les socialistes des années 83 oublièrent les rapports sociaux antagoniques entre le capital et le travail pour faire l’apologie de l’entreprise-communauté. Dans le même temps de nombreux juristes universitaires se mirent à dénigrer les services publics (ils parlèrent de « crise du service public »). Dans la foulée des hommes politiques de gauche comme de droite ainsi que de hauts fonctionnaires rédacteurs de rapports se mirent à vouloir « moderniser » l’Etat.

 FETICHISME DE LA MODERNISATION DE L’ETAT : La modernisation s’effectue, on le sait, toujours dans le même sens : moins de fonctionnaires, moins de garanties statutaires, plus de contractualisation, plus de « souplesses », plus d’objectifs de rentabilité et de performance, et surtout plus d’individualisation. En 25 ans le public a largement copié le privé. Là encore on va vers un monde "sauvage" de prédateurs ou "l’homme est un loup pour l’homme". Pour autant, pour les dirigeants politiques à la botte du MEDEF cela ne saurait suffire : il faut aller toujours plus loin dans le sens de la dégradation des conditions de travail. Et ce qui sert de modèle c’est désormais les secteurs les plus flexibles, les plus soumis, les plus exploités. Car la rentabilité du capital investi oblige de plus en plus à la formation d’une force de travail soumise.

 FETICHISME DES PROCESSUS ECONOMIQUES ABSTRAITS : trop de soumission génère de la tristesse, de la mal-vie... La rentabilité économique est le nouveau fétiche devant qui les humains doivent s’agenouiller sans discuter. Beaucoup en crèvent et celles et ceux qui supportent mieux la charge un temps ne sont pas dupes même si certains se gaussent et en profitent pour vendre plus cher leur capacité de travail. La guerre interne à l’entreprise est mondiale et féroce. Elle produit le gonflement de l’armée de réserve qui sert si bien à la mise en concurrence des travailleurs salarié et la dégradation générale des conditions de travail et de vie.

 CONTRE LES INEGALITES, POUR LA SECU ET LES RETRAITES, DEFENSE DU SALAIRE !

Dans ce cadre ce n’est pas le partage des richesses qui s’opère mais le partage de la misère entre les différentes couches du peuple. Ceux d’en-haut - la bourgeoisie - en profitent sur notre dos ! Ce sont les seuls gagnants.

A la suite de Bernard FRIOT, il faut défendre le droit au salaire et à la cotisation sociale.
cf textes de B FRIOT sur Bellaciao notamment sa promotion de la perspective communiste de défense du salaire. AC ! Quimper avait aussi produit en 2003 un texte intéressant intitulé "droit au salaire" inspiré de FRIOT.

Christian DELARUE
ATTAC France

PARTIR DES CONTRADICTIONS REELLES DES TRAVAILLEURS ET AVANCER
http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=52701

Messages

  • LES IP (A+) DE LA FONCTION PUBLIQUE
    ENCADREMENT DE REPRODUCTION ELARGIE DU CAPITAL

    *

    Ces notes s’inspire du texte d’Alain BHIR sur l’encadrement capitaliste (1) mais il nous semble au regerd de l’expérience des luttes syndicales dans la fonction publique qu’il met la barre de l’encadrement trop basse dans l’échelle sociale. L’encadrement est tout à la fois dominant et dominé . Mais il èy a plusieurs niveaux d’encadrement. A partir de quel grade, de quelle fonction, l’encadrement est-il nettement du côté dominant (pour "ceux d’en-bas) même s’il est dominé par rapport à la hiérarchie au-dessus de lui. Il nous semble que l’IP - l’inspecteur principal (A+) - de la plupart des administration est bien souvent (pas toujours) dans cette position. J’exclue le personnel enseignant agrégé de cette analyse. Ce n’est pas le cas des inspecteurs "de base" (ou arement) et encore moins des contrôleurs ou rédacteurs (la catégorie B) de la fonction publique.

    Pour valider ce qui n’est qu’une hypothèse il nous faut d’abord des repères de classement. Partons des analyses d’Alain BHIR sur les couches moyennes salariées (CMS).

    I. CLASSE MOYENNE / COUCHES MOYENNES

    Dénominations apparemment purement _descriptives_ et _neutres_, donc acceptables à ce titre. C’est pourquoi je l’adopte ici dans un premier temps. Mais dénominations en fait _confuses_, que l’on parle de classe moyenne (au singulier) ou de couches moyennes (au pluriel).

    A) CLASSE MOYENNE :

    Peut-on parler des "couches moyennes salariées" en terme de classe moyenne ? Oui et non.

    OUI : il est clair que ces couches occupent _une position moyenne_ (intermédiaire et médiatrice) entre "le haut" (la bourgeoise) et "le bas" (les classes populaires) de la hiérarchie sociale. Et cela tant du point de vue du niveau de leurs revenus que de leur accès aux positions de pouvoir dans la société.

    NON : l’ennui, c’est que l’on peut en dire strictement autant de multiples autres classes ou fractions de classe dans les sociétés capitalistes : petit capital (petits patrons de l’industrie et du commerce) ; petite-bourgeoisie ; professions libérales ; petits rentiers. Et l’on risque alors de confondre les "couches moyennes salariées" avec ces classes et fractions de classe sous le vocable de classe moyenne (au singulier ou au pluriel).

    Alors qu’elles n’ont _rien de commun_ avec elles et qu’elles s’opposent même à elles terme à terme :

     petite propriété capitaliste ou précapitaliste contre salariat ;

     valorisation d’un patrimoine économique contre valorisation d’un patrimoine culturel et notamment scolaire ;

     appartenance à l’univers pré ou archéocapitaliste contre appartenance à l’univers capitaliste.

    En définitive, parler de classe(s) moyenne(s) dans ce contexte revient tout simplement à avouer qu’_on est incapable de définir des critères nets d’appartenance de classe_. Ce n’est pas seulement l’adjectif moyen qui est alors usurpé mais le substantif classe lui-même. Ce qui explique que cette dénomination ait surtout cours, outre dans le langage courant et dans le langage politique, dans _la sociologie vulgaire_, bref chez des gens qui ne savent pas de quoi il parle quand il s’avise de prononcer le mot de classe.

    B) COUCHES MOYENNES

    Dans une perspective critique marxiste , la dénomination de classe moyenne est explicitement refusée et c’est celle de _couches moyennes_ (on parle alors de "couches moyennes salariées" ou de "nouvelles couches moyennes") qui est retenue. Mais Alain Bhir précisera __que la seule question qu’il faut se poser pour savoir si les "couches moyennes salariées" constituent une classe sociale est la suivante : en dépit de leur hétérogénéité, présentent-elles suffisamment d’identité au niveau de leur insertion dans les rapports de production et la division sociale du travail pouR parvenir à s’unifier en une force sociale autour d’un projet politique original ? Dans la terminologie marxiste classique, on ne peut parler de couches sociales que sur fond de classes sociales.

    S’agit-il des travailleurs salariés ou d’une nouvelle petite bopurgeoisie ?

    X

    II. NOUVELLE PETITE-BOURGEOISIE ? NON

    D’autres auteurs marxistes qui ont entrepris de classer les couches moyennes salariées au sein de _la petite-bourgeosie_ ; d’en faire une nouvelle petite-bourgeosie par opposition à la petite-bourgeoisie traditionnelle définie par la petite production marchande (les artisans et les petits commerçants). Mais faire des "couches moyennes salariées" une fraction de la petite bourgeoisie aucun sens. Il n’y strictement _rien de commun_ entre ces couches moyennes d’une part, les artisans et petits commerçants.

    X

    III. IP : ENCADREMENT CAPITALISTE

    Distinguons les IP et postes de commandement au-ddessus de la troupe des exécutants fussent-ils catégorie A "de base".

    LE CRITERE

    Au sein des sociétés capitalistes développées, pour analyser les rapports de classe et, par conséquent pour déterminer la situation des différentes classes sociales (et pas seulement celle de l’encadrement), il faut partir non pas de l’analyse des seuls rapports de production, comme le faisait le marxisme classique, mais de l’analyse _du procès global de reproduction du capital_.

    Par procès de reproduction du capital, j’entends le mouvement très vaste, très complexe, passant par de multiples médiations, comprenant plusieurs niveaux d’analyse, par lequel ce rapport social qu’est le capital assure sa propre reproduction en informant, modelant, transformant l’ensemble des rapports sociaux, des pratiques sociales, des institutions, des représentations, des mouvements sociaux, etc., en générant littéralement ce mode de (re)production de la société par elle-même qu’est le capitalisme.

    Ce procès passe donc par la production et la reproduction d’_un réseau de rapports de domination_, depuis le procès de travail par lequel le capital se valorise jusqu’à l’espace social transnational que génère sa circulation planétaire, en passant par les structures étatiques, politiques, syndicales, etc.

    C’est relativement à leur situation dans ce réseau de rapports de domination que doivent s’analyser les rapports entre les différentes classes sociales. Je propose donc de _déplacer le centre de gravité_ de l’analyse de la structure de classes _des rapports d’exploitation vers les rapports de domination_ à travers lesquels les premiers parviennent à se produire et à se reproduire.

    L’APPLICATION :

    sur cette base, les "IP" (comme les managers du prive) se définissent comme l’ensemble des agents subalternes de la reproduction du capital_, ou encore comme l’ensemble des agents dominés de la domination capitaliste.

    Ce qui signifie que _dans la division sociale du travail_, elles remplissent _des fonctions d’encadrement_ : ce sont elles qui conçoivent, contrôlent, inculquent, légitiment les différents rapports de domination par l’intermédiaire desquels se reproduit le capital. Et ce aussi bien dans les appareils d’Etat et dans la société civile que dans les entreprises. D’où ma dénomination d’encadrement capitaliste à leur sujet.

    Vouées aux tâches d’encadrement des rapports de domination à travers lesquels le capital se reproduit, l’encadrement se distingue donc à la fois :

    - de _la classe capitaliste_, classe des propriétaires et des gestionnaires du capital social, qui dirige (plus ou moins bien, avec plus ou moins de maîtrise) le procès global de reproduction du capital et au pouvoir de laquelle les membres de l’encadrement demeurent soumis (propriétaires et cadres supérieurs dirigeant les entreprises privées ou publiques ; haut personnel politique, administratif et militaire).

    - du prolétariat qui comprend l’ensemble des agents voués aux _fonctions d’exécution_ dans la division sociale du travail,

    C’est donc à dessein que _je ne parle pas de classe ouvrière mais de prolétariat_. Car les ouvriers ne constituent pas les seuls prolétaires même s’ils continuent à former le "noyau dur" du prolétariat. En fait, l’immense majorité des employés publics ou privés ont été prolétarisés.

    • De Jean-Marie HARRIBEY : Une autre défense de :

      LE TRAVAIL PRODUCTIF DANS LES SERVICES NON MARCHANDS ET L’IMPÖT - Attac France

      http://www.france.attac.org/spip.php?article7995

      EXTRAIT 1 :

      Au sein de la théorie économique libérale, règne la thèse du caractère parasitaire de l’activité publique non marchande financée par prélèvement sur l’activité marchande des agents privés qui, de ce fait, se voit limitée (par l’effet d’éviction et la montée des taux d’intérêt). La conséquence normative de cette approche est de verrouiller la politique monétaire, notamment en interdisant la monétisation des déficits publics, obligeant les États à emprunter sur les marchés financiers.
      Le marxisme traditionnel peut-il aider à dépasser l’aporie précédente ? Malheureusement, il existe un trou noir en son sein. Certes, l’analyse de la marchandise ouverte par Marx au début du /Capital/ donne les outils conceptuels pour critiquer le processus de marchandisation du monde. Mais le marxisme a laissé en jachère ce qui pourrait en constituer le rempart : il n’existe pas d’économie politique critique dont l’objet serait de théoriser une sphère non marchande ayant pour vocation de s’étendre au fur et à mesure que les rapports de forces tourneraient à l’avantage du travail face au capital.
      .../...
      L’objectif est ici de contribuer à construire une économie politique de la démarchandisation de la société en examinant brièvement deux points : comment établir le caractère productif du travail effectué dans les services non marchands ? quels éléments sont controversés ?

      EXTRAIT 2 :

      La définition du travail productif n’a de sens que relativement aux rapports sociaux dominants. Ainsi, la distinction de Marx entre procès de travail en général et procès de travail capitaliste garde toute sa pertinence pour différencier le travail productif de valeurs d’usage et le travail productif de valeur et de plus-value pour le capital. Il est crucial également de rejeter la matérialité ou l’immatérialité du produit comme critère de définition du travail productif. Marx explique : « Le fait, pour le travail, d’être productif n’a absolument rien à voir avec le contenu déterminé du travail, son utilité particulière ou la valeur d’usage particulière dans laquelle il se matérialise. » [Marx, 1968-c, p. 393]. Seuls doivent entrer en ligne de compte la nature du rapport social qui est noué à l’occasion de la production des biens et des services et le caractère ou non de marchandise de ces biens et services. S’il s’agit d’un travail salarié produisant des marchandises, il est productif de capital (et, dans le même temps bien sûr, de valeur et de revenu correspondant). S’il s’agit d’un travail salarié produisant des services non marchands, il ne produit pas de capital. Produit-il le revenu qu’il perçoit ? Non, répondent à l’unisson le libéralisme, le marxisme traditionnel, de même que certains théoriciens du capitalisme cognitif [3 <http://www.france.attac.org/spip.ph...> ] : tous laissent en suspens la question de savoir sur quelle base non réalisée serait prélevé le revenu versé ;

      Nous proposons de montrer que, lorsque les besoins collectifs sont anticipés, le travail qui y est consacré produit les valeurs d’usage désirées, il produit aussi leur valeur monétaire non marchande et le revenu distribué correspondant.

      Au sein du mode de production capitaliste, la plupart des valeurs d’usage se présentent sous la forme monétaire, mais certaines sont marchandes et les autres ne le sont pas. Schématisons une économie de la manière suivante. Les forces productives sont partagées entre un secteur marchand capitaliste produisant des biens de production et des biens de consommation et un secteur non marchand produisant des services collectifs. La présentation habituelle selon laquelle, en termes libéraux, l’État prélève une part du fruit de l’activité privée pour financer ensuite les dépenses collectives, ou, en termes marxistes orthodoxes, il prélève une part de la plus-value produite par les travailleurs salariés du secteur capitaliste, est-elle recevable ou aboutit-elle à une impasse logique ?

      /L’anticipation des besoins collectifs/

      Il y a dans toute formation sociale dominée par le capitalisme deux catégories d’agents producteurs : les entreprises privées et la collectivité publique. Comme l’expliqua Keynes, les premières décident de produire quand elles anticipent des débouchés – la demande dite effective qui assure un certain niveau d’emploi – pour leurs marchandises qui répondent à des besoins solvables. Elles réalisent alors des investissements et mettent en circulation des salaires. La vente sur le marché valide cette anticipation, la mévente la sanctionnerait. Quant aux administrations publiques, anticipant l’existence de besoins collectifs, elles réalisent des investissements publics et embauchent aussi. Dans ce second cas, la validation est effectuée /ex ante/ par une décision collective et se confond avec l’anticipation. Dans les deux cas, l’injection de monnaie sous forme de salaires et investissements privés et publics lance la machine économique et elle engendre la production de biens privés marchands et de biens publics non marchands. De la même façon que les salaires versés vont /ensuite/ être dépensés pour acheter les biens marchands, le paiement de l’impôt vient, /après/ que les services collectifs sont produits, exprimer l’accord de la population pour que soient assurées de façon pérenne l’éducation, la sécurité, la justice et les tâches d’administration publique. L’anticipation de services non marchands et leur production par les administrations publiques précèdent donc logiquement leur « paiement » de type collectif par les usagers que l’on peut assimiler à un prix socialisé. En termes post-keynésiens, on dirait que de la monnaie reflue à son point de départ.

      .../ ...

      /Anticipation, financement et paiement, trois stades de la dynamique de reproduction/

      //L’expression « les impôts financent les dépenses publiques » est trompeuse. L’ambiguïté provient de la confusion entre /financement/ et /paiement. /La production capitaliste est financée par les avances de capital en investissements et salaires, avances dont la croissance sur le plan macro-économique est permise par la création monétaire, et les consommateurs paient. Quel rôle joue l’impôt vis-à-vis de la production non marchande ? Il en est le paiement socialisé. Le contribuable ne « finance » pas plus l’école ou l’hôpital que l’acheteur d’automobile ne « finance » les chaînes de montage d’automobiles. Car le financement est préalable à la production, que celle-ci soit marchande ou non marchande. Et le paiement, privé ou socialisé, lui est postérieur. De plus, l’activité productive supplémentaire engendre un revenu supplémentaire et donc une épargne supplémentaire qui reflue et vient s’ajuster à l’investissement supplémentaire déclencheur, tant privé que public.

      .../ ...

      Certes, le paiement de l’impôt permet – tout comme les achats privés des consommateurs – au cycle productif de se reproduire de période en période. Mais il y a deux impensés dans l’idéologie libérale. Premièrement, il faut rappeler que ce sont les travailleurs du secteur capitaliste – et non pas les consommateurs – qui créent la valeur monétaire dont une partie sera accaparée par les capitalistes, et ce sont les travailleurs du secteur non marchand – et non pas les contribuables – qui créent la valeur monétaire, quoique non marchande, des services non marchands. Deuxièmement, au sens propre, le financement désigne l’impulsion monétaire nécessaire à la production capitaliste et à la production non marchande et l’impulsion monétaire doit être donc distinguée du paiement.
      Contrairement à l’opinion dominante, les services publics ne sont donc pas fournis à partir d’un prélèvement sur quelque chose de pré-existant. Leur valeur monétaire, mais non marchande, n’est pas ponctionnée et détournée ; elle est /produite/. Dès lors, dire que l’investissement public évince l’investissement privé n’a pas plus de sens que dire que l’investissement de Renault évince celui de Peugeot-S.A. ou d’Aventis. Dire que les salaires des fonctionnaires sont payés grâce à une ponction sur les revenus tirés de la seule activité privée n’a pas plus de portée que si l’on affirmait que les salaires du secteur privé sont payés grâce à une ponction sur les consommateurs, car ce serait ignorer que l’économie capitaliste est un circuit dont les deux actes fondateurs sont la décision privée d’investir pour produire des biens et services marchands et la décision publique d’investir pour produire des services non marchands. /L’impôt n’est donc pas un prélèvement sur de la richesse déjà existante, c’est le prix socialisé d’une richesse supplémentaire.
      /En d’autres termes, les prélèvements obligatoires sont des /suppléments obligatoires/ /consentis/ /socialement/ et leur paiement permet qu’ils soient renouvelés de période en période. Mais la pérennité de la production de services collectifs se heurte à une contradiction que seul le débat démocratique peut aider à dépasser : la demande de services collectifs par la société n’est qu’/implicite/ car il existe un écart entre le consentement /collectif/ à leur existence et les réticences /individuelles/ au paiement de l’impôt qui sont nourries à la fois par les profondes inégalités devant celui-ci et par la croyance, entretenue par l’idéologie libérale, que le paiement de l’impôt est contre-productif et spoliateur.

      Le travail productif dans les services non marchands et l’impôt - Attac France
      http://www.france.attac.org/spip.php?article7995

    • A propos des IP et des cadres supérieurs publics ou privés, un extrait du Diplo d’oct 2007 :

      Dans ce processus, les cadres-et-compétents ont été repris en main par la finance. Dépossédés de la capacité d’initiative et détournés des objectifs qui avaient été les leurs dans le contexte de l’Etat-nation, ils se montrent incapables d’en rétablir les logiques au plan continental, comme en Europe. Ils passent du compromis social-démocrate au compromis néolibéral. Un ralliement plus ou moins empressé selon les contextes historiques, plus allègre aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qu’en France.

      Extrait de :
      Un autre marxisme pour un autre monde
      Jacques Bidet et Gérard Duménil

      http://www.monde-diplomatique.fr/2007/10/BIDET/15216