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Le Monde libertaire # 1479 du 24 au 30 mai 2007
Les riches en yacht, Les pauvres en galère !
« Toutes les lois sont oppressives et criminelles.Elles ne protègent que les riches et les heureux. »
Octave Mirbeau
Le sommaire :
Airbus, les salariés refusent de jouer, par Fabrice, page3
Kouchner l’Américain, par Rébecca, page 4
XXIe SIÈCLE et syndicalisme, par J. -P. Germain, page 5
L’autruche, par F. Ladrisse, page 5
Brèves de combat, page 6
Qui sont les vrais utopistes, par T. Périssé, page 7
Québec, éducation et classes sociales, par Marina, page 9
À la mémoire des résistants espagnols du plateau des Glières, par D. Pinós, page 11
Vous avez dit socialistes ?, par M. Rajsfus, page 14
Loin des Censier battus, par E. Barrierasr, page 17
Du mauvais côté du pourcentage, par N. Potkine, page 20
Cerise sur le tilleul, par les Taneries, page 21
Grève de la faim, par Casquette, page 21
Radio libertaire, page 22
Agenda, page 23
Éditorial
MORNE EST LA PLAINE du paysage politique après le passage de l’orage de l’élection présidentielle.
Ceux qui sont du côté du manche paradent – goguenards – et peinent à refréner leur morgue pendant que la cohorte appartenant au camp des battus s’échine à essayer de sauver quelque meubles à l’occasion des prochaines législatives.
Tous ont pour antienne la même injonction : les urnes ont parlé, nous devons tous nous soumettre à leur sentence et attendre patiemment le prochain tirage. Il est juste et tentant à la fois de gloser à l’infini sur les marchands d’illusion qui maîtrisent si bien l’art d’anesthésier les consciences afin de mieux naturaliser l’ordre existant en vue de le perpétuer à l’infini… mais ce n’est pas suffisant.
A rebours des partis, organisations et clercs qui prétendent détenir le magistère de la pensée et le vade-mecum de l’action, y compris après la énième faillite de leurs oracles, nous, anarchistes, saurons faire preuve d’humilité alors que les circonstances pourraient nous faire verser dans une certaine immodestie.
Nous pourrions facilement prouver en effet que nos analyses étaient justes et que les faits nous ont donné raison. Bien entendu, nous réitérerons les même propos car ce sera nécessaire encore et toujours, mais nous n’en resterons pas là.
En effet, immense est la tâche qui nous attend pour faire prendre conscience au camp des
travailleurs qu’eux seuls détiennent les clés pour dessiner d’autres futurs. Nous savons que nous pouvons nous appuyer sur un corpus d’idées dont la validité n’a pas pris une ride, bien au contraire. Néanmoins, et parce que l’anarchisme ne relève pas du prêt-à-penser et du prêt-à-appliquer, nous n’hésiterons pas à enrichir nos réflexions et pratiques en les confrontant à celles d’autres acteurs – individuels ou collectifs – qui manifestent sincèrement leur désir d’aboutir à une société débarrassée de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Nous, anarchistes, ne sommes pas atteints du syndrome de l’avant-garde éclairée, aussi le sectarisme ne nous infecte pas. Nous savons que la crédibilité de nos idées sera jaugée
sinon jugée à l’aune de nos engagements dans les luttes qui émergeront et se développeront nécessairement dans la période qui s’ouvre, mais aussi sur notre capacité à développer de nouveaux outils d’analyse et de réflexion.
Nous sommes prêts pour tout cela avec une seule règle : le désir de débattre et agir avec tous ceux et celles qui feront passer les intérêts collectifs avant leur ego et qui, parallèlement, refuseront de faire prendre des vessies pour des lanternes aux yeux des travailleurs.
En prime, un article de Fabrice :
Airbus : les salariés refusent de jouer !
Une des premières actions de notre nouveau président fut d’aller rencontrer les représentants syndicaux d’Airbus Industries. Pour les salariés, rien ne va plus !
DANS UN PRÉCÉDENT ARTICLE paru dans le Monde libertaire du 15 mars, intitulé « Airbus, le grand jeu de Monopoly », je concluais en écrivant : « Pour les salariés, la seule solution est de prendre leurs affaires en main en refusant le rôle de simples pions qu’on veut leur faire jouer. »
C’est exactement ce qui s’est passé dans les dernières semaines de manière assez exemplaire.
Rappel des faits : mercredi 25 avril, les salariés d’Airbus apprennent de leur direction que la prime d’intéressement passe de 3000 euros en 2006 à 2,50 euros en 2007… Après l’annonce des 10000 licenciements du plan Power 8 et l’information sur le parachute doré de Noël Forgeard, PDG d’Airbus, de 8,5 millions d’euros, le moins que l’on puisse dire est que la couleuvre passe mal.
Dès le lendemain, des débrayages spontanés, qualifiés de « grève sauvage » par Ouest-France, se répandent comme une traînée de poudre sur tous les sites : « c’est parti de quelques gars ce matin, à 7 heures, juste avant l’embauche. On a fait du poste à poste pour convaincre les collègues de débrayer et de bloquer l’entrée », raconte un jeune ouvrier de Saint-Nazaire.
Le 27 avril, à Saint-Nazaire, la quasi totalité des salariés est en grève et demande à l’intersyndicale (CGT, FO, CFDT, CGC, CFTC) de défendre la plateforme revendicative adoptée par l’assemblée générale : versement d’une prime exceptionnelle d’intéressement de 1970 euros brut ainsi qu’une prime de participation de 2200 euros brut. Retrait du plan Power 8, embauche des intérimaires, compensation des départs en préretraite par autant d’embauches.
Sur cette base, en principe, les représentants syndicaux rencontrent la direction et rendent compte ensuite des propositions de celle-ci, à savoir une prime exceptionnelle de 500 euros, 1,5 % d’augmentation générale des salaires, 0,5 % d’augmentation individuelle selon le « mérite ».
Certains syndicats proposent alors de reprendre le travail, sous la huée des salariés. Le vote est sans ambiguïté : 1250 pour la poursuite de la grève, une petite cinquantaine contre (des cadres essentiellement).
La tension monte très vite entre la « coordination des ouvriers, qui comprend d’ailleurs des syndiqués de la CGT et de FO notamment, et les directions syndicales nationales. FO, majoritaire dans la boîte, se trouve ainsi écartelée entre son syndicat de base orienté vers la lutte et sa fédération des métaux qui n’a de cesse, une fois de plus, que de faire rentrer les ouvriers au bercail…
Jusqu’au 11 mai, la bagarre continue malgré toutes les manoeuvres, les pressions de la bureaucraties. La rancoeur s’est installée aussi : « les syndicats disent qu’ils sont derrière nous, mais c’est devant qu’ils devraient être ! » explique un métallo.
C’est tout le problème en effet… Cela fait bien longtemps que certaines directions syndicales, à ne pas confondre avec les sections syndicales de base, ont abandonné la lutte pour s’installer dans « l’accompagnement (1) », voire la collaboration de classes. De la charte d’Amiens à la charte du travail de Pétain, en quelque sorte…
Cela dit, au moment même où l’on annonce que Jean-Paul Gut, le directeur général délégué, réclamerait une prime de départ de 12 millions d’euros, cette lutte des salariés d’Airbus est exemplaire et rassurante à plus d’un titre. Tout d’abord, elle est partie de la base, de jeunes ouvriers le plus souvent qui ont clairement décidé de prendre les choses en main. Ensuite, la forme même de la lutte ne peut que satisfaire des militants anarchistes : assemblée générale, définition d’un mandat, structuration en « coordination » incluant les syndicats qui voulaient se battre (embryon de comité de grève).
Enfin, la volonté d’en découdre, la détermination des salariés, ont mis un sérieux coup de pied dans la fourmilière des bureaucraties syndicales. Malgré la volonté d’unité très grande des salariés, quelques mises au point salutaires sont en cours.
Dans la période qui s’annonce, où régression sociale et répression vont constituer les deux volets complémentaires d’une même politique, cette lutte montre la voie à suivre, mais aussi les obstacles à surmonter.
Mais y a-t-il d’autre issue que la lutte collective qui s’exerce directement sur le terrain de classe, à l’inverse d’un vote aux législatives ou à la présidentielle (2), par exemple, acte individuel par définition (dans le fameux isoloir) et sur des bases forcément interclassistes : la nation, l’autorité, la sécurité, le drapeau…
Inlassablement, avec humilité mais détermination, il appartient aux militants anarchistes d’aider au maximum à la construction de cette résistance, ne serait-ce qu’en développant et en structurant leur propre organisation au service des luttes. Cela sera l’enjeu du prochain congrès de la Fédération anarchiste.
(1).Y compris sur la base de propositions syndicales tels les parcours sécurisés de la CFDT ou la sécurité sociale professionnelle de la CGT qui risquent d’aboutir à la fléxisécurité proposée par Sarkozy. Un prochain article fera le point sur cette question très
importante.
(2). Certains camarades se sont émus de la forte participation à la dernière élection présidentielle, croyant y voir une nouveauté inquiétante. Rappelons simplement que le taux de participation, certes supérieur de 6 % environ par rapport aux élections de 1995 et 2002, ne fait qu’à peine atteindre les taux de 1974 ou 1981. Pas de panique donc, toujours
mauvaise conseillère comme cela a pu être le cas en avril 2002…
Fabrice
Groupe La Sociale de la Fédération anarchiste à Rennes
Et pour finir, l’agenda du Monde libertaire :
Jeudi 24 mai
Sarlat (24)
« Débats libertaires » sur le thème des libertés individuelles, organisé par le groupe Drapeau noir Périgord de la Fédération anarchiste, au café Le Lébérou, 5, rue Jean-Jacques-Rousseau.
Samedi 26 mai
Paris 8e, 9e, 17e et 18e
Manifestation à l’appel du 9e collectif de sans papier à 14 heures à la Place de Clichy. Metro Place-de-Clichy, ligne 2 ou 13.
Cognac (16)
Rencontre avec les Editions Libertaires à la librairie "Le texte libre" à 15 heures. Franck Thiriot présentera la collection Paroles en présence des artistes : Laurent Melon (Paroles de poêtes révoltés), Eric Coulaud (Paroles antimilitaristes) dans le cadre d’une rencontre exceptionnelle "Art et politique. Art-politique". Librairie "Le Texte Libre", 17 rue Henri Fichon, 16100 COGNAC. Tel. : 05.45.22.20.52.
Foix (09)
La CNT 09 organise une conférence-film-débat sur les coopératives, à 14 heures, à la maison des associations. Film J’ai très mal au travail de Jean-Michel Carré ; présentation avec un rappel historique du mouvement ; débat en présence d’intervenants du monde coopératif ; auberge espagnole à partir de 19 heures.
Jeudi 31 mai
Paris 11e
Discussion-débat autour de la lutte contre le CPE, à partir de l’ouvrage Loin des Censier battus (CNT-RP, 2007, 255 pages) en présence d’étudiants, profs et Iatos Organisé par la librairie Quilombo. À 19h45, au CICP, 21ter, rue Voltaire.
Vendredi 1 juin
Rouen
Soirée poésie. Panorama de la poésie actuelle et présentation du nouveau recueil de Guy Pique Haut Corps (K. éditions) à la librairie l’Insoumise, au 128, rue Saint-Hilaire.
Samedi 2 juin
Paris 20e
Rendez-vous à l’entrée du cimetière du Père-Lachaise à l’occasion de la commémoration annuelle de la Semaine sanglante, à 15 heures. Métro Gambetta.
Dimanche 3 juin
Ivry-sur-Seine (94)
Gala annuel de l’Union pacifiste au Forum Léo-Ferré, 11, rue Barbès. Entrée 13,50 euros (10,50 euros pour les étudiants, érémistes, enfants de moins de 16 ans… gratuit pour les enfants de moins de 6 ans). Métro Pierre-Curie ou Ported’Ivry, ligne 7. Bar et petite restauration disponible sur place. Plus d’informations sur www.forumleoferre.com
Samedi 5 juin
Paris 11e
Débat à la librairie Publico, 145 rue Amelot, à 16 heures. Pascal Charbonnat, Guillaume Lecointre et Marc Sylberstein viendront nous parler de la passionnante « histoire des philosophies matérialistes » que vient d’écrire Pascal.
Mercredi 6 juin
Paris 20e
ARCC organise une soirée consacrée à André Robèr (du groupe la Vache folle de la FA) peintre, poète et éditeur des Éditions K’A, à 19 heures, 160, rue de Pelleport. Soirée préparée et présentée par Dominique Jeantet avec la participation de Stéphane Hoarau.
Jeudi 7 juin
Merlieux (02)
Rencontre avec Frédéric H. Fajardie, auteur des Foulards rouges, du Voleur de vent, de La Lanterne des morts, de La Nuit des chats bottés, de Chronique d’une liquidation politique, de 18 heures à 21 heures, à la Bibliothèque sociale, 8, rue de Fouquerolles. Tél./fax : 0323801709.
Samedi 9 juin
Paris 18e
Rencontre-débat avec Céline Beaudet qui nous parle de son ouvrage Les Milieux libres : vivre en anarchiste à la Belle Époque à 15h30, à la bibliothèque La Rue, au 10, rue Robert-Planquette.
Mardi 12 Juin
Ivry-sur-Seine (94)
Réunion publique. Violence, non-violence, action directe et avant-gardisme dans le mouvement ouvrier et social. Le débat sera précédé par la projection du film documentaire "The Weather underground" de Sam Green et Bill Siegel. Ce film relate l’histoire d’un groupe d’étudiant aux USA dans les années 60 qui créent une formation révolutionnaire armée. Soirée à l’invitation du groupe libertaire d’Ivry (Fédération anarchiste). A 20 heures au Forum Léo Ferré, 11, rue Barbès. Métro : Pierre-Curie. Bar et petite restauration. Entrée libre
Jeudi 14 juin
Sarlat (24)
« Débats libertaires » sur le thème du militantisme anarchiste, organisé par le groupe Drapeau noir Périgord de la Fédération anarchiste, au café le Lébérou, 5, rue Jean-Jacques-Rousseau.
Le Monde libertaire, hebdomadaire de la Fédération anarchiste, adhérente de l’Internationale des fédérations anarchistes
Le Monde libertaire, chaque jeudi en kiosque, 24 pages en couleurs pour deux euros