Accueil > Le NON et le projet

Le NON et le projet

Publie le jeudi 28 avril 2005 par Open-Publishing
5 commentaires

de Pierre Zarka

Je pense nécessaire de mieux établir les liens qui peuvent exister entre la bataille pour le NON et le travail sur les perspectives, tout particulièrement le projet communiste. Parmi les hésitants, particulièrement ceux qui ont une vision positive du
NON une question revient : "à quoi ça va servir ?" N’oublions pas qu’il y a derrière nous une expérience qui a déçu : les élections régionales ont sur le plan politique mis le gouvernement en minorité ; partout le PS a dit "nous allons voir ce que nous allons
voir" et rien ne s’est passé, hormis une terrible aggravation de la politique gouvernementale. Cette fois, nous appelons à voter, et il est clair que ni le gouvernement, ni la majorité parlementaire ne
changeront. Nous allons bien sûr tenter de montrer l’élan que donnerait une victoire du NON au mouvement populaire. Mais la crédibilité de cette démonstration renvoie aux perspectives de transformation de la société.

Je trouve donc nécessaire de préciser ce que nous attendons
exactement des échéances de 2007- 2008 ; pour l’instant nous
sommes dans une approximation qui peut ne pas nous dégager de
notre ancienne stratégie. Que visons-nous exactement ?
Seulement une capacité nouvelle de faire contre -poids au PS dans
une éventuelle construction majoritaire ? Ou cette éventualité se
situe- t-elle dans un ensemble plus large et déterminant de
construction d’un mouvement populaire politique ? 2007 doit- il
être le point d’arrivée qui permet un gouvernement de gauche ou
un point de départ nouveau d’un tel mouvement populaire en
tentant que ce mouvement soit majoritaire ? On mesure bien qu’il
ne s’agit pas de la même perspective.

Dans ce dernier cas, qui me semble être conforme à ce que
nous disons de notre nouvelle stratégie, la base de
rassemblement ne se limite pas à une anticipation raisonnable de
ce qui devrait être possible de faire avec le PS, mais la base
première du rassemblement devrait être le commencement d’une
autre vision de la société et cette autre vision pourrait alimenter
des objectifs précis en rupture avec les logiques du capital. Il ne
s’agit nullement d’une utopie loin des échéances. Regardons par
exemple, comment tous les espaces militants sont en crise et
dans des processus d’affrontements internes : c’est vrai
quasiment de tout le mouvement associatif, des féministe à Attac
en passant par les associations de chômeurs ou Actuel Marx, du
mouvement syndical, des sphères politiques c’est vrai du PS, des
Verts, de la LCR et on ne peut pas dire que nous y échappons ;
c’est vrai en France et dans le monde ; l’Humanité rapportait que
les syndicats allemands si puissants avaient perdu plus de 4
millions d’adhérents en 10 ans. Même si on peut s’interroger sur
la crise d’un certain type d’organisation, je pense qu’en grande
partie, c’est le résultat d’une crise de perspective et d’alternative.

Je prends un autre exemple, Joël Greder attire souvent notre
attention sur le drame que pose aux plus pauvres la question du
dépassement des honoraires des médecins. C’est un bon
exemple, pour montrer que si nous en restons à une liste de
mesures catégorie par catégorie, les intérêts des professionnels
de la santé d’un côté, les intérêts des patients de l’autre, tous les
ingrédients de la division sont réunis et nous ne sortirons pas le
mouvement populaire du face à face avec le PS. En cela les 27
propositions ne suffisent pas à nous dégagent pas de ce problème.
Autant j’entends le souci évoqué d’être précis comme élément à
la fois rassembleur et de clarification, autant je pense que la
grande question aussi bien pour rassembler que pour clarifier
demeure de savoir si on est capable de concevoir la société et le
monde autrement qu’à travers le prisme du capitalisme. Cela
dépasse de loin le « possible immédiatement » et l’espace des
cinq années de législature, je dirai même qu’autant j’ai moi-même
dit à plusieurs reprises que les échéances de 2007 et 2008 étaient
décisives, autant à mes yeux elles prennent leur dans la mesure
où on aide les gens à ne pas en faire une fin en soi.

Le rassemblement large, anti- libéral à effectuer prend sa valeur que
comme condition d’appropriation de toutes les conditions de la
transformation sociale par le plus grand nombre d’individus.
Si on prend en compte que dans les milieux populaires un
obstacle devant le vote NON est le sentiment qu’il n’a pas de
rapports avec les attentes de solutions sociales ou qu’au fur et à
mesure que la campagne fait ressortir qu’il s’agit bien d’un NON
au libéralisme, nous enclenchons un processus d’attente vis-à-vis
de la transformation sociale. Ne pas y répondre serait malgré

nous, prêter le flanc à la menace du chaos, renvoyer vers le
moindre mal qu’illustre le PS et c’est cet espace vide que celui- ci
tente d’exploiter lorsqu’il dit que le non met en péril les
perspectives de gauche ultérieures. Le travail collectif, je veux
dire avec d’autres sur le projet de transformation sociale n’est pas
une tâche en plus, ni à remettre à après le référendum mais est,
selon moi, une urgence d’autant que les jours qui viennent de
s’écouler témoignent de l’exaspération qui grandit et avec
l’exaspération grandit aussi l’interpellation même muette du
politique.

Ce n’est pas la première fois que j’aborde cette demande,
et personne ne la réfute, mais comme cela n’est guère suivi
d’effets, j’aimerais qu’on en débatte pour comprendre où est
l’obstacle ou quel argument conduit à considérer cette question
comme superflue.

Intervention lors du Conseil national du PCF, 11 mars 2005.


Quelques précisions sur la notion de projet communiste
(en complément du texte précédent)

de Pierre Zarka

Il me semble difficile de prétendre enfermer le « projet communiste dans un
texte et de vouloir faire un catalogue de mesures. Pour moi, il s’agit plutôt de
repères identifiant le communisme, sans hiérarchie ni ordre particuliers, sur des
thèmes suffisamment forts pour être emblématiques sur lesquels se greffe la
légitimation de mesures transformatrices. Ils devraient être à la fois en relation
avec de grands débats tels que les gens en ont souvent en dehors de tout cadre
politique mais dessinant une cohérence. Lorsque j’évoque une cohérence, il ne
s’agit pas d’un cours d’économie politique, mais de rendre le plus claires possible des conditions qui rendent crédible ce qui peut apparaître seulement comme du rêve et montrer à celles et ceux qui sont en situation de le percevoir que l’on peut penser autrement qu’à travers le prisme du capitalisme. Il s’agit de la constitution progressive d’une culture qui serve de cadre aux réflexions immédiates des femmes et des hommes en lutte ou en recherche d’alternative.

Ces clés devraient permettre de conjuguer émancipation des individus et leur
appropriation de pouvoirs sur leur environnement et leur sort. Pouvoirs, sans
lesquels rien n’est possible. La notion de droits inaliénables nous dégage de « 
combien ça coûte » et de l’économisme, même s’il faut affronter cette question et crée des obligations de la société envers ses membres et non pas toujours le
contraire. Droits étant les mêmes pour tous et toutes, permettant de construire du « commun », n’oublions pas que le communisme est selon une définition de
Marx : de chacun selon ses besoins à chacun selon ses moyens. La notion de
pouvoir est ici employée dans le sens de « pouvoir faire ».

Voici une ébauche non exhaustive de ce que pourraient être ces thèmes
symboliques » :

1. Dépassement de tout rapport de dominations. Pour moi, c’est une clé décisive.
J’y mets les rapports sexués ; les rapports sociaux fondés sur la soumission à
l’Ecole, dans l’entreprise ; le dépassement d’une conception qui assimile, dans
toutes les sphères de la société, efficacité à rapports de subordination, ou
rapports à l’autorité.

2. L’individu total à l’ordre du jour. (ce n’est pas une proposition de
dénomination, j’ai conscience de son caractère...abscond) Aujourd’hui, les
différents moments de sa vie sont dissociés ce qui provoque des crises : stress,
absentéisme...Or, les rapports travail/hors travail, le développement des
connaissances, le recours au psychisme, la mobilité sont des facteurs qui
bouleversent le salariat. Considérer que la société doit reconnaître une unité de
toutes les activités humaines rendrait (enfin) opératoire l’affaire « sécurité
d’emploi ou de formation, à conditions toutefois de ne pas la limiter à emploi
ou formation. Ne soyons en retrait ni sur des acquis : les congés maternité ou
les congés payés ne sont ni de l’emploi, ni de la formation), ni sur le
dépassement libéral du salariat que pointent Borloo avec l’idée de rendre
« actifs » les aides et Camdessus.

3. Droits inaliénables : je reviens sur ce que j’écrivais plus haut ; c’est le moyen
d’unifier des revendications aujourd’hui « éclatées » ; par exemple le droit au
logement doit être le même pour tous, mais les moyens des uns et des autres
diffèrent. Là encore nous ne sommes pas dans la stratosphère : « de chacun
selon ses moyens à chacun selon sers besoins » est aussi bien la définition du
communisme que de la Sécurité Sociale.

4. Que disons-nous de l’état ? De n’en rien dire, nous paralyse à propos des
privatisations et des nationalisations.

5. ...De la propriété ? Comme moyen d’assurer la maîtrise des leviers de
décision et donc des capitaux ? Il y a là, une question de crédibilité, par
exemple : quels pouvoirs contre les délocalisations ?

6. ....De la gratuité ? Débat rapidement abandonné mais qui renvoie à des
pratiques actuelles : le piratage sur Internet, la fraude dans les transports en
commun n’ont-ils pas un sens ?

7. ...Sur un autre mode de développement ? Cette question n’est pas posée
uniquement dans le cadre d’espaces intellectuels : elle l’est au FSE, par des
jeunes, à Attac, elle est au cœur d’interrogations concernant les ressources
énergétiques ou même l’automobile. Depuis la disparition du système
soviétique cette question est portée de manière fragmentée : le social pour les
uns ; l’écologie pour d’autres ; le développement durable encore, qui ne veut
pas dire grand-chose. Or, aujourd’hui, la violence du pillage et du
productivisme libéral, l’absence d’avancée cohérente sur ce thème accroît le
sentiment qu’on ne peut qu’aménager la société, mais pas la transformer. Que
fait-on de la notion « d’efficacité » ?

8. Notre conception de la laïcité.

9. Qu’est-ce que la démocratie ? Calme plat ou une manière de « gérer » les
contradictions et les conflits qui existent dans toute société ? Peut-on se
contenter d’évoquer comme décisions démocratiques des décisions prises à la
majorité ? Que deviendraient alors les choix par exemple de dépenses de santé
pour les maladies dites orphelines c’est-à-dire rares ? Quid du rapport individu/
collectif ?

10. La part attribuée à l’initiative individuelle. Inutile de dire le boulet que l’on
traîne. Dès que l’on est sur la politique sociale ou sur l’emploi ou encore sur
les services publics cette question se trouve en travers de notre chemin.

11. Les débats autour des migrants ou de l’Islam ou encore de la citoyenneté
déconnectée de la nationalité montrent la nécessité de revenir sur des notions
comme « peuple », « république » et les dégager d’une mythologie de l’unique
ou de l’uniformité.

12. Les rapports au monde.

13. Rapports mouvement populaire/ institutions : qu’est-ce plus précisément le
processus de transformation sociale ? On recoupe ici, un débat stratégique,
mais la capacité à définir le « comment » participe de la crédibilité des
communistes. Personnellement, j’ai tendance à penser que nous avons toujours
un rapport aux institutions qui font de celles-ci et des élections un essentiel
coupé du mouvement réel. Et, la révolution, qu’en fait-on ? Dans nos textes,
nous menons un combat révolutionnaire sans affronter la révolution. A mon
avis, si nous avons l’intention de garder le mot de « communiste », cette
impasse crée un positionnement intenable.

14. La révolution dans un seul pays ? Depuis maintenant un peu plus de soixantedix
ans, nous avons répondu « Oui ». Depuis, la question est un véritable
tabou. Dans le cadre de la mondialisation, (il n’est qu’à penser à l’objection de
la fuite des capitaux,) je crois qu’il ne serait pas inutile de revenir sur cette
question et de voir si entre la dimension nationale et mondiale, il n’y aurait pas
une autre dialectique à dégager ; là encore c’est une question de crédibilité qui
rejaillit sur tout le reste.

http://communisme.site.voila.fr/projet/projet.htm
(l’image est des alternatifs)

Messages

  • Ce matin dans Libération :
    "Une PME a proposé à neuf licenciées de partir en Roumanie pour 110 euros par mois.
    « Maintenant, c’est des salariés qu’on délocalise »
    Par Marine JOBERT"
    L’article raconte une histoire incroyable d’un gougnafier petit PDG d’une boite d’une trentaine de personne sise en Alsace, qui, licenciant 9 personnes, propose cette solution de reclassement (illégale bien entendu, et qui n’était même pas à faire, puisqu’il s’agit de moins de 10 personnes) dans la nouvelle petite filiale créée en Roumanie. La boite s’était fait "enflée" d’une crance de plusieurs millions d’euros par une boite américaine en 2002 (enfin soi-disant "enflée", parce qu’aussi bien cela peut être 50/50 avec rétrocommission sur un compte aux Iles Caïman ou de Man, de quoi voir l’avenir en achetant quelque chose en roumanie + quelque chose à Londres et à New-York), et aurait vu depuis fondre son chiffre d’affaires de 20ME à 3ME. La DDTE local ne peut rien, et l’ANPE doit reclasser les 9 ouvrières, qui ont vingt ans d’ancienneté.
    9 voix de plus pour le NON !
    PS : je n’ai pas vu, me semble-t-il le logo de Libé dans le cadre ? Pourtant il le mérite, car indépendamment de ce genre de petits articles, cà canonne sérieusement pour le oui (Sabatier, Quinio, wenz-dumas, le vaillant etc. à la manoeuvre).

  • Bonjour à tous,

    J’imprimme le texte pour le lire à mon aise devant mon petit café dans la cuisine, mais déjà bravo pour l’image ! Elle est drôle, efficace, elle devrait être (elle l’est peut-être déjà ?) l’objet d’une affiche (à complèter sans doute pour les logos). Mais, déjà, bravo !

    A bientôt !

    Eric

  • Pierre Zarka dit dans son intervention :
    " n’oublions pas que le communisme est selon une définition de Marx : de chacun selon ses besoins à chacun selon ses moyens. La notion de pouvoir est ici employée dans le sens de « pouvoir faire ».

    Je croyais que Marx avait écrit plutôt le capitalisme est la règle du "à chacun selon ses moyens" , et que le communisme, règne de l’abondance serait la règle "à chacun selon ses bessoins" ; bref exactement l’inverse de ce qui est ici affirmé !
    Précison que le socialisme, étape transitoire, pouvait selon Marx se réumer par l’application du "A chacun selon travail" (ou "à chacun selon ses capacités"), en calculant comptablement la plus-value extraite, et la "surplus-value" devant revenir au producteur individuel. Cette "maxime" rejoignant les revendications syndicales d’un "salaire minimum et d’un temps de travail maximum", du principe "à travail égal, salaire égal". Elle incluait aussi le principe d’un "salaire maximum" (reprise de "la loi sur le maximum", appliquée aux prix sous la Convention jacobine) pour toutes les fonctions de production.

    Je suis un peu étonne, à moins que cela soit une erreur de transcription, de voir à un tel contresens à propos de Marx, émanant d’un responsable du parti "communiste".

  • Pierre Zarka écrit :
    " 4. La révolution dans un seul pays ? Depuis maintenant un peu plus de soixantedix ans, nous avons répondu « Oui ». Depuis, la question est un véritable tabou. Dans le cadre de la mondialisation, (il n’est qu’à penser à l’objection de la fuite des capitaux,) je crois qu’il ne serait pas inutile de revenir sur cette question et de voir si entre la dimension nationale et mondiale, il n’y aurait pas une autre dialectique à dégager ; là encore c’est une question de crédibilité qui rejaillit sur tout le reste."

    "Depuis un peu pus de 70 ans", cela renvoie à la période 1920-1925. On sait que ce n’est pas le parti communiste français, ni la IIIème internationale (le Komintern) qui a répondu oui à la question "révolution dans un seul pays" comme solution viable. C’est la théorie du "socialisme dans un seul pays" du politburo du PCUS de l’époque, concoctée par Staline et ses partisans et Boukharine et ’l’opposition de droite", qui a générée ces théories de "révolution dans un seul pays".
    En 1920, la majorité du Parti Bolchevik autour de Lénine affirmait le contraire. Sans une déflagration révolutionnaire en chaîne (Allemagne, reste de l’Europe...), ce sera Thermidor en Russie et la restauration du capitalisme. Lénine sur ce point s’était trompé, on assista pas à la restauration du capitalisme, mais à l’émergence d’un système social de type nouveau et inattendu, le régime qui a prévalu en Russie, du sortir de la guerre civile après 1920 jusqu’à son effondrement 3 générations plus tard, au début des années 90 (je me refuse ici de lui donner un qualificatif, cette question faisant encore largement débat parmi les historiens).
    Par contre ce que cette théorie et pratique du "socialisme dans un seul pays" et de "révolution dans un seul pays" apporta, c’est ce qu’avait décrit dans les années 1990 l’historien marxiste Immanuel Wallerstein, c’est la fusion progressive dans les pays alors appelés "sous-développés (pays sous domination coloniale de l’impérialisme), des mouvements nationalistes et du mouvement communiste mondial : les partis communistes devenant les avants-gardes des luttes de "libération nationale" des pays extra-européens colonisés ou sous tutelle coloniale, les deux motifs "nationaux" et "de classe" se superposant : Révolution chinoise de 1926 à 1949, Viet Nam (1945-1973), Corée (1943-1953) où la direction est clairement "communiste"( pour ne citer que les pays où des "alliés" des communistes ont effectivement pris le pouvoir, ne serait-ce qu’un moment, ces "alliés" se retournant parfois contre les communistes locaux, comme en egypte ou en indonésie, tout en conservant l’appui diplomatique et politique de Moscou, mais c’est une autre histoire) : Indonésie, Egypte, Algérie, Afrique du sud, Cuba, Sri Lanka, Afganisthan à partir des années 50, puis divers pays africains dans les années 60-70, où le mouvement communiste de ces pays et Moscou, soutiennent des "mouvements nationaux" à direction "petite-bourgeoise" (secteurs de l’armée, bourgeoisie "progessiste"...). Le cas de Cuba voyant deux ans après la prise du pouvoir du parti de Castro (qui n’a rien au début de "communiste"), le basculement vers une direction "communiste".
    Dans les "pays développés", impérialistes ou sous tutelle impérialistes (pour reprendre le langage du komintern des années 30), la stratégie de la "révolution dans un seul pays" et de la "voie nationale au socialisme", inaugurée réellement au sortir de la seconde querre mondiale ("la voie française vers le socialisme" selon l’expression de M. Thorez dans sa célèbre interview du Times en 1946, si mes souvenirs sont exacts) n’a nulle part conduit à une quelconque révolution, ne serait-ce qu’à une tentative de révolution : ni bien sûr en Amérique du Nord, ni en Europe de l’Ouest, ni au Japon, ni dans les pays les plus avancés d’amérique latine (Chili et Argentine). Les démocraties populaires en Europe de l’est, chacun le sait, ne sont pas la résultante de "révolution", mais de l’occupation de ces territoires par l’Armée rouge soviétique, et des putschs subséquents des partis communistes.
    Bref, ce qui m’intringue dans le propos de Pierre zarka, qui est ce nous en question lorsqu’il dit "nous avons répondu "oui" (...) il y a un peu plus de 70 ans et depuis la question est tabou. Ce n’est par le parti communiste français de 1923 ou 1924 ou 1925, "parti social-démocarte repeint en rouge", pour reprendre une expression d’un dirigeant kominternien, complètement sous tutelle des envoyés de l’Internationale, en pleine "bolchévisation", autrement dit où tous les éléments opportunistes social-démocrate d’une part, et ou tous les éléments non disciplinés, "anarcho-syndicalistes" (Rosmer, Monatte, Souvarine etc.), étaient progressivement chassés du parti, et remplacés par de jeunes ouvriers, formés à et par Moscou, qui allaient devenir l’ossature de la direction du pcf dans les années 30. Ou alors ce serait méconnaître l’histoire du pari communiste français de 1920 à 1928, ce que je pense pas du côté de Pierre Zarka. Ou encore ce serait tenter de maintenir la fiction, intenable historiquement, d’une indépendance stratégique alors (entre 1920 et 1928) du Parti Communiste français, malgré les 21 conditions d’adhésion à l’IC, malgré le financement massif du parti par le Komintern, malgré la direction réelle confiée à des dirigeants du Komintern etc. ? Au praesidium du Kommintern d’alors (1920-1928), il n’y avait aucun dirigeant communiste français d’envergure susceptible d’y être présent (Thorez, Marty, Tillon, Duclos, Barbé et Celor, Doriot, Frachon, Fajon, Cogniot... ) sont alors des jeunes hommes débutant en politique et en syndicalisme. Des Marcel Cachin, Barbusse, Paul vailland Couturier etc. sont considérés par l’IC comme des petits-bourgeois opportunistes et peu sûrs, idiots utiles pour assumer des fonctions de responsable légal, mais en aucun cas dirigeants réels.
    ce "nous avons répondu "oui"" d’il y a 70 ans est donc bien curieux. Il réécrit une histoire du parti communiste français d’alors, qui en fait une sorte de parti socialiste de gauche, qui aurait décidé alors de faire la récolution dans son pays, et qui ne serait jamais parvenu, ne serait-ce qu’à tenter une quelconque révolution. Unparti qui en 80 ans n’a jamais tenté, ne serait-ce qu’une fois de faire la récvolution, peut-il être considérer comme "révolutionnaire" ? N’y a -t-il pas comme un abus de langage ?
    Comment raisonner sérieusement sur l’avenir, et sur un avenir plus qu’incertain, conjectural, hypothétique, risqué et dangereux, celui du communisme et de la révolution, tout en méconnaissant et en travestissant à ce point l’histoire réelle du communisme au XXème siècle, et l’histoire de son propre parti ? C’est impossible. On ne part pas de "l’analyse réelle des conditions réelles", mais de mythologies, de grands récits édifiants, de problématiques abstraites, de segments de discours idéologisés, à peine cohérents entre eux. Bien loin de vouloir transformer le monde, on cherche d’abord à préserver "l’enseigne", la cohésion de la boutique dans une histoire surréelle, ne pouvant déboucher que sur des perspectives elles-aussi "surréelles". Concrètement on est un parti de gestionnaires de municipalités et de syndicats. On participe de temps à autres à des exécutifs étatiques (région, gouvernements..). On a les yeux rivés en permanence sur le prochain score électoral, qui permet de maintenir ou d’accroitre ses positions et ses places. On agit pour ce faire le plus rationnellement et le plus pragmatiquement possible, comme n’importe quelle parti parlementaire. De l’autre on maintient la fiction d’un raisonnement sur la révolution, la transformation radicale du capitalisme, la mutation de ses institutions sociales et politiques vers un "à chacun selon ses besoins", la "gratuité", "l’autogestion par les masses" etc.
    C’est très curieux. En même temps que les acteurs, dans leur petite bulle du Colonel Fabien, doivent sans doute y croire !!, comme le très réactionnaire catholique de l’Opus dei, croit au moment de la messe, aux promesses de rachat et de félicité universelle que lui donne l’Eucharistie !