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Le Portugal va-t-il faire déborder le vase eurolandais ?

Publie le lundi 4 avril 2011 par Open-Publishing
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Marc Touati, directeur général d’Assya Compagnie Financière, revient sur les situations comparées du Portugal, en pleine tourmente, et des autres pays périphériques de la zone euro.

"Le Portugal va-t-il faire déborder le vase eurolandais ?"

Après la Grèce en 2009-2010 et l’Irlande fin 2010, c’est au tour du Portugal de faire trembler les fondements de l’Union Economique et Monétaire.

Et même s’il ne représente que 2.3% du PIB de la zone euro, le Portugal pourrait bien constituer le « verre d’eau qui fera déborder le vase eurolandais ». En effet, à la différence de la Grèce et de l’Irlande qui ont connu presque vingt ans de croissance forte, le Portugal est resté englué dans la mollesse économique. Ainsi, de 1990 à 2007, c’est-à-dire avant le début de la crise, la progression annuelle moyenne du PIB a atteint 2,3 % au Portugal. Ce qui est certes supérieur à la « performance » de la France (1,9 %), mais très inférieur à celle de l’Irlande (6,4%), de la Grèce (3,1%) ou encore du voisin espagnol (3,1%).

Le comparatif des évolutions de PIB par habitant est encore plus édifiant. Et pour cause : de 1990 à 2007 (donc, une fois encore, avant la crise), la richesse par habitant de l’Irlande a augmenté de 318% en valeur et de 129% en volume. Celle de la Grèce a flambé de respectivement 383% et 53%. De quoi rappeler que la montée en puissance de l’économie hellène s’est aussi accompagnée d’une forte inflation.

Toujours est-il que le Portugal reste loin de ces performances puisque, de 1990 à 2007, son PIB par habitant a progressé de 187% en valeur et de 37% en volume. Autrement dit, la Grèce et l’Irlande ont tellement « bien vécu » de 1990 à 2007 que la récente crise est certes douloureuse, mais demeure supportable. A l’inverse, le Portugal et les Portugais n’ont pas suffisamment amélioré leur niveau de vie pour pouvoir supporter une nouvelle cure d’austérité.

Comme c’était déjà le cas en 1990 et en 2000, le PIB par habitant du Portugal reste même l’un des plus faibles de la zone euro. En 2010, il n’était ainsi que de 16 000 euros, contre 21 000 pour la Grèce et 34 900 euros pour l’Irlande. A titre de comparaison, celui de la France n’est que de 31 000 euros. Au classement des PIB/habitant de l’ensemble de la zone euro, l’Irlande est ainsi passée de la neuvième place en 1990 à la deuxième place de 2000 à 2009, pour finalement rétrograder en troisième position en 2010, quasiment à égalité avec les Pays-Bas. Dans ces conditions, l’Irlande paraît la plus à même de sortir assez rapidement de la crise de la dette publique. Et ce d’autant que cette dernière ne représente « que » 93% du PIB irlandais. Un niveau élevé, mais qui devrait se réduire dès 2011-2012 grâce au retour de la croissance.

Pour la Grèce, ce sera évidemment beaucoup plus difficile. Certes, en matière de PIB/habitant, elle a quitté la dernière place qu’elle occupait en 1990 pour arriver à la douzième place l’an passé, malgré la crise. En fait, son problème principal réside dans une dette publique de plus de 130% en 2010 qu’il faudra tôt ou tard restructurer.

A l’inverse, si la dette publique du Portugal représente « seulement » 83 % de son PIB (soit environ deux points de moins qu’en France), sa structure sociale apparaît encore plus fragile que celle de la Grèce. Ainsi, d’avant dernier en 1990, son PIB/habitant est désormais dernier de la zone euro. Du moins si l’on met de côté Malte et la Slovaquie, qui étaient évidemment très loin de l’Euroland et même de l’Union européenne en 1990. Pour ne rien n’arranger, le taux de chômage portugais demeure fort et la crise politique qui vient de frapper le pays devrait encore accroître les incertitudes, donc freiner le peu de reprise qui se dessinait depuis quelques mois.

Dans ce cadre, les taux d’intérêt des obligations d’Etat ont encore atteint des sommets, dépassant la barre psychologique des 8 %. Déjà particulièrement salée, la charge d’intérêts de la dette va donc encore s’alourdir pour avoisiner les 5,5% du PIB en 2011 (après déjà 4% du PIB en 2010). Croissance économique affaiblie, taux d’intérêt en hausse, désordre politique : les déficits publics apparaissent condamnés à rester élevés en 2011 et au moins jusqu’en 2012. D’où de nouvelles dégradations des notations en perspective, puis une tension aggravée sur les taux d’intérêt des obligations d’Etat, donc plus déficits... et le cercle pernicieux continuera.

C’est alors que les difficultés sociales portugaises prendront toute leur importance. Car si déjà en Irlande et en Grèce, en dépit d’une croissance forte depuis vingt ans, les dérapages sociaux ont été difficiles à maîtriser, la situation risque d’être encore bien plus délicate au Portugal. Dès lors, ce dernier pourrait être tenté de claquer la porte de la zone euro, mettant définitivement en péril l’existence même de cette dernière.

Comment éviter ce scénario catastrophe ? Il n’y a qu’une issue possible : restaurer la croissance du Portugal et plus globalement celle de l’Euroland. Pour ce faire, il faudra rapidement retrouver un euro normal, c’est-à-dire autour des 1,15 dollar et mettre en oeuvre une politique budgétaire efficace à l’échelle de l’UEM.

Si les dirigeants eurolandais n’y parviennent pas, le Portugal pourrait bien devenir le maillon faible qui fera exploser la zone euro...

Marc Touati.

http://www.boursorama.com/votreinvite/interview.phtml?num=df99704e8d246a65259e23fb127962a9

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