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Le dilemme du gouvernement italien

Publie le samedi 25 septembre 2004 par Open-Publishing


Bertinotti, Rossanda et Rinaldini : « Il faut battre Berlusconi, mais un
programme
est nécessaire »
Rossana Rossanda « Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent « jamais avec
Prodi mais il manque la plateforme ».
Bertinotti : « Gouverner est une nécessité ». Et Rinaldini : « Oui, mais il faut
une rupture »


de ANDREA COLOMBO

Je suis d’accord avec Bertinotti : la question du gouvernement doit être posée,
sinon la prochaine fois à Melfi, ils enverront les chars. Après une heure de
débat, parfois houleux et traversé par des tensions qui entraînent aussi le public
de la fête de Liberazione, Rossana Rossanda nomme explicitement le fantôme qui
avait conditionné jusque là - même s’il avait été rarement explicité - la discussion
toute entière : le pari d’un gouvernement que le Prc de Fausto Bertinotti s’apprête à jouer.
Elle ne laisse aucune place aux doutes, Rossanda, quand elle parle de Ralph Nader,
l’oeil rivé sur la situation italienne : « Je ne suis pas d’accord avec ceux
qui disent jamais avec Prodi.

Comme je ne suis pas d’accord avec les positions de Nader, que je considère malheureuses même s’il dit tant de choses fondées : les intentions ne m’intéressent pas, ce sont les résultats qui m’intéressent, Berlusconi a changé la constitution formelle et matérielle de ce pays, il faut le chasser le plus tôt possible, Berlusconi et tous les amis de Bush ». Ceci ne signifie pas que Rossanda soit satisfaite de la tournure qu’a pris la discussion à l’intérieur de la future coalition de gouvernement. « Comment est-il possible - demande-t-elle à Bertinotti - que nous ne sachions pas encore sur quoi vous pouvez passer un accord raisonnable ? Le spectacle querelleur que l’opposition italienne est en train d’offrit n’est pas beau. C’est justement parce que c’est difficile qu’il faut commencer à mettre sur pied une plateforme ».

Avant elle, Gianni Rinaldini, secrétaire de la Fiom, avait frappé à plusieurs reprises sur le thème incandescent de la démocratie du travail. « Les gouvernements de centre-gauche - rappelle-t-il - ont oublié de faire la loi sur la représentativité, et ce n’est que grâce à cela que l’on a pu signer ensuite des contrats qui autrement n’auraient pas été acceptés par les salariés, je veux savoir comment se positionne l’opposition à ce sujet, comment se positionne-t-elle vis-à-vis des lois approuvées pendant cette législature. Il faut une rupture, l’abrogation des lois du centre-droit et pas seulement une simple correction.

Bertinotti, dans le débat coordonné par Rina Gagliardi, répond en proposant un glissement conceptuel radical dans la conception du gouvernement : « Moi - commence-t-il en reprenant à la lettre ce qui a été déjà affirmé aussi bien par Rinaldini que par Rossanda - je suis pleinement d’accord sur le fait qu’il y a deux passages différents et non superposables, d’un côté la nécessité de construire une gauche d’alternative et un mouvement ouvrier moderne et de l’autre celle de battre Berlusconi. C’est bien cela le problème, disons-le : le passage au gouvernement. Et alors je ne crois pas qu’aller au gouvernement soit la tache principale d’un parti, on peut pratiquer le gouvernement ou l’opposition selon les phases et le gouvernement peut être, comme en ce cas, une nécessité ». « S’il n’y avait pas Bush et Berlusconi - avertit le secrétaire du Prc - les choses seraient différentes, mais il faut arrêter de penser au gouvernement comme à l’architrave du changement, notre conception ne peut pas être celle qui s’exprimait dans le slogan des années 70 : ‘C’est l’heure de changer, le Pci doit gouverner’, concrètement cela signifie que l’autonomie et la démocratie sont les points essentiels du programme de l’opposition. Nous savons tous que dans les phases du gouvernement du centre-gauche le syndicat n’avait joui que de très peu d’autonomie, maintenant ce rapport doit être bouleversé et renversé ».

Au thème du débat de la gauche d’alternative, la rencontre clou de la fête de Liberazione de Rome, les trois interlocuteurs sont arrivés en retard. Le spectre de la tragédie irakienne pesait trop pour pouvoir s’en occuper dans un deuxième temps. Et en ce cas aussi on avertit nettement quelques dissensions sur le plateau et dans le public, même si tout le monde s’accorde à balayer les accusations de bas profil qui ont circulé ces jours-ci. « Moi - dit Rossanda - je suis d’accord avec le choix de ne pas mettre au premier plan la question du retrait des troupes pour essayer de faire quelque chose pour sauver les femmes séquestrées, mais le problème est justement là, on devait bien pourtant demander quelque chose. Le gouvernement, au contraire, n’a absolument rien fait.

Rinaldini, plus drastique, commence en soulignant que la guerre et le terrorisme forment « un système barbare qui est l’ennemi mortel du mouvement pacifiste mais qu’on ne peut pas faire abstraction du retrait des troupes et on ne peut pas accepter que qui le demande soit taxé d’ ami des terroristes, cela serait aussi se soumettre au chantage du terrorisme ».
« Nous - répond Bertinotti - n’avons jamais arrêté de demander le retrait des troupes, mais si je le demande et que le gouvernement me répond non je finis par rendre un service justement aux terroristes. Alors je dis : négociez, sauvez-les, demandez la suspension des bombardements au nom de l’Italie, au nom de l’Europe, ceci vous pouvez bien le faire ».

Mais il n’y a pas eu que ça dans le long et intense débat d’hier soir, inévitablement la polémique est revenue sur la rupture avec le gouvernement Prodi de 1998. « Je voudrais rappeler à tous - a éclaté sarcastique le secrétaire de Refondation - que malgré sa vocation modérée et gouvernementale le Prc a rompu avec le gouvernement régional avec lequel il était le plus d’accord, celui de Campanie, sur Acerra ».

Aussi fréquents et unanimes sont les rappels à la pleine homogénéité qu’on enregistre en Italie entre attaque aux droits des salariés et démolition de la Constitution et, dans le monde, entre l’idéologie de la guerre préventive permanente et l’abordage néolibéral. A la fin, pour une fois, la sensation est celle qu’un pas en avant a été fait sur le chemin d’une clarification politique.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao

Source : http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=5716