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Le pays suivant sur la liste ? L’Iran ! [2]

Publie le mercredi 2 août 2006 par Open-Publishing
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3 - La rencontre de Rome

Quelques semaines ayant passé, au mois de décembre, un avion avec à son bord Ledeen, atterrissait à Rome, où débarquaient également deux autres membres de l’unité secrète de Ledeen au Pentagone : Larry Franklin et Harold Rhode, un protégé de Ledeen, qui conquit le titre de « théoricien du mouvement néoconservateur. » Spécialiste de l’islam parlant hébreu, arabe, turc et persan, Rhode avait l’habitude de ces exilés louches dans le style de Ghorbanifar. Il était proche d’Ahmad Chalabi, cet opposant irakien dont les renseignements bidons avaient contribué à pousser l’administration Bush à envahir Bagdad. D’après l’agence UPI, Rhode fut lui-même pincé, par la suite, par des agents de la CIA, en train de fourguer des renseignements « stupéfiants » à Israël, dont des informations ultrasensibles au sujet des déploiements de l’armée américaine en Irak.

Celui qui avait aidé Ledeen à arranger la rencontre complétait la galerie des voyous rassemblés à Rome ce jour-là : Nicolo Pollari, directeur des services italiens du renseignement militaire. Tout juste quinze jours auparavant, ce Pollari avait informé l’administration Bush du « fait » que Saddam Hussein avait obtenu de l’uranium en Afrique de l’Ouest - il s’agissait là, en l’occurrence, d’un document clé de renseignement bidon, utilisé par Bush pour justifier l’invasion de l’Irak.

Afin de dissimuler le rendez-vous secret à Rome, Pollari fournit une maison isolée particulièrement bien protégée, près des bars à café exprès bruyants et des gargotes bruyante qui entourent la Place d’Espagne. « C’était dans un appartement privé », se souvient Ledeen. « Il faisait un froid de canard - il n’y avait pas de chauffage. » Les agents du Pentagone et les Iraniens étaient assis autour d’une table encombrée de demies tasses à moitié pleines de café noir, de cendriers remplis de mégots de cigarette écrasés et de cartes détaillées, de l’Iran, de l’Irak et de la Syrie. « Ils nous ont donné des informations sur les positions et les projets de terroristes iraniens prêts à tuer des Américains », dit Ledeen.

Ledeen insiste sur la pertinence des renseignements. « C’était exact », dit-il. « Les informations étaient précises ». Avis non partagé par son patron. « Il n’y avait rien d’assez détaillé ni d’assez important qui nécessitât d’aller plus loin », concéda plus tard le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. « Cela ne menait nulle part. »

Tout ce petit monde tourna son attention vers leur objectif plus général : le changement de régime en Iran. Ghorbanifar suggéra de financer le renversement du gouvernement iranien au moyen de millions de dollars cash que Saddam Hussein était censé dissimuler. Il alla jusqu’à suggérer que Saddam se serait caché en Iran !

Ledeen, Franklin et Rhode reprenaient une page du scénario de Feith en Irak : ils avaient besoin d’un groupe d’exilés et de dissidents, pour la galerie, lesquels en appelleraient au renversement du régime iranien. D’après des sources au courant de cette réunion, les Américains auraient proposé de conforter les Mujahedin-e Khalq [Les Combattants du Peuple, ndt] [MEK], un groupe de guérilla hostile au gouvernement iranien opérant à partir de l’Irak.

Il n’y avait qu’un seul petit problème : le MEK avait été classifié « organisation terroriste » par le Département d’Etat. De fait, la Maison Blanche était en pleines négociations avec Téhéran, qui proposait d’extrader cinq membres de l’organisation Al-Qa’ida supposés présenter une forte valeur en termes de renseignement, en échange de la promesse de Washington de supprimer tout soutien au MEK.

Ledeen nie avoir eu un quelconque rapport avec l’organisation. « Je ne suis pas homme à m’approcher à moins de trois cents kilomètres du MEK », dit-il. « Ces gens ne sont pas soutenus ; ils n’ont aucune légitimité. » Mais les néoconservateurs étaient impatients de saper tout marché impliquant une coopération avec l’Iran. Pour les néocons, la valeur du MEK, en tant qu’arme dirigée contre Téhéran, l’emportait et de loin sur un quelconque bénéfice susceptible d’être retiré de l’interrogatoire des activistes d’Al-Qa’ida - même si ceux-ci auraient pu fournir des renseignements sur des attentats terroristes à venir, ainsi que des indices sur la localisation d’Oussama Ben Laden.

Ledeen et sa cabale du Pentagone n’étaient pas les seuls officiels américains à qui Ghorbanifar ait réussi à fourguer de faux renseignements sur l’Iran. L’an dernier, le Représentant Curt Welton (Républicain, Pennsylvanie), a affirmé qu’il détenait des renseignements - obtenus auprès d’un « informateur clandestin irréprochable » auquel il donnait le pseudonyme d’ « Ali » - selon lesquels le gouvernement iranien préparait des attaques contre les Etats-Unis. Mais quand la CIA enquêta sur ces allégations, il s’avéra que ledit Ali n’était autre que Fereidoun Mahdavi, un Iranien en exil qui servait de couverture à Ghorbanifar et qui tenta d’acheter la CIA pour 150 000 dollars. « C’est un affabulateur », dit Bill Mursay, ancien responsable de la CIA à Paris. Weldon était furieux : les hommes de l’agence aurait repoussé Ali, insistait-il, « uniquement parce qu’ils voulaient éviter, à tout prix, d’entraîner les Etats-Unis dans un conflit avec l’Iran. »

Après le rendez-vous romain, Ledeen et Ghorbanifar continuèrent à se rencontrer plusieurs fois par an, souvent pour une journée complète, voir deux journées, à chaque fois. Rhode rencontra lui aussi Ghorbanifar à Paris, et l’Iranien téléphonait ou envoyait des fax à ses contacts au sein du Pentagone quasiment tous les jours. A un moment donné, Ledeen notifia au Pentagone que Ghorbanifar était au courant d’un transfert d’uranium enrichi depuis l’Irak, vers l’Iran. Une autre fois, en 2003, il affirma que Téhéran allait faire exploser une bombe nucléaire sous quelques mois - alors même que les experts internationaux estimaient que l’Iran était incapable de mettre au point des armes nucléaires avant plusieurs années. Mais la véridicité des informations n’avait strictement aucune importance. Ce qui importait, en revanche, au plus au point, c’était l’utilisation possible de tels rapports en vue de rameuter des soutiens à la guerre. L’histoire de l’Irak se répétait, de A jusqu’à Z...

4 - Sur les traces de Monsieur X

Les efforts discrets déployés par l’équipe de Feith au Pentagone commencèrent à avoir l’effet escompté. En novembre 2003, Rumsfeld donna son aval à un projet connu sous le nom de Conplan 8022-02, qui établissait pour la première fois la faisabilité d’une attaque préemptive contre l’Iran. Celui-ci fut suivi, en 2004, par un ‘ordre intérimaire d’alerte contre une attaque au plan mondial », qui mettait l’armée en état de préparation au lancement d’attaques aériennes et par missiles contre l’Iran, dès que Bush en aurait donné l’ordre. « Nous sommes désormais au point où nous sommes essentiellement en état d’alerte », indiqua le lieutenant général Bruce Carlson, commandant de la 8ème escadrille de l’armée de l’air. « Nous avons la capacité de planifier et de réaliser des frappes partout dans le monde, en une demi-journée, voire moins. »

Mais tandis que le Pentagone plaçait le pays à deux doigts d’une guerre avec l’Iran, le FBI élargissait ses investigations sur l’Aipac et sur son rôle dans le complot. David Szady, à l’époque chasseur d’espion en chef de l’organisation, était désormais convaincu qu’au minimum un citoyen américain travaillant au sein du gouvernement américain était en train d’espionner au profit d’Israël. « Désormais, ce ne sont plus seulement nos adversaires traditionnels qui sont désireux de nous voler nos secrets, mais c’est parfois nos alliés eux-mêmes », déclara Szady. « La menace est terriblement sérieuse. » Afin de localiser l’espion, parfois désigné comme Monsieur X, des agents travaillant pour lui commencèrent à se focaliser sur un petit groupe de néoconservateurs travaillant au Pentagone, parmi lesquels se trouvaient Feith, Ledeen et Rhode.

Le FBI tenait également à l’œil Larry Franklin, qui continuait à rencontrer clandestinement Rosen, à l’Aipac. Redoutant manifestement que le FBI soit à leurs trousses, les deux hommes se mirent à prendre des précautions. Le 10 mars 2003, une semaine à peine avant l’invasion de l’Irak, Rosen rencontra Franklin dans la gare caverneuse Union, à Washington. Les deux hommes se retrouvèrent dans un restaurant, puis ils se hâtèrent vers un autre et, finalement, ils finirent dans un troisième - lequel était totalement vide. Précaution supplémentaire : Franklin se mit à envoyer des faxes à Rosen à son domicile, et non plus à son bureau de l’Aipac.

Quelques jours après, Rosen et Weissman remettaient à des responsables de l’ambassade d’Israël des détails sur le projet de directive présidentielle ultra-secrète sur l’Iran, en leur disant qu’ils avaient reçu le document « des mains d’un ami des nôtres, au sein du Pentagone. » Ils fournirent également aux Israéliens des détails sur des conversations internes à l’administration Bush, portant sur l’Iran. Puis, deux jours avant l’invasion américaine de l’Irak, Rosen fit passer l’information à la presse avec le commentaire suivant : « Je ne suis pas supposé être au courant de cela. » Le Washington Post finit par publier cette histoire, sous le titre : « Des pressions croissantes incitent le président à déclarer une action stratégique contre l’Iran », accréditant cette information classifiée à des « sources bien informées. » L’article mentionnait Ledeen, qui avait contribué à mettre sur pied la Coalition pour la Démocratie en Iran, un groupe de pression voué au renversement du gouvernement iranien, mais il ne faisait aucune allusion au fait que l’article avait été transmis par quelqu’un ayant une raison très particulière de donner cette information.

En juin de cette année-là, Weissman téléphona à Franklin et il lui laissa un message selon lequel lui-même et Rosen voulaient le rencontrer afin de parler de « notre pays préféré ». La réunion eut lieu, au restaurant Tivoli, un établissement faiblement éclairé, situé deux étages au-dessus de la station de métro Arlington, utilisé fréquemment par des agents du renseignements désireux de tenir des rendez-vous tranquilles. Au cours du dîner, dans la salle de restaurant tapissée de miroirs, les trois hommes parlèrent de l’article du Washington Post, et Rosen reconnut « les contraintes » que représentait pour Franklin le fait de les rencontrer. Mais le responsable du Pentagone se mit totalement à la disposition de l’Aipac. « C’est vous qui fixez l’ordre du jour », dit-il à Rosen.

Non content de rencontrer Rosen et Weissman, Franklin rencontrait régulièrement Naor Gilon, un officiel de l’ambassade d’Israël, lequel, d’après un ancien responsable du service américain du contre-espionnage, « montrait tous les signes de son appartenance à un service secret. » Franklin et Gilon se rencontraient ordinairement au milieu des machines à musculation et des punching balls du Club d’athlétisme des officiers du Pentagone, où Franklin transmettait de l’information secrète sur les activités de l’Iran en Irak, sur ses programmes d’essais de missiles et même, apparemment, sur la journaliste Judith Miller, du New York Times. A un moment donné, Gilon suggéra que Franklin rencontrât Uzi Arad, un ancien directeur des services israéliens de renseignement, ainsi que conseiller de l’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahou en matière de politique étrangère. Une semaine après, Franklin déjeunait à la cafétéria du Pentagone avec cet ancien espion israélien de haute volée.

5 - L’agent double iranien

Il s’avère que Larry Franklin n’était pas la seule personne impliquée dans l’opération secrète du Pentagone à échanger des secrets d’Etat avec des gouvernements étrangers. Tout en surveillant Franklin et ses activités clandestines au sein de l’Aipac, le FBI enquêtait par ailleurs sur un autre cas d’espionnage explosif, lié aux activités du service de Feith en Iran. Cet autre cas concernait Ahmad Chalabi, chef du Congrès National Irakien, un groupe activistes de l’opposition anti-Saddam, qui poussait depuis plus de dix ans les Etats-Unis à envahir l’Irak.

Depuis des années, l’Agence de la Sécurité Nationale possédait les codes utilisés par les Iraniens pour coder leurs messages diplomatiques, ce qui permit au gouvernement américain de mettre sur écoutes pratiquement toutes les conversations entre Téhéran et ses ambassades. Après l’invasion de Bagdad, l’Agence de la Sécurité Nationale se servit de ces codes pour espionner dans le détail les opérations clandestines de l’Iran en Irak. Mais en 2004, l’agence intercepta une série de messages urgents émanant de l’ambassade d’Iran à Bagdad. Des responsables du renseignement de cette ambassade avaient découvert la brèche massive dans la sécurité - révélée par une personne au fait des opérations de décodage américaines.

Le coup ainsi porté à la collecte de renseignements n’aurait pas pu intervenir à pire moment. L’administration Bush soupçonnait le gouvernement chiite iranien d’aider les insurgés chiites en Irak, lesquels tuaient des soldats américains. L’administration redoutait aussi que Téhéran ne fût en train de développer secrètement des armes nucléaires. Désormais, des renseignements cruciaux, qui auraient pu faire la lumière sur ces opérations étaient inaccessibles, ce qui mettait potentiellement en danger des vies américaines.

Le 20 mai, peu après que la fuite eut été découverte, la police irakienne, soutenue par des soldats américains, investirent le domicile de Chalabi, ainsi que ses bureaux, à Bagdad. Le FBI soupçonnait Chalabi, un chiite propriétaire d’une luxueuse résidence à Téhéran et proche de hauts responsables iraniens, d’espionner en réalité au profit du gouvernement chiite iranien. Obtenir des Etats-Unis qu’ils envahissent l’Irak, cela s’insérait, apparemment, dans un plan visant à installer un gouvernement chiite pro-iranien à Bagdad, dont Chalabi assurerait la présidence. Le service soupçonnait par ailleurs le chef du service de renseignement de Chalabi d’avoir transmis des renseignements extrêmement sensibles à l’Iran - des preuves sensibles au point de risquer d’entraîner « la mort d’Américains ».

Cette révélation mit Franklin et d’autres membres du service de Feith en état de choc. Si elle était avérée, les allégations signifiaient qu’ils venaient de faire déclencher une guerre à seule fin de placer au pouvoir un agent de leur ennemi mortel : l’Iran. Leur homme - ce dirigeant dissident qui était assis juste derrière la First Lady, dans la tribune présidentielle, durant le discours sur l’état de l’Union au cours duquel Bush prépara le pays à la guerre - s’avérait avoir travaillé pour l’Iran, depuis le début...

Il fallait que Franklin contrôle les dégâts, et vite. Il était une des très rares personnes, au sein du gouvernement, qui sût que c’était l’information permettant de déjouer les codages de l’Agence de la Sécurité Nationale que Chalabi était soupçonné d’avoir remise à l’Iran, et qu’il y avait des preuves irréfutables que Chalabi avait rencontré un agent iranien clandestin impliqué dans des opérations contre les Etats-Unis. Afin de protéger les gens qui, au sein du Pentagone, oeuvraient en vue d’un changement de régime à Téhéran, Franklin avait besoin d’un simple message : « Nous n’étions pas au courant des accointances secrètes de Chalabi avec l’Iran. »

Alors Franklin prit la décision de faire passer l’info à un contact ami, dans les médias : Adam Ciralsky, un producteur chez CBS, qui avait été viré de la CIA, en raison, disait-on, de ses liens étroits avec Israël. Le 21 mai, au lendemain de la diffusion par CBS d’un reportage exclusif sur Chalabi, Franklin téléphonait à Ciralsky et lui donnait l’information. Tandis que les deux hommes étaient en conversation, des grandes oreilles, au bureau opérationnel du FBI, à Washington, enregistraient leurs féchanges.

Ce soir-là, la présentatrice, Stahl, fit suivre son reportage initialement prévu de « nouveaux développements » : l’information que Franklin avait fait passer, plus tôt dans la journée. Elle commença, toutefois, en précisant qu’elle ne révèlerait pas l’information la plus explosive de toutes : à savoir, le fait que Chalabi avait détruit toute capacité de l’Agence de la Sécurité Nationale d’espionner l’Iran. « Des hauts responsables des services de renseignement mettaient l’accent, aujourd’hui, sur le fait que l’information qu’Ahmed Chalabi est accusé d’avoir remise à l’Iran est si sensible que leur révélation totale porterait gravement atteinte à la sécurité des Etats-Unis », dit Stahl. « C’est la raison pour laquelle nous ne donnons pas les détails sur l’étendue des dégâts causés par Chalabi, à la demande des plus hauts niveaux de responsabilité américains. Cette information comporte des secrets connus d’une poignée seulement de très hauts responsables des services de renseignement. » Grâce à la pression émanant de l’administration, on a épargné à l’opinion publique la connaissance des conséquences les plus dommageables de la trahison de Chalabi.

Après quoi, Stahl passa au message capital de Franklin. « Sur ces entrefaites », dit-telle, « on nous a dit que de graves soupçons sur la véritable nature de la relation de Chalabi avec l’Iran se sont fait jour après que les Etats-Unis eurent obtenus - citation - des « preuves indéniables » que Chalabi a rencontré un officier supérieur du renseignement iranien, un personnage - nous citons - « inquiétant, représentatif du côté sombre du régime, un individu ayant participé directement à des opérations secrètes contre les Etats-Unis ». Chalabi n’a jamais évoqué cette rencontre à quelque membre du gouvernement américain que ce soit, pas même à ses amis et à ses sponsors ». Bref : le Pentagone - Feith, en particulier - était au-dessus de tout soupçon.

6 - Le triomphe de la Cabale

Tout de suite après l’émission, l’équipe de David Szady, au FBI, décida de verrouiller son enquête avant que Franklin ne fasse sortir une quelconque information nouvelle. Des agents placèrent en toute quiétude Franklin devant les conversations téléphoniques enregistrées, et ils le pressèrent de coopérer à une opération tordue visant l’Aipac et des membres de l’équipe de Feith au sein du Pentagone. Franklin, confronté à une longue peine de prison, accepta. Le 4 août 2005, Rosen et Weissman étaient mis en examen et, le 20 janvier 2006, Franklin, qui avait plaidé coupable, fut condamné à douze ans et sept mois de prison. Dans une tentative de réduire sa peine, il accepta de témoigner contre les anciens responsables de l’Aipac. Le jugement est attendu cet automne.

Jusqu’ici, toutefois, Franklin est le seul membre de l’équipe de Feith à être poursuivi. L’absence d’autres mises en examen démontre avec quelle facilité effrayante un petit groupe de responsables du gouvernement peuvent collaborer avec des agents de gouvernements étrangers - qu’il s’agisse de l’Aipac, du MEK ou du Congrès National Irakien - à seule fin de vendre au pays une guerre désastreuse.

Le co-conspirateur non inquiété le plus éminent est Ahmed Chalabi. Même des Républicains de haut rang le soupçonnent de double jeu : « Je ne serais pas autrement surpris s’il s’avérait qu’il a fourni aux Iraniens des faits, des questions, quoi que ce soit, dont nous désirions qu’ils n’en eussent pas connaissance », a dit le Représentant Chri Shays (Républicain, Connecticut), qui préside la sous-commission de la sécurité nationale à la Chambre. Néanmoins, le FBI s’est montré incapable ne serait-ce que de questionner Chalabi, dans le cadre de son procès en cours pour espionnage. En novembre dernier, quand Chalabi est revenu aux Etats-Unis pour une série de conférence et d’événements médiatiques, le FBI a tenté de l’interroger. Mais, étant placé sous la protection du Département d’Etat durant sa visite, indiquent des sources du ministère de la Justice, la requête du bureau fut repoussée sans explication.

« Chalabi se répand partout, disant qu’il n’a rien à cacher », dit un haut responsable du FBI. « Et par-dessus le marché, il utilise notre Département d’Etat pour se protéger contre nous, en même temps. Et il faut qu’on la ferme ! »

Finalement, le travail de Franklin et des autres membres du bureau secret de Feith eut l’effet escompté. Travaillant dans les coulisses, les membres du Bureau des Projets Spéciaux ont réussi à placer les Etats-Unis sur la piste d’une guerre totale contre l’Iran. De fait, depuis la réélection de Bush pour un second mandat, il n’a jamais fait mystère de son désir de voir chuter le régime de Téhéran. Dans un discours on ne peut plus triomphal, lors de la Journée d’Intronisation, en janvier 2005, le vice-président Dick Cheney avertit tout de go que l’Iran était « tout à fait en tête de la liste des « endroits à problèmes » de l’administration américaine - et qu’Israël « pourrait bien décider d’agir le premier » en attaquant l’Iran. Les Israéliens, ajouta Cheney assénant manifestement une baffe aux modérés du Département d’Etat, « laisserait le reste du monde se charger de nettoyer le chaos diplomatique qui en résulterait. »

Au cours des six derniers mois, l’administration a adopté pratiquement en tous points la position dure prônée par la cabale pro-guerre au sein du Pentagone. En mai dernier, l’ambassadeur de Bush aux Nations Unies, John Bolton, s’est exprimé devant la conférence annuelle de l’Aipac. Il a averti que l’Iran « doit être averti que, s’il continue à s’enfoncer dans l’isolement international, il y aura des conséquences tangibles et douloureuses. » Suite et fin de l’article de James Badford paru dans Rolling Stone du 24 juillet 2006

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique www.tlaxcala.es. Cette traduction est en Copyleft.

Comme pour confirmer ce discours martial, le Département d’Etat est en train de dépenser un budget de 66 millions de dollars afin de promouvoir un changement politique en Iran - en finançant le même genre de groupes oppositionnels qui ont contribué à entraîner les Etats-Unis dans la guerre en Irak. « Aucun autre pays ne représente pour nous un défi plus menaçant que l’Iran », a déclaré la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice.

S’ajoute à cela le fait que le Département d’Etat a renforcé récemment son Bureau Iran, le faisant passer de deux membres à dix, tout en recrutant plus de locuteurs du persan et en mettant sur pied huit unités de renseignement dans divers pays, chargés de se concentrer sur l’Iran. La Stratégie de sécurité nationale de l’administration - un document politique officiel qui expose les priorités stratégiques des Etats-Unis - qualifie désormais l’Iran d’ « unique pays » représentant la grave menace pour les intérêts américains.

Ce glissement dans la politique officielle ravit d’aise les membres de la cabale. Pour eux, la guerre au Liban représente l’étape ultime dans leur projet consistant à faire de l’Iran un nouvel Irak. En s’exprimant dans la National Review, le 13 juillet, Ledeen avait du mal à se contrôler. « Plus vite, s’il vous plaît », pressait-il la Maison Blanche, arguant du fait que la guerre devrait désormais être prise en charge par l’armée américaine et élargie à l’ensemble de la région. « La seule façon pour nous de remporter cette guerre consiste à abattre les régimes félons de Téhéran et de Damas. Or, ceux-ci ne vont pas tomber du simple fait de combats entre leurs clients terroristes à Gaza et au Liban, d’un côté, et Israël de l’autre. Seuls les Etats-Unis peuvent en venir à bout », concluait-il. « Il n’y a pas d’autre solution. »

[* James Bamford est l’auteur de l’ouvrage A Pretext for War : 9/11, Iraq and the Abuse of America’s Intelligence Agencies [Un prétexte pour faire la guerre : les attentats du 11 septembre 2001, l’Irak et le détournement abusif des agences américaines de renseignement]. Son reportage, pour Rolling Stone, consacré à John Rendon, « L’homme qui a vendu la guerre » [The Man Who Sold the War, in RS n° 988] lui a valu de remporter le Prix National des Magazines 2006, dans la catégorie reporters.]

Messages

  • Les dessous de la politique font froid dans le dos, mélange de lobbys et d’intérets perso.... . Le risque est grand de voir un conflit de grande intensité dépassant le cadre du proche orient, car la chine et la russie vont soutenirs indirectement et directement militairement la Syrie et l’Iran, pour contrer la volonté de domination occidentale sur les richesses pétrolières, car, il y a derrière tous cela les enjeux de la crise énergétique globale qui arrive. Une connaissance de retour du Liban, me disait que depuis le mois de mai, Thasal lancait des incurssions armées au sud Liban, que les accrochages étaient réguliers. Je pense aussi que les régimes au pouvoirs en Syrie et en Iran sont dangeureux, mais je pense aussi que le pouvoir Américains et certain pays Européens avance avec des objectifs cachés. Des alliances nouvelles (celle du Quatar et celle du Vénézuéla et d’autres...) avec l’Iran et la Syrie font craindres une extension du conflit actuel vers d’autres horizons. Finalement en réfléchissant un peu, on comprend que derrière tous cela se joue le sort du monde, que la mèche du Liban nous conduit à l’abime, souhaitont que des hommes de bonne volonté seront capables d’arréter la logique d’agravation dans laquelle nous sommes maintenant.

    POLUX.