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Le peuple-classe, une notion "anarchiste" ? Christian DELARUE
Publie le mardi 9 décembre 2008 par Open-Publishing3 commentaires
Le peuple-classe, une notion "anarchiste" ?
Source : Amitié entre les peuples
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article481
Oui et non. Mais explicitons la question tout d"abord. En l’espèce, au-delà de l’invective, l’auteur critiquait la notion de peuple-classe comme participant au rabaissement du fait démocratique.
Pour la définition du peuple-classe, je renvoie aux textes qui explicitent cette notion et notamment au texte fondateur "Pour une approche du peuple-classe’.
Le peuple-classe, une catégorie intermédiaire
(ce lien renvoi aux autres textes)
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article463
– Une première réponse à la critique consiste à dire que la notion de peuple-classe (1) laisse place à la notion de peuple-nation.
Le peuple-nation possède bien tous les attributs politiques que le droit constitutionnel confère au peuple assimilé à la nation dans les Etats-nation. La notion de peuple sans adjectif permet de passer d’un régistre très englobant à un régistre plus étroit sans précision et sans effort intellectuel . Elle a le mérite de la souplesse et l’inconvénient du flou donc de la manipulation possible . Car il faut le dire encore : le peuple est surtout objet d’assujettisement, beaucoup plus que de volontés émancipatrices .
Rien de complexe à comprendre dans cette distinction peuple-classe/peuple-nation à mon sens. Et ces catégories, à l’articulation du social et du politique, me semblent opératoires à la fois pour les partisans et les détracteurs du peuple-classe, donc bien en-deçà d’une sollicitation maximaliste. A l’évidence, dans une compréhension dynamique et politique on peut y lire une portée collective-autogestionnaire, qui ne préjuge d’ailleurs me semble-t-il ni de sa forme ni de de sa base territoriale. Mais l’ usage possible de cette notion de peuple-classe ne s’inscrit pas nécessairement dans cette perspective.
– Venons-en à la réponse principale : Y-a-t-il une sous-estimation du fait citoyen dans la notion de peuple-classe ?
Le peuple-classe n’est que rarement une "communauté politique" que le peuple-nation mais il a vocation à le devenir. C’est là toute l’aspiration issue des mouvements d’émancipation du XX ème siècle. Reste que cette vocation qui est une conquête, une "guerre de classe" survient ou surgit en de rares périodes de l’histoire.
Une communauté politique digne de ce nom qui n’entérinerait pas la dépossession du peuple-classe fonctionnerait sous des modalités fort différentes de celle de la démocratie libérale qui connait un régime restreint de la participation citoyenne. Il s’agit ici de promouvoir l’alterdémocratie (2). Pour autant, les élections ne sont pas qu’une formalité mais ces dernières ne disent pas tout du peuple et de son ascension possible car les élections sont ambivalentes. Les procédures électives sont à la fois source d’émancipation mais de façon très contenue dans les systèmes existants et forme de dépossession hors de l’acte électoral , donc le reste du temps.
Cette ambivalence est bien réelle dans les démocraties libérales réellement existantes. On pourrait même soutenir que la dynamique démocratique y est enfermée par le carcan du "système démocratique restreint" . Elle butte contre le pouvoir de la bourgeoisie. Le peuple-classe sous le régime de la démocratie libérale est donc structurellement rabaissé, dominé, renvoyé soit dans ses foyers soit à l’usine ou au bureau et dans les deux cas loin des lieux de décision. Il n’est donc pas souverain, ou rarement, mais soumis.
Pour autant la "raison démocratique" n’est pas bradée et encore moins la question de la souveraineté du peuple-classe . Les moyens de son accès plein et entier à la démocratie passent, à mon avis, par son unification, une unification différente de celle fréquemment invoquée a propos du peuple-nation autour des élites couches d’appui de la bourgeoisie. Le front uni du peuple-classe ce n’est donc pas l’alliance de ce peuple avec la bourgeoisie au sein du peuple-nation ou tous les chats sont gris.
– Une lutte idéologique à mener.
Pour reprendre les grandes lignes des propos d’André Bellon et Anne-Cécile Robert (3) je dirais du peuple-classe qu’il "marque le retour du peuple" en vue son "expression autonome" alors que les élites et l’oligarchie néolibérale s’emploie à "cacher ce peuple que l’on ne saurait voir" . Ils veulent cacher le peuple-classe sous le voile d’un peuple-nation qui se montre accommodant pour ceux qui bradent la volonté populaire derrière celle de la bourgeoisie et de ses représentants. Et, quand le peuple est exhibé c’est pour le réduire aux couches sociales populaires entendez par là les ouvriers et les employés auquels on ajoute les chômeurs. Autrement dit dans cette conception le peuple est reconnu comme bas-peuple afin de mieux intégrer les couches moyennes - techniciens, cadres moyens, cadres supérieurs vers les sommets de la société dans le bloc hégémonique qui part du sommet ; lequel bloc se délite du fait de l’écart énorme entre la couche de la bourgeoisie financière qui accumule les profits et les richesses alors que le niveau des couches moyennes supérieures ne cessent de décliner .
La notion de peuple-classe - produit d’une période spécifique du partage des richesses très défavorable à de nombreux peuples-classe - élève le niveau de la barre des classes à mobiliser qui avait été très rabaissée il ya quelques années avec la notion inclus/exclus, notion améliorée mais non remise en cause radicalement par celle plus dynamique de "désafiliation du salariat". On y reviendra.
Christian Delarue
CA ATTAC France
1) Si Abraham LEON a employé le terme, ainsi que me l’a fait remarqué récemment Pierre Ruscassie, c’est dans un autre contexte et un autre sens (celui de "caste") et pour un autre but (question de la permanence de "l’identité" juive à travers le temps). Et depuis, à ma connaissance, la notion n’a guère été mobilisée, encore moins hors du champs de "la question juive". Il s’agit donc plus que d’une mise en valeur ou d’une réactualisation.
2) DEUX CONCEPTIONS DE "L’AUTRE DEMOCRATIE"- De l’alterdémocratie "de complément" à ’alterdémocratie "globale" et alternative
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article218
3) in "Le peuple inattendu" Syllepse 2003 par André BELLON et Anne-Cécile ROBERT (avec une préface de Claude NICOLET)
Messages
1. Le peuple-classe, une notion "anarchiste" ? Christian DELARUE, 9 décembre 2008, 19:41
Un intélectuel (un vrai !) doit prendre un problême compliqué et le présenter et l’exprimer dans un langage simple et concret et pas faire l’inverse, comme içi.
1. Le peuple-classe, une notion "anarchiste" ? Christian DELARUE, 14 décembre 2008, 16:12, par CD
Monsieur le "donneur de leçons" qui postez tjrs le même message sous plusieurs de mes textes sur le peuple-classe,
sachez que :
1 Je suis pas un "intellectuel" professionnel mais je ne suis pas non plus un individu qui s’abstient de penser à la mesure de ses moyens ;
2 Si vous pensez mieux que moi, montrez-moi. Je préfère quelqu’un qui me fait une démonstration, sans invective ni forfanterie mais avec des arguments car cela m’enrichis et enrichis tout le monde dans le même mouvement ;
3 Je suis donc preneur de vos analyses sur la question du peuple et des ses définitions.
CD
2. Le peuple-classe, une notion "anarchiste" ? Christian DELARUE, 15 février 2009, 19:39, par CD
Les frontières du peuple-classe. C Delarue
dimanche 15 février 2009
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article598
La notion est fondée sur une insuffisance dans ce qui est disponible à l’usage, vulgaire ou scientifique, parmi les catégories connues de groupes sociaux : salariat , population, nation, couches populaires. Peuple-classe, plusieurs contributions explicitent ailleurs son fondement, ou divers développements. Je renvoie donc au site amitie-entre-les-peuples.org ou attac france pour connaître ces textes. Le champ sociologique attribué au terme peuple-classe est variable mais non sans frontière . La frontière est bouge - légèrement - mais elle existe. Autrement dit, le fait qu’il y ait un bougé n’invalide pas la notion puisque la frontière est réelle, "dure" parfois sans certains contextes.
Le peuple-classe est une catégorie sociologique qu’il faut définir par ce qu’elle exclu nécessairement et par ce qu’elle inclue nécessairement. Elle peut éventuellement exclure plus. Elle peut aussi inclure plus que le nécessaire en fonction du contexte. Mais elle a une zone "dure" qui lui donne son sens, sa pertinence. C’est donc par ces quatre précisions que l’on peut définir le peuple-classe.
1 – EXCLUSION :
– Exclusion d’emblée.
Par définition le peuple-classe exclu nécessairement, à minima, une fraction de la couche dominante de la société que ce soit les grands capitalistes de la population du territoire donné (le capital national supérieur au capital d’ampleur régional), ou la fraction la plus riche de la bourgeoisie (ce cercle va au-delà des capitalistes) ou de l’oligarchie (ce qui peut inclure des dirigeants non capitalistes). De plus, une fraction minime du salariat en est exclue disons de 2 à 5 % de la totalité des salariés, autrement dit le sommet du salariat ainsi d’ailleurs qu’une fraction des indépendants.
– Variation de l’exclusion.
* Pour le capital, la barre supérieure peut être abaissée en excluant aussi le capital régional c’est à dire les entreprises moyennes. La barre peut même encore plus abaisser et exclure le petit patronat mais dans certains cas seulement (revendications concernant le plus près des conditions de travail) mais pas dans d’autres (aspects de la mondialisation financière).
*Pour le salariat, ce qui est variable c’est le haut encadrement : dans les luttes il est absent, car couche d’appui du capital. Mais attention, le haut encadrement, ce ne sont pas les cadres ordinaires du public ou du privé. Un cadre d’entreprise n’est pas un haut manager . Un inspecteur principal est cadre supérieur d’administration mais il n’est pas à la hauteur d’un Directeur d’un grand service département comme un Directeur des Services Fiscaux ou un Trésorier Payeur Général. Théoriquement parlant seul une très infime minorité du salariat, ceux faisant fonction de manager dans les grandes entreprise, est exclus du salariat et du peuple-classe.
2 – INCLUSION :
– Inclusion d’emblée .
Ce qui est inclus par définition dans le peuple classe c’est donc l’immense majorité du salariat - du public et du privé, retraité actif ou chômeurs, ayant ou non la nationalité du pays - plus les plus dominés ou appauvris des travailleurs indépendants qu’il s’agisse d’artisans, de petits commerçants ou de petits paysans.
– Inclusion variable .
S’y rajoute, selon les enjeux de la situation concrète, le petit patronat, ou même le capital régional.
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Ce qui fait bouger la frontière ne supprime donc pas la frontière. Il y a le peuple-classe en soi pris en fonction de critères objectifs de dominations variables et le peuple-classe pour soi celui qui a vocation a se mobiliser. Il peut prendre aussi suivant le conteste plusieurs configurations sociologiques. Le peuple-classe qui s’exprime par un vote n’aura pas la même composition que le peuple classe qui manifeste.
Christian Delarue
Membre du CA d’ATTAC France
Le peuple-classe pour soi est parfois nommé en France "peuple de gauche". Outre la question de la mobilisation le discours stratégique évoque aussi sous ce terme les questions de l’unité du salariat ou la question des alliances de classes.