Accueil > Liban : Israël sur la sellette (POLITIS)
Rudolf el-Kareh
Le blocus, les destructions d’infrastructures souvent vitales et surtout l’usage de bombes à fragmentation violent la réglementation internationale. Le sociologue Rudolf el-Kareh analyse ici la responsabilité de l’État hébreu.
Les dirigeants israéliens peuvent-ils être poursuivis pour « crimes de guerre » par une juridiction internationale ? On en est encore loin même si plusieurs rapports d’organisations humanitaires, notamment Amnesty International, sont accablants. Il faudrait pour cela une volonté politique qui n’existe pas. On sait trop que la justice internationale dépend des rapports de force. Il n’empêche ! Un tabou est tombé. Il ne fait plus de doute aujourd’hui que l’État d’Israël et son armée ont commis, dans la guerre lancée contre le Liban, le 12 juillet dernier, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité tels que ceux-ci sont définis par les articles 7 et 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le Liban a fait l’objet, en effet, d’un assaut « commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque » (art. 7.1 du statut). Quant aux crimes de guerre, ils « s’inscrivent dans un plan ou une politique » (art. 8.1), comme l’ont publiquement révélé, le 15 juillet dernier, Alex Frishman, le commentateur militaire du quotidien israélien Yedioth Aharonot, et Seymour Hersh, dans le New-Yorker du 14 août 2006.
Parmi les faits les plus flagrants, figure le largage de cent mille bombes à fragmentation interdites par les conventions internationales dans les zones civiles sur les zones habitées du sud du Liban, ce qui menace, selon l’ONU, la vie de milliers de civils libanais. Le secrétaire de l’ONU aux Affaires humanitaires, Jan Egeland, n’a pas mâché ses mots : « Ce qui est choquant et totalement immoral, c’est que 90 % de ces bombes ont été lâchées dans les trois derniers jours du conflit, quand nous savions qu’une résolution [du Conseil de sécurité] allait être adoptée, quand nous savions qu’il y aurait une fin [...]. Chaque jour, des gens sont estropiés, blessés ou tués par ces armes. »
Le ministre belge de la Défense, en annonçant que les soldats belges seront équipés d’appareils de mesure des radiations, a renforcé les accusations du gouvernement libanais faisant état d’usage par les Israéliens de bombes à uranium appauvri, tandis que le chef de la mission de Handicap International confirme que « tout le sud est couvert de ces armes à sous-munitions [qui sont] comme un champ de mines, mais beaucoup plus pernicieux [...], se répandent dans les arbres, les jardins, les champs, les maisons, sur les toits, partout ». Amnesty International avait déjà considéré dans un récent rapport que « le mode, l’étendue et l’intensité des attaques ôtent toute crédibilité à l’affirmation d’Israël selon laquelle il s’agirait de dommages collatéraux, et que l’affirmation par Israël que les attaques étaient légales est de toute évidence erronée [...]. Nombre de violations décrites dans le rapport, telles que des attaques disproportionnées et menées sans discrimination constituent des crimes de guerre. Les éléments suggèrent fortement que la destruction massive [...] était délibérée et s’inscrivait dans une stratégie militaire. »
L’usage de ces armes prohibées viole aussi l’article 8.2 du statut de Rome, qui qualifie de crimes de guerre « le fait d’employer les armes, les projectiles, matériels et méthodes de combat de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à agir sans discrimination en violation du droit international des conflits armés ». Le blocus illégal lancé contre le Liban, la destruction des infrastructures routières et des ponts, la destruction délibérée des camions de produits alimentaires et de médicaments a par ailleurs violé la clause XXV de l’article 8.2, qui considère comme un crime de guerre « le fait d’affamer délibérément des civils, comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie [...] ».
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