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Liban : la superbombe passe par l’Italie

Publie le mercredi 26 juillet 2006 par Open-Publishing

de MANLIO DINUCCI traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

La secrétaire d’état Rice arrive aujourd’hui (dimanche 23 juillet) en Israël. Pas pour demander l’arrêt de la guerre : "Ce que je ne fais pas, a-t-elle déclaré, c’est tenter d’obtenir un cessez-le -feu dont je sais qu’il ne durera pas".

Avant de venir à la "Conférence internationale sur la crise au Moyen-Orient" qui se déroulera mercredi à Rome, Rice autorise ainsi Israël non seulement à continuer mais à intensifier les bombardements sur le Liban. Pas seulement en paroles.

Le même numéro du New York Times (22 juillet à) qui rapporte ses déclarations, révèle aussi que l’administration Bush a envoyé la semaine dernière en Israël, à la demande de son gouvernement, une grosse cargaison de bombes à direction satellitaire et laser. Confirmé par des sources de l’administration qui veulent garder l’anonymat. Ceci indique -soulignent-ils- qu’ "Israël a encore une longue liste d’objectifs à atteindre au Liban".

Dans une conférence de presse rapportée sur le Jerusalem Post (21 juillet), un pilote israélien a précisé que les bombardiers F-16 de la première escadre aérienne, à qui il faut moins de dix minutes pour atteindre Beyrouth, ont déchargé mercredi dernier 23 tonnes de bombes sur un faubourg où on pensait que des dirigeants du Hezbollah se tenaient cachés dans un bunker. A part les "dommages collatéraux" sur les habitants du quartier, le résultat a été nul.

Mais arrivent maintenant les nouvelles bombes made in Usa, appartenant à un « package » dont la vente à Israël a été autorisée par Washington l’année dernière. Parmi lesquelles la Gbu-28 : une maxi bombe à commande laser de 5.000 libbre (environ 2,3 tonnes). Le document d’autorisation la décrit comme « une arme spéciale conçue pour pénétrer des centres de commandement situés dans des bunkers profonds fortifiés », en précisant que « l’aéronautique israélienne utilisera les Gbu-28 avec ses bombardiers F-15 » (fournis par les Usa, comme les F-16). Selon David Siegel, porte-parole de l’ambassade israélienne à Washington, « nous utilisons des munitions à commande de précision pour neutraliser les capacités militaires des Hezbollah et minimiser les dommages pour les civils ». Les Gbu-28 seraient donc des « bombes humanitaires ».

Dans le « package » fourni par les Usa, il y a « au moins 100 Gbu-28 ». Officiellement, elles sont vendues à Israël ; en réalité elles sont offertes : pour l’année fiscale 2007 (qui commence le 1er octobre 2006) l’administration Bush fournira une « aide » d’environ 2,5 milliards de dollars à Israël, dont 2 ,3 milliards sous forme d’ « aide militaire ».Avec cet argent Israël achète des bombes et autres armes aux industries de guerre étasuniennes. Le cycle est ainsi bouclé : les deux milliards de dollars d’aide militaire à Israël retournent aux Usa en augmentant les profits du complexe militaro-industriel. Et comme les chasseurs qui bombardent consomment beaucoup, le Pentagone a décidé le 15 juillet dernier de vendre à Israël du carburant pour jet (Jp-8) pour un montant de 210 milliards de dollars, dans le but de « maintenir la paix et la sécurité dans la région ».

D’où a été expédié le dernier colis de bombes destiné à Israël ? Personne ne le dit officiellement. On peut cependant rappeler un fait : la base logistique Us où sont déposées les bombes pour les forces aériennes et terrestres qui opèrent dans la zone méditerranéenne, nord africaine et moyen-orientale, c’est Camp Darby (très grosse base étasunienne à côté de Pise, ndt). De cette base, située entre le port de Livourne et l’aéroport de Pise, est partie une grosse part des bombes utilisées dans les deux guerres contre l’Irak, et dans celle contre la Yougoslavie. Puisque l’administration Bush a décidé la semaine dernière l’ « expédition rapide » de cette livraison de bombes, par bateaux ou avions cargos ou les deux à la fois, il est tout à fait logique qu’elles soient parties de Camp Darby. Un autre élément renforce cette hypothèse.

D’après l’organisation étasunienne Global Security (dont les informations se sont jusqu’à présent révélées fondées), le 31ème escadron de munitions qui opère à Camp Darby « est responsable du plus important arsenal de munitions conventionnelles des Forces aériennes Usa déployé en Europe, consistant en 21.000 tonnes de bombes en Italie, et deux dépôts répertoriés en Israël ». Il existe donc une liaison organique entre les bases de Camp Darby et les deux dépôts dans lesquels sont « stockés » les bombes Usa pour l’aviation. Il est donc tout à fait probable que les bombes déjà lancées, et celles, plus puissantes encore, qui vont l’être sur le Liban, proviennent ou de toutes façons transitent par Camp Darby. Il faut rappeler ici que la Loi 94, du 17 mai 2005, qui institutionnalise la coopération entre les ministères de la défense et celui des forces armées italiens et israéliens, prévoit aussi « l’importation , l’exportation et le transit de matériels militaires ».

Voila des faits dont il faudra se souvenir mercredi prochain, quand Condoleeza Rice prendra la parole à Palazzo Madama (siège du gouvernement italien) pour expliquer la position de son gouvernement. « Le président Bush - rapporte le Washington Post (21 juillet), considère le conflit au Moyen-Orient comme un pas vers la paix ». Comme l’ont expliqué des hauts fonctionnaires de l’administration, le président est opposé à un cessez-le-feu immédiat parce qu’ « il existe une opportunité de chasser le Hezbollah et qu’il faut l’exploiter même s’il y aura d’autres conséquences graves à affronter ». Le président est « touché (addolorato, ndt) par la perte de toute vie, mais il est convaincu que le moment est arrivé de faire de la clarté ». Ce qui est déjà clair, par contre, c’est qu’Israël avait depuis longtemps planifié l’attaque en étroite coordination avec Washington et qu’il a volontairement créé le casus belli - l’enlèvement des deux soldats israéliens, survenu non pas en territoire israélien mais libanais, pour mettre le Liban à feu et à sang et préparer la guerre contre la Syrie et l’Iran. La conférence de mercredi prochain à Rome, dont sera absente la partie adverse (le mouvement Hezbollah et la Syrie) , servira à prendre encore un peu de temps pour permettre à Israël de compléter son œuvre de destruction, pour envoyer ensuite une « force d’interposition »garder les cratères ouverts par les Gbu-28.

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