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Lettres d’Ignacio del Valle
Lettres d’Ignacio del Valle, du FPDT (Front communal pour la défense de laterre), San Salvador Atenco.
POUR LES GARDIENS DES RÊVES
Compagnes, compagnons,Je suis heureux de vous saluer et triste pour ce que cela représente pourvous. Votre attitude vaillante et solidaire nous apprend votre véritableconviction face au malheur de la répression et la mort que sèment ceux quidéfendent des intérêts mesquins, ceux qui, aux dépens de la souffrance dupeuple, et avec l’effronterie la plus perverse, lâche et misérable,essaient d’étouffer ceux qui ont dit basta ! et qui ne sont pas prêts à larésignation, même au prix de leurs propres vies.À vous, compagnes et compagnons qui, à travers vos actes de courage etd’un total dévouement, vous dévoilez l’héroïsme qui surgit de vos cœurs,et qui envahit les recoins les plus secrets de notre être, y demeurant telun soleil, en scintillant l’espérance et la dignité que résonnent comme untonnerre : « vous n’êtes pas seuls ! êtes-vous seuls ? non ! vous n’êtespas seuls ! »Nous ne faisons pas que vous entendre : nous sommes ensembles.
Nous voussentons dans le vent qui nous souffle sa voix pleine de courage, nous vousretrouvons dans la lumière qui éclaire nos nuits ; dans les jours quipassent lentement, qui endurcissent notre esprit et qui ébranlent le cœur,qui à force de coups a fini par être forgé, et brille encore plus que lemétal. Le feu le démontre. Il s’enflamme de joie et de gratitude.À vous, qui nous offrez votre foi, née du sacrifice et de l’adversité. Àvous, qui, avec vos peines, vous écrivez sur l’infini les rêves les plusbeaux.
Des rêves que nos grands-parents ont forgés dans la forge de millebatailles de siècles rouges et de silence, et que demain se réveillerontdans la joie de nos petits enfants.Qui boiront le nectar et la miel que, hier comme aujourd’hui, nous gardonspour ceux qui viendront et qui ouvriront des lendemains pleins de lumièrede harmonie pour tous.
Puisque les épines devancent la fleur qui éclaireraleurs regards extasiés de paix et d’espérance.Les malheurs d’un peuple ne peuvent pas être guéris avec des simples mots,ni avec des bonnes intentions ! Ils nous réclament des sacrifices !Arrêtez de croire qu’on doit répondre aux coups avec une bénédiction !Je crois qu’il est inévitable d’y répondre : l’humiliation et la douleurnous l’ont appris, en laissant derrière eux un cortège d’atrocités etd’infamies.Les barreaux de ma prison ne m’ont pas séparé de mon peuple.
Son cœur batà l’unisson avec le mien !À vous notre gratitude et notre admiration !Pour nous laisser regarder, dans vos yeux, le regard d’autres.Pour encourager la foi dans nos cœurs.Pour dessiner, dans le ciel, avec la lumière des étoiles, des cœurs rouges...Le cœur des plus rebelles, de ceux qui font des révolutions !Quelle peur peuvent-ils encore inspirer à nos cœurs ?Quelle douleur à nos chairs, s’il ne reste plus d’endroit pour blesser ?Des blessures dans les blessures, des fers, de l’enfermement, de lapersécution et de la mort.Nous supporterons, nous résisterons, nous ne nous résignerons jamais !Ici, on se rend compte qu’on vit une période dans l’histoire de notre paysdans laquelle le destin personnel ne compte plus ; c’est le destin d’unPeuple tout entier qui est en jeu !
La liberté n’est pas le privilège de ceux qui emprisonnent notre chair !C’est le miracle de ceux qui engendrent dans leurs cœurs de l’amour pourautrui !Brandissant dans leur voix, dans leurs poings, les drapeaux de hier etd’aujourd’hui, de la lumière et des rêves !Le regard et la résistance résolus, relevant le défi infâme de la bêtenoire !Le poing au vol et le cœur courageux !
Une nouvelle aube nous appelle au-delà du passé, au-delà du présent,au-delà de la mort même !À vous, frères et sœurs, merci !Pour nous apprendre à cultiver la foi dans ces nuits froides Et parce quevos chants, comme le coq, font surgir le soleil !Ne jamais subir la honte de ne pas se battre !Seul le peuple peut sauver le peuple !Le peuple vit, la résistance continue !Celui qui vous aime pour toujours, et qui ne se rendra jamais, votre frère,Nacho.SI VOUS ÊTES HEUREUX ALORS JE LE SUIS AUSSI
(Depuis la prison de Maximo Exterminio del Altiplano, avant, La Palma)Janvier 2008.
Depuis la prison La PalmaAux hommes et femmes de tout âge, et dans chaque coin de cette patrie, quiest la notre : à la ville, à la montagne, à la jungle, à l’école, àl’usine, à la mine, depuis l’exil, sur la vallée, depuis la réclusion...Quelque soit l’endroit où l’on se trouve, notre obligation est de nousprotéger pour continuer la marche de ce grand projet de nation, où nousallons rassembler nos efforts, en mettant de côté les intérêtsparticuliers ou d’un groupe, sans exclure aucune lutte, aussi infimequ’elle puisse paraître.
Nous ne devons pas oublier que les grands incendies trouvent leur originedans une minuscule étincelle ! Et, en ce moment, les incendies surgissentde partout et nous devons les encourager et les diriger vers la route del’unité, tout en respectant leurs formes d’organisation, en signalanttoujours les causes et les effets, en mettant toujours en évidence l’ennemi commun et les moyens qu’il a toujours déployés afin de nousmaintenir endormis, aliénés, toujours soumis à ses caprices, en calculant toujours en fonction du gain économique, sans se soucier de l’humiliationet de la douleur des gens
En s’appropriant des moyens de production et enexploitant la force de travail, en manipulant à sa convenance démesurée ledroit à la propriété privée, en cumulant toujours des richesses au dépensde la sueur et des larmes des esclaves, des plébéiens, des ouvriers, despaysans journaliers, de tous ceux qui, en ce moment, lèvent la voix de lanon-conformité, de la rébellion.La lutte pour la justice est toujours naturelle, partout, et elle opposeinvariablement riches et pauvres, en écrivant de son sang et de son exemple de dignité qu’un monde de justice pour tous est bel et bienpossible.
Nous ne devons plus attendre des dates anniversaires pour pleurer et nouslamenter de la mort de Zapata, ni pour ajuster des discours ; pour dire,je suis ici, avec les mots mais sans le cœur.Le meilleur hommage à Zapata est la construction de l’unité, organisée etconsciente, où qu’on se trouve, parce que la lutte appartient à tous,hommes et femmes. Et elle ne donne pas de répit ni n’accorde des vacances : même quand on dort, on doit rêver de révolution. Peu importe de qui çavient, la volonté de lutter, tant que son essence se compose de foi etd’unité.
Nous avons largement des raisons pour ne pas céder en quoi que cesoit à l’ennemi à qu’il ne faut accorder la moindre trêve.Même quand nous nous retrouvons seuls, la lutte continue dans notreintérieur, avec notre attitude d’indifférence, d’autosuffisance,d’orgueil, de colère contrôlée, d’envie, de paresse ; de fer et de ragedans le combat jusqu’à la victoire ; généreux et digne avec le peuple,sans rien demander en échange, rien d’autre que l’honneur de pouvoir le servir.
La récompense brillera dans le sourire éternel de nos petits enfants,rassasiés avec du pain et du miel, et dont les jours seront éclairés pardes souvenirs lumineux.Zapata vie dans chaque poing levé, dans chaque cri enragé, avec le cœur auvent.Comme une machette dégainée, en peignant de rouge l’horizon qui nousappelle à accomplir notre devoir : ici, là-bas, la lutte continuera !Ignacio del Valle.Paru dans le quotidien "La Jornada", 16 mai 2009.Traductions : Victoria.