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Mondialisation versus globalisation

Publie le jeudi 1er novembre 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

« Mondialisation » et « globalisation » sont deux termes fréquemment utilisés pour désigner une situation qui serait nouvelle, qui est en tout cas complexe et qui mérite de lever quelque peu le voile sur ces concepts qui finissent par ne rien vouloir dire. Par souci de clarté, il nous semble pertinent de distinguer ces deux termes pour que chacun désigne un phénomène précis et complexe qu’il convient de redéfinir historiquement.

La mondialisation nous semble un processus historique de diffusion de l’espèce humaine et d’échange entre les humains, tandis que la globalisation serait un phénomène plus récent, et ainsi spécifiquement « moderne », que l’on peut faire arbitrairement commencer en 1492. Ce « processus » n’est en fait qu’une mise en application d’une idéologie qui s’ancre alors comme imaginaire. « La notion de mondialisation est dépendante d’une idéologie qui elle-même repose sur de multiples théories et méthodes : celle de l’individualisme méthodologique, de la neutralité axiologique, de la post-modernité, du libéralisme économique entre autres » (P.Vassort, Dictionnaire des risques). Mais nous verrons que les choses sont plus compliquées, et que ce qu’on appelle aujourd’hui « mondialisation » n’est rien d’autre que l’accélération, voire la rupture, qui s’amorce dans les années 1970. La globalisation est donc un phénomène sous-jacent à la mondialisation, une forme moderne de la mondialisation déjà très ancienne.

La mondialisation, même économique, parcourt l’histoire de l’humanité : il s’agit d’abord de la diffusion de l’espèce humaine, puis de la mise en contact de tous ses membres, processus jamais achevé car toujours à renouveler. La mondialisation, en tant que mise en contact de l’humanité entière, est peut-être une sorte de « loi » de la nature (d’où l’emploi de « processus »). Les réseaux commerciaux mondiaux existent depuis toujours : le meilleur exemple est la route de la soie, qui a développé un échange entre l’Orient et l’Occident entre le 3ème siècle avant J-C et le 16ème ; on peut citer aussi les explorations et la mise en place d’un système d’échange à travers l’Eurasie, le Groënland et l’Amérique par les Vikings dès le 8ème siècle jusqu’à la fin du Moyen-Age ; on ne doit pas non plus oublier les traites d’esclaves, particulièrement révélatrices de l’ancienneté et de la capacité à mettre en place du commerce international. Les premières sociétés néolithiques, notamment celles des « sociétés mégalithiques », avaient déjà développé du commerce international, et les sociétés paléolithiques échangent entre tribus parfois très éloignées –souvent via d’autres tribus.

La globalisation est la conséquence et la condition du système capitaliste. Elle fait entrer la mondialisation dans un contexte soumis à l’économique : c’est l’entrée dans l’économie-monde, le libéralisme économique, le capitalisme moderne, c’est-à-dire dans une forme de société que nous appelons « moderne capitaliste » qui est globale, voire totale. La globalisation accompagne donc l’histoire de la modernité et du capitalisme. On peut arbitrairement la faire commencer dès 1492 (date essentiellement symbolique) : le dernier Etat musulman d’Espagne disparaît, première publication d’un livre de grammaire castillan qui entérine le décès du latin comme langue des élites, et surtout « découverte » des Amériques par C.Colomb. 1492 n’est pas une rupture, mais est une étape fondamentale dans un « processus » politique et culturel lent. Elle correspond à l’entrée dans l’ère moderne, ou plutôt pré-moderne (qui dure toute la Renaissance jusqu’au début du 16ème siècle) et qui voit l’échange économique prendre largement le pas sur l’échange symbolique tandis que l’idéologie capitaliste moderne émerge. La globalisation n’est donc pas nouvelle, et est parallèle au capitalisme. Or, celui-ci commence à émerger dès le néolithique. Mais la globalisation n’est pas le capitalisme et n’apparaît qu’avec le capitalisme moderne (1492 sera donc une date butoir pour nous). Elle fait entrer la mondialisation dans un contexte soumis à l’économique. Elle se développe lentement et prend son caractère total et irréversible à l’ère industrielle au 19ème siècle.

Au départ, la globalisation est fondamentalement liée à la colonisation –ainsi qu’à la traite des noirs d’ailleurs- : c’est donc bien un projet de domination. Ce qu’on appelle populairement aujourd’hui mondialisation ou globalisation est ce qui est venu prendre le relais de la colonisation. Dans les années 1970, le capitalisme devient financier, et non plus industriel, c’est-à-dire que se développent de manière exponentielle les flux internationaux de capitaux et de biens. On cherche alors à obtenir des profits substitutifs de spéculation. Le volume de ces transactions de devise à devise atteint au début du 21ème siècle 200 milliards d’euros par jour, soit un montant cinquante fois plus élevé que celui des échanges commerciaux (P.Vassort citant Bauman, ibid).

Les années 1970 marquent un bouleversement social sur de nombreux points, ce qui en fait une rupture pour certains : post-modernité, sur-modernité, hyper-modernité… Après la paysannerie, c’est le monde ouvrier que l’on va alors chercher à casser. Dans le même temps, les dernières colonies acquièrent leur indépendance, ne faisant pas disparaître, loin s’en faut, la domination du « Nord » sur le « Sud ». On va ainsi reporter les difficultés vers les pays périphériques des centres décisionnels occidentaux grâce aux mécanismes de la dette entérinés par les organismes internationaux (OMC, OMS, Banque mondiale, FMI, OCDE).

Cette nouvelle étape de la modernité capitaliste, et par conséquent de la globalisation découle d’un projet politique (« néolibéralisme ») qui se constitue face aux velléités émancipatrices des années 1960, présentes tant au sein des pays les plus riches économiquement que dans les périphéries. 1968, révolution mondiale, marquera l’apogée des luttes pour la libération. Mais « tous ces mouvements semblent être arrivés à faire de leur victoire un échec » (I.Wallerstein, « C’était quoi le tiers-monde ? »).

En réaction aux avancées de 1968, qui vont être réprimées rapidement, les conservateurs et les ultra-libéraux lancent une « nouvelle » idéologie : le néolibéralisme, qui n’est en fait qu’un retour au capitalisme le plus dur, c’est-à-dire de ses débuts, et qui montre peut-être sa lente agonie. Ce projet politique va être consacré par le consensus de Washington, mais les politiques anglo-saxons Reagan et Thatcher vont aussi beaucoup faire pour lancer cette nouvelle voie « hyper-moderne ». La gauche à travers le monde se retrouve écrasée, devenant une sociale-démocratie prônant un capitalisme social-libéral. La gauche classique est morte. Quant au Tiers-Monde, son poids politique durement gagné lors de la Guerre Froide a disparu. La stratégie de la gauche réformiste a échoué. Celle-ci consistait à « d’abord accéder au pouvoir étatique, puis transformer le monde. La première phase achevée, le temps venait de juger la seconde à ses résultats. Or, en 1968, les révolutionnaires pouvaient dresser un bilan tragique : le changement annoncé n’était nulle part au rendez-vous » (I.Wallerstein, « C’était quoi le tiers-monde ? »). Le constat est bien plus alarmant aujourd’hui. Le moment est alors favorable pour que de nouvelles formes de résistance plus créatives, moins institutionnalisées et moins médiatisées, et alors moins propices à la récupération par la machine de « dévoration » qu’est le capitalisme, jaillissent.

La globalisation est donc un phénomène continu déjà ancien qui bouge et se transforme. Faire croire que la globalisation est un processus nouveau, qui suit le progrès, pour ne pas dire la Providence, c’est rendre ce projet politique inévitable : faire d’une idéologie un processus. Il s’agit bien de fétichisme, de faire d’un fait politique un fait naturel, et donc nécessaire. « Il n’y a pas d’alternative » et il faut s’adapter, déclarent les tenants de l’orthodoxie libérale-capitaliste-évolutionniste. L’humanité serait ainsi régi par des forces biologiques et sociales, incapable de peser sur son devenir. « Mais s’il n’y a vraiment pas d’alternative, il est peine perdue de le proclamer. C’est précisément parce que les alternatives existent bel et bien qu’on veut faire croire qu’il n’en existe pas » (I.Wallerstein, « La mondialisation n’est pas nouvelle »). Cette « globalisation » dure qui se développe depuis les années 1970 dévoile, s’il le faut encore, la crise de la modernité capitaliste. C’est justement parce que nous sommes dans une période d’incertitude que l’action et la création sont d’autant plus fondamentales. Et elles doivent se tourner vers l’autonomie, l’autogestion, la « décroissance », la convivialité, la re-localisation… pour qu’enfin surgisse une mondialisation culturelle et politique face à la globalisation économique, une mondialisation de partage des connaissances, d’hospitalité, de respect, de solidarité, c’est-à-dire pour la première fois l’émergence d’une conscience s’inscrivant dans les faits de l’appartenance à une même et unique humanité. 2007. JV

Messages

  • Je trouve la discussion "mondialisation versus globalization" passionant. Je vous invite a lire le livre de Nayan Chanda "BOUND TOGETHER : How Traders, Preachers, Adventurers and Warriors Shaped Globalization" (Yale University Press, 2007) et surtout le chapitre qui analyse l’evolution de ce mot ’globalization’ a travers la presse anglaise depuis les annees 70. L’analyse de Chanda soutient la these que la mondialisation/globalization n’est qu’un tentative accelere de reconnecter les etres humains depuis leur depart d’Africque.

  • Pax homine bonae voluntatis. Article pénible dévoilant des bases historiques et une préparation à l’économie limitées. La fin le montre :

    ... qui se développe depuis 1970... s’il le faut encore,... C’est justement parce que ... d’autant plus fondamentales. Et elles doivent… pour qu’enfin surgisse une mondialisation culturelle et politique face à la globalisation économique, une mondialisation de partage des connaissances, d’hospitalité, de respect, de solidarité, c’est-à-dire pour la première fois l’émergence d’une conscience s’inscrivant dans les faits de l’appartenance à une même et unique humanité... Plon plon plon... (marching along the Wall Street).

    Le loubéralisme est strictement la récupération des progrès technique. On le voit dès l’invention de l’écriture, qui créée la caste des "fermiers généraux" en Perse. Cette caste est continuellement reprise. 1492 ? Arrivée du papier, et le pape devient l’homme le plus riche au monde en vendant sa "monnaie du pape". Qui va rapatrier ce bronze . Les Médicis : ils transforment en laine, alun, vins, etc.. Ils ont leur personnel, Americo est leur agent à Cadix. Et ils se paient deux fois le trône de France ! 1492, Marrant, c’est la date d’une autre disparition, (les "JiDiPis" créés vers 325 lors de la création des "chrestini", (à Constantinople par Constantin, premier pape). Because ? Un moine a inventé la compta en partie double, ce qui permet le contrôle des comptables à distance. Plus besoin de "spécialistes", de Fugger. Apparaissent les Jacques Cœur.

    Une occase identique s’est produite, avec l’ordinateur : utilisé immédiatement pour compter et transférer du fric, (et pour guider les bombinettes). Il y a d’autres facteurs, comme le progrès de la médecine. L’invention de la "dette" est une merveille, à condition de signaler, "pas de débit sans crédit". Facile de trouver des "créanciers" pour ’l’argent des générations futures". DSK, avec salaire monté à 1500 euros, vous expliquera.

    Qu’espérer ? L’écriture a fini par produire le "miracle grec", (attention n’y fourrer pas PlatCon ou l’Aristoto !). Le papier a produit Vinci et la Renaissance. Une "Renaissance", un "miracle à la vrai Grec" est-il possible ? Oui, qui le trouve ? "Ne découvre que celui qui se prépare à découvrir..." (Pasteur).

    Il s’agit de trouver le point faible du loubéralisme. Il fut indiqué par Mas(ter)Trich(et) répondant à la question : "Qu’est-ce que le "fric" ? - "Une question philosophique, demandez aux "philosophes". Qui est "philosophe" ? le Falstaphote d’Argentan l’Oie Grasse ? (hier encore, sur la 8) pour un 40è livre ! Ou le Ferry-Raffiot, monisopher ? La solution sauver les Newton-Esintein que la Nature produit pas milliers et les mettre sur les "sciences humaines", économie en premier.
    Moi, je suis entré à la WORLD TRADE dès 1956, (lancement du premier ordino de série, pour le "faire penser". Aujourd’hui , je lance un appel aux jeunes et futures générations : "Vérité, Droit des Jeunes, Devoir de Scnocks", et "Fuck your fuckers..."
    http://www.wikisophia.inf/
    etc...