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Paris hausse le thon sur Bruxelles

Publie le mardi 24 juin 2008 par Open-Publishing

L’état des stocks contesté

La réunion européenne de ce mardi promet d’être houleuse. La France et l’Italie contestent vivement la décision de la Commission d’avoir fermé le 16 juin - 15 jours avant la date prévue - la pêche au thon rouge dans cinq pays (France, Italie, Grèce, Malte et Chypre). Indispensable, justifie Bruxelles, pour protéger les stocks d’une espèce chérie par les gastronomes japonais mais décimée par la surpêche.

"La pêche au thon est terminée en Méditerranée et en Atlantique oriental, tout simplement parce que la Commission a suffisamment de faits et de chiffres" , défend Nathalie Charbonneau, porte-parole du commissaire à la Pêche Joe Borg. Les critiques du Français Barnier ? "M. Barnier a tout à fait reconnu que nous avions plusieurs sources d’information et que ça nous permettait d’avoir une cartographie très très précise et donc des données beaucoup plus fiables ."

"La Commission est arrivée avec un dossier creux , accuse de son côté le président du syndicat des thoniers méditerranéens, Mourad Kahoul, "ils n’ont aucune donnée scientifique fiable, ils n’ont que des suppositions."

Le problème est effectivement que les statistiques de pêche de thon rouge pour la Méditerranée ne sont plus fiables depuis une dizaine d’années, en raison de la mauvaise volonté des Etats membres et de dépassements de quotas des pêcheurs européens, français en particulier. Mais les experts scientifiques préviennent que les niveaux d’exploitation actuelle du stock ne sont pas tenables, si l’on veut assurer le maintien de l’activité.

Théoriquement, la mesure prise par Bruxelles pourrait être annulée par un vote à la majorité qualifiée des Vingt-sept, mais cette issue apparaît fort improbable.
Union européenne - PÊCHE

Paris hausse le thon sur Bruxelles
BERNARD DELATTRE

Mis en ligne le 24/06/2008

Le ministre français de la Pêche, Michel Barnier, à la rescousse des thoniers tués par les quotas de pêche. Cet europhile se lâche même de plus en plus souvent contre la Commission. Car en France même, il est soumis à de fortes pressions.
Le blog de notre correspondant à Paris
CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS
Les chiffres de la Commission européenne "ne sont pas les miens, donc il y a un problème". Lundi, le ministre français de l’Agriculture et de la Pêche, Michel Barnier, n’a pas caché son irritation, alors que la Commission a confirmé l’interdiction de la pêche au thon rouge en Méditerranée pour cause de quotas jugés dépassés - ce qui n’est pas l’analyse de Paris. Ce mardi, les ministres européens de la Pêche reparleront de ce dossier. La France fera de nouveau entendre sa voix, en réclamant notamment "une modernisation de la gestion des quotas, afin que ceux-ci soient plus en adéquation avec la réalité de la ressource". Michel Barnier a déploré une nouvelle fois "la décision unilatérale" de Bruxelles , mais a précisé qu’il n’était "pas dans l’état d’esprit d’entrer en conflit avec la Commission et de livrer une guérilla".

Dimanche déjà, le ministre avait mis la Commission au défi de présenter "des preuves" du bien-fondé de son choix sur ce dossier des quotas. Choix qui "va à l’encontre du contrat de confiance qui lie (la Commission) aux Etats membres". Choix qui, a-t-il répété, l’a laissé "surpris" et qu’il n’a "pas compris". Cette charge est d’autant moins passée inaperçue que Michel Barnier s’est toujours distingué dans le paysage politique français par son europhilie convaincue.

Cet ancien ministre des Affaires européennes (1995-1997) puis des Affaires étrangères (2004-2005), lui-même commissaire européen de 1999 à 2004, passait jusqu’à présent pour un fidèle zélateur de la pensée bruxelloise. Cependant, depuis son entrée en fonction, et avant cet ultime incident sur les quotas, Michel Barnier a haussé le ton. Il a successivement jugé "mal adaptées" les solutions de Bruxelles pour enrayer la crise de la viticulture. A fustigé la décision européenne de fermer la pêche aux anchois dans le Golfe de Gascogne. A exigé un "rééquilibrage" des propositions de la Commission pour la réforme de la politique agricole commune. Puis a qualifié de "pas acceptable" la réponse de Bruxelles à la flambée des carburants.

Cette acrimonie grandissante de Paris envers Bruxelles - peu avant le début de la présidence française de l’Union - s’est aussi illustrée dans les récents propos assez secs du président Sarkozy envers le commissaire Peter Mandelson, à qui la France a attribué une partie de la responsabilité de la victoire du non au référendum irlandais. Et elle a encore été nourrie ce week-end par le rejet européen, fût-ce poli, de l’idée de Nicolas Sarkozy de plafonner la TVA sur le gazole.

Déjà en campagne électorale

Paris, il faut dire, est soumis à forte pression de la rue, dans un pays où les mouvements de protestation ne prennent pas rarement une connotation antieuropéenne - combien de drapeaux étoilés a-t-on brûlé dans les ports français ces derniers mois ? Ce lundi encore, des pêcheurs dénonçant les quotas ont bloqué des ports et mené des opérations "escargot".

Des questions de pure tactique politique personnelle motivent peut-être aussi Michel Barnier. Le ministre n’entend visiblement plus se contenter d’un destin national. Il vient d’annoncer qu’il sera candidat aux élections européennes de 2009. Il est cité pour devenir le futur commissaire européen au Marché intérieur. Enfin, l’enterrement de facto du traité de Lisbonne reporte sine die le jeu de chaises musicales envisagé pour les nominations aux nouveaux postes de haute représentation de l’Union, pour lesquels son nom était parfois cité - ce qui contraint moins l’intéressé à des positionnements purement diplomatiques et consensuels.