Patrick Devedjian relance avec du vent

CEDRIC MATHIOT

Après la présentation des grandes lignes du plan de relance début octobre, le gouvernement a détaillé cette semaine l’effort français. Lundi, François Fillon a décliné 1000 projets pour faire obstacle à la crise. Et le ministre en charge de la Relance, Patrick Devedjian, était le lendemain sur France Inter pour en parler.

Interrogé sur le nombre d’emplois que le plan permettrait de créer ou de sauvegarder, Patrick Devedjian a évoqué le chiffre de « 100 000 emplois », et cité un exemple concret : le cas de l’usine Man Diesel de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). « Nous allons préserver des emplois. Je peux vous citer des exemples où c’est une certitude. Par exemple, à Saint-Nazaire, l’usine Man n’avait plus de plan de travail, et grâce à EDF, et parce que le gouvernement a demandé à EDF d’investir, il y a 500 emplois qui sont sauvegardés. »

LES FAITS :

Le groupe allemand Man, qui emploie quelque 600 personnes en France (essentiellement sur son site de Saint-Nazaire, spécialisé dans les moteurs diesel), a effectivement contracté cet automne le plus gros contrat de son histoire (750 millions d’euros) auprès d’EDF pour la fourniture, d’ici à 2012, des moteurs de six centrales thermiques dans les DOM et en Corse. C’est, en temps de crise, une excellente nouvelle, même si contrairement à ce qu’affirme Patrick Devedjian, le site avait un plan de charge substantiel pour les années à venir. « Le contrat d’EDF vient conforter une spirale très positive », affirme Christian Garreau, directeur des ressources humaines et de la communication de Man Diesel. Le site de Saint-Nazaire a ainsi embauché cinquante-six personnes et réalisé 15 millions d’euros d’investissements en 2008, et prévoyait, avant la signature du contrat EDF, une ambitieuse montée en charge de sa production pour les années à venir. Pas vraiment l’entreprise au bord du gouffre décrite par Patrick Devedjian.

Mais surtout, il est assez gonflé d’attribuer la signature du contrat à l’effort de relance. EDF n’a pas eu besoin d’être « poussé » par l’Etat pour « s’investir » à Saint-Nazaire. Et pour cause, le contrat a été signé avant le lancement du plan.

Cela fait plus de deux ans qu’EDF a prévu de renforcer ses capacités dans les DOM et en Corse. Un appel d’offres a été lancé, et dès avril 2008, EDF avait tranché, préférant l’entreprise Man à la société finlandaise Warstila. Le contrat a finalement été signé le 3 octobre, veille de l’annonce par Nicolas Sarkozy du plan de relance. L’affaire ne doit strictement rien au volontarisme de l’Etat. Cette « récupération » de Patrick Devedjian illustre une des ambiguïtés du plan de relance, accusé par l’opposition d’être parfois un simple habillage de projets déjà programmés.

Ce soupçon porte en particulier sur la contribution des entreprises publiques : sur les 26 milliards d’euros du plan. Nicolas Sarkozy avait annoncé que les entreprises publiques (SNCF, EDF, La Poste, GDF-Suez, RATP) feraient un effort d’investissement de 4 milliards d’euros supplémentaire en 2009 (dont 2,5 milliards pour EDF). Le problème, c’est que le mot « supplémentaire » prend un sens différent selon les cas. Concernant la SNCF, il est spécifié dans les communiqués du gouvernement que l’entreprise ferroviaire investira pour la relance 400 millions d’euros « de plus que ce qui était prévu pour 2009 ». La formulation est différente pour EDF, qui investira 2,5 milliards d’euros supplémentaires… « par rapport à 2008 ».

Rien n’indique que ces investissements n’auraient pas été réalisés sans la crise. Le contrat avec Man, qui est comptabilisé dans les 2,5 milliards d’euros « estampillés relance » d’EDF (comme en témoigne le dossier de presse, p.90), est un exemple édifiant de cette tromperie sur la marchandise.

Lors de son interview sur France Inter, Patrick Devedjian a ironisé sur le fait que les propositions anticrise du PS n’étaient « pas un plan de relance mais un plan de communication ». Le ministre de la Relance sait de quoi il parle.

http://www.liberation.fr/politiques...