Accueil > Ph LE CLERRE : Le MRAP et la solidarité avec le peuple bolivien

Ph LE CLERRE : Le MRAP et la solidarité avec le peuple bolivien

Publie le vendredi 11 janvier 2008 par Open-Publishing

LE MRAP ET LA SOLIDARITE AVEC LE PEUPLE BOLIVIEN

Contribution de Philippe LE CLERRE (*)

Le soutien au combat politique en Bolivie est-il du ressort des antiracistes ?

La Bolivie est un pays dans lequel les conquérants espagnols sont venus profiter des richesses (sol, sous-sol, force de travail, j’en oublie...) depuis 5 siècles.

La domination coloniale et le racisme ont fait qu’une société européenne puis blanche et métisse a pris le contrôle du pays sans faire profiter ceux qu’elle a appelé les indiens parce qu’elle ne connaissait rien de leur culture et de leurs valeurs, ni à la richesse, ni à la vie publique (politique, sociale, culturelle).

 Après 500 ans, les habitants des régions andines ne bénéficiaient que d’un réseau routier famélique, n’étaient pas comptabilisés comme des citoyens (lire l’article de Danielle Mitterrand dans Le Monde du...), étaient méprisés et réprimés s’ils osaient réclamer quoi que ce soit. Pire, les cercles de pouvoir pour qui tout allait dans le meilleur des mondes ont signé des accords internationaux interdisant aux “ indiens ” de faire commerce de l’une de leurs cultures traditionnelles, la feuille de coca, alors que cette plante pourrait être consommée comme le thé de par le monde pour ses vertus thérapeutiques reconnues médicalement. Les pays nord-américains et européens, qui produisent toutes sortes de produits alcoolisés responsables de millions de morts chaque année, ont donc signé avec la bourgeoisie aux commandes politiques et économiques de ce pays (et ne comprenant rien à la culture traditionnelle andine) des accords marginalisant les Mojos, Aymaras, Quechuas... C’est le racisme économique.

 Pour parler de quelque chose d’évident à l’époque des medias audio-visuels, la Bolivie s’est dotée pour la 1ère fois après ces 5 siècles obscurantistes d’un président de la République Aymara. Il est issu du mouvement syndical cocalero (des producteurs de coca) Voici le racisme politique ébranlé. Mais les nantis, là-bas, veulent la peau de l’ “ indio ” (terme péjoratif, je le rappelle).

 Pour conforter ce renouveau politique, des ambassadeurs “ indiens ” ont été, comble de l’horreur, nommés dans différents pays. C’est le cas de Luzmila Carpio Sangüeza, ambassadrice en France qui, non contente de représenter politiquement son pays dans l’hexagone, est une extraordinaire chanteuse traditionnelle quechua. Mais elle est presque totalement méconnue en Amérique latine et sans doute davantage ici. On préfère l’art estampillé et commercial international, surtout dans la bourgeoisie bolivienne. C’est le racisme culturel.

 Nous pourrions également nous étendre sur le racisme socio-culturel : Luzmila Carpio nous racontait, lors de l’entrevue que nous avons eue avec elle lors de la préparation du N° spécial Amérique latine il y a un an, que cette bourgeoisie n’acceptait pas que ses enfants côtoient, sur les bancs de l’université, ces indiens sans doute malodorants, apparus avec le mouvement d’émancipation actuel.

Pour terminer, car il le faut bien, je précise que les valeurs défendues par le pouvoir incarné par Evo Morales Ayma ont élevé le respect de la terre au niveau constitutionnel. Voilà un renversement des valeurs mondiales qui mérite intérêt et respect à l’heure ou les “ indiens ” Inuits vivant en Alaska se trouvent désoeuvrés, les jeunes générations perdant leur savoir traditionnel millénaire à cause de la fonte de la banquise, ceci à cause de notre progrès.

Je pense montrer par ces quelques lignes que le soutien au processus bolivien ainsi conçu se trouve au cœur de notre lutte antiraciste et pour l’amitié entre les peuples.

Philippe Le Clerre est Pdt Commission Amérique du MRAP

Contribution pour le prochain congrès du MRAP