Accueil > Philippe Val : "Se dire antisioniste, c’est se dire antijuif"

Philippe Val : "Se dire antisioniste, c’est se dire antijuif"

Publie le vendredi 24 octobre 2008 par Open-Publishing
12 commentaires

Dans L’Express, Philippe Val répond aux questions de Christophe Barbier. Philippe Val critique Siné, Denis Robert, Serge Halimi, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Luc Mélenchon, la nébuleuse " rouge-brun ", la gauche antisioniste, etc. Dans ses interviews, Philippe Val dit les mêmes phrases que son ami Bernard-Henri Levy. Lequel des deux a copié sur l’autre : Philippe Val ou BHL ?

Christophe Barbier : L’issue de l’affaire des caricatures de Mahomet n’est-elle pas rassurante sur la résistance de l’Etat de droit à l’intolérance ?

Philippe Val : Ce n’est pas si simple. Il a fallu faire campagne pour être jugé en droit, et non selon des stratégies politiques. On nous disait qu’il ne fallait pas exciter les forces sombres travaillant la communauté musulmane, ni porter tort au commerce extérieur de la France. Mais, malgré même les déclarations du président de la République d’alors, la justice a été rendue comme on le souhaitait.

Christophe Barbier : Jacques Chirac a-t-il tout fait pour obtenir la condamnation de Charlie ?

Philippe Val : Oui. Il a un tropisme proarabe. D’ailleurs, il habite toujours dans l’appartement parisien de Hariri, ce qui est un scandale. Il craignait aussi des attentats islamistes.

Christophe Barbier : Argument recevable ? La démocratie doit-elle faire des concessions par prudence, condamner Charlie pour sauver des vies ?

Philippe Val : Le terrorisme triomphe quand il crée chez nous de l’exception, quand nous suspendons les libertés fondamentales, quand la démocratie haïe se renie. Même pour ce qui semble anecdotique, comme la tenue des filles à l’école. Plus la démocratie recule, plus elle est victime du terrorisme. Elle doit donc préserver ses propres intérêts supérieurs, dont la liberté d’expression, au-delà des journaux. Ainsi, il y a la continuation de l’histoire de l’art, qui signe la vitalité d’une civilisation. La créativité est toujours au bord du scandale. Villon, Modigliani... La civilisation progresse par le commentaire scandaleux de ses propres canons classiques. Si cela s’arrête, elle se grippe, les libertés disparaissent. C’était l’enjeu des caricatures.

Notre démocratie n’est-elle pas fatiguée, trop vieille pour ces défis ?

« Si on publie des caricatures de Mahomet, il y aura des bombes dans le métro. Voulez-vous des attentats ? Non ? Alors refusez les caricatures. » Voilà qui est simple à comprendre, qui ne nécessite aucune médiation entre le locuteur et le citoyen. En revanche, il faut de la médiation pour expliquer que, en censurant les caricatures, la démocratie s’affaiblit. Or les médiateurs - politiques, intellectuels, élites, journalistes - ne sont plus entendus et le simplisme l’emporte. Ségolène Royal m’a envoyé un SMS - « Bonne chance pour votre procès » - et n’a pris aucune position publique, en pleine campagne présidentielle. Quelle déception ! Elle s’adresse aux gens avec des propos simples ; dès que c’est compliqué, elle préfère se taire. C’est de cela dont la démocratie est malade.

Nicolas Sarkozy vous a soutenu : par conviction ou par intérêt politique ?

Il tire peut-être un avantage politique de ce soutien, mais, sur un sujet difficile, alors qu’il y a plusieurs millions d’électeurs musulmans en jeu, il n’hésite pas. A mon sens, il n’a pas joué double jeu.

Pourquoi dites-vous que c’est « au coeur de la gauche » que se joue l’affrontement décisif ?

Parce qu’il y a une gauche antieuropéenne, antidémocrate et surtout antiaméricaine qui prône les mauvais choix.

Cette gauche n’a-t-elle pas perdu le combat ?

En apparence, mais c’est peut-être parce qu’on a jeté un paillasson sur les querelles. Si elle ne les tranche pas vraiment, la gauche ne retrouvera pas le pouvoir, car elle s’épuisera toujours davantage à se combattre elle-même qu’à s’opposer à la droite. Un peu d’histoire. A partir de 1880 environ, une gauche apparaît, qui peut prétendre à un gouvernement démocratique, mais affronte une gauche proudhoniste, anarcho-syndicaliste, qui exprime en même temps sa doctrine sociale et son antisémitisme : l’anticapitalisme est aussi la dénonciation du juif, lié à l’argent. Cet affrontement perdure, par-delà l’affaire Dreyfus ou la Seconde Guerre mondiale. Dès la Libération, par son discours sur la France, Charles de Gaulle ferme la porte à tout travail de mémoire ; la rupture de 1968 lance une période d’introspection : Paxton, Le Chagrin et la pitié, le procès Barbie, Shoah, etc. Les médiateurs font alors du bon travail, mais cette phase trop brève s’achève avec le procès Papon, utile mais insuffisant. La question antisémite n’est pas « lavée » à gauche. De plus, on passe d’une génération de journalistes dont le référent historique est Auschwitz et le modèle Albert Londres - on regarde, on raconte - à une génération dont la « scène primitive » est le conflit israélo-palestinien, et les modèles, Denis Robert et Serge Halimi...

Peut-on, sur fond de ce conflit, être antisioniste sans être antisémite ?

C’est impossible. Israël est une démocratie et le sionisme est l’expression, partagée par la droite et la gauche, du patriotisme israélien. « Sioniste », c’est le mot pour dire patriote. Il n’y a qu’aux juifs qu’on refuse le droit au patriotisme. On peut légitimement se dire opposé à la politique du gouvernement israélien, mais se dire antisioniste, c’est se dire antijuif.

République et nation, c’est la même chose, écrivez-vous. Est-ce si sûr ?

En France, oui : la République a accouché de la Nation.

Etes-vous républicain avant tout ?

Je suis avant tout démocrate.

Acceptez-vous qu’on soit républicain avant d’être démocrate ?

C’est un point de vue qui ne me gêne pas, sauf à gauche. Quand la nation se crée en France, elle se veut souveraine parce qu’elle est entourée de régimes hostiles. Lorsque cette souveraineté fondatrice est considérée comme un absolu - la « France éternelle » - alors, elle devient une idée maurrassienne, qui fonde la droite. Etre de gauche, au contraire, c’est approuver la mutation, accepter de se fondre dans un idéal collectif plus grand que la nation, de perdre une dose de souveraineté, d’accroître le partage démocratique. Je me demande donc ce que Jean-Pierre Chevènement ou Jean-Luc Mélenchon font à gauche, alors qu’ils défendent ces thèses de droite. Tout à fait honorables, mais de droite.

Selon vous, une partie de l’anticolonialisme des années 1960 s’est muée en antisionisme. Effet de génération, qui s’éteindra ?

Besancenot ne serait pas si « tendance » si cela s’éteignait. L’anticolonialisme était une lutte tout à fait noble. Mais, dix ans après la Seconde Guerre mondiale, pour une partie de la gauche qui avait raté le rendez-vous avec la Résistance, l’enthousiasme anticolonial tombait à pic. L’Algérie, ce fut une session de rattrapage confortable : plus facile de lutter contre l’Etat français colon que contre les Allemands... Pour certains, il y a une revanche à prendre sur leur propre pays ou, comme chez Vergès ou Genet, une haine de la France. Après 1967 et la guerre des Six Jours, ils trouvent un colon de substitution : Israël. Avec une confusion entre les colonies d’Israël - qui ne serait pas contre ces obstacles à la paix ? - et Israël considéré comme colonie dans son intégralité. Cela permet à cette gauche d’exprimer son antisémitisme sans risquer l’opprobre.

Ceux qui tolèrent l’antisémitisme des pays arabes les « infantilisent » : que voulez-vous dire ?

On accepte chez eux des comportements, des propos qu’on ne supporte pas, qu’on pénalise chez les Occidentaux. C’est un mépris. Il faut dire aux Arabes : faites un travail de mémoire sur les liens de certains mouvements nationalistes et religieux arabes avec le nazisme, sinon vous n’édifierez pas de démocratie et ne profiterez donc jamais des richesses que vous pouvez produire.

Quelle taille a aujourd’hui la « nébuleuse rouge-brun » ?

Elle est disparate. Je ne pense pas qu’aujourd’hui elle puisse faire bloc autour d’un leader, mais elle empoisonne notre démocratie. C’est un toxique qu’on refuse d’attaquer, car on craint qu’elle ait, comme un iceberg, une importance cachée. Les politiques sont timides, prisonniers de l’idéologie de l’AOC, l’appellation d’origine contrôlée : comme s’il y avait aussi, derrière le « rouge-brun », une tradition à préserver ! Cela donne aujourd’hui, en France, une paranoïa antiaméricaine de type chaveziste, ou cette ahurissante mode de Cuba. Cuba est une horrible dictature, mais elle est AOC ; le juif, lui, est nomade, pas AOC. Quand la droite dit qu’il y a des choses éternelles et que la gauche affirme qu’il faut des mutations, la démocratie fonctionne. Que la gauche célèbre à son tour l’immuable, c’est anormal.

Virer Siné pour avoir insinué que Jean Sarkozy se convertirait au judaïsme par ambition sociale, n’est-ce pas oublier la leçon des caricatures ?

Ne pas voir la différence entre les deux affaires montre comme la médiation est difficile aujourd’hui. D’abord, Siné n’a pas dessiné une caricature, mais écrit un texte : c’est une différence importante. Ensuite, les caricatures de Mahomet tentaient de dénoncer l’instrumentalisation de la religion à des fins de crime de masse. Elles ne tombaient pas dans la vulgate raciste, comme, par exemple, établir un lien entre « Arabe » et « voleur ». Siné, lui, relie « juif » et « argent ».

Ne fallait-il pas attendre qu’un tribunal le condamne pour antisémitisme ?

Je ne l’ai pas viré pour antisémitisme et ne l’ai pas qualifié d’antisémite : je lui ai demandé de partir parce qu’il a refusé de lever l’ambiguïté de ses propos et de présenter des excuses.

Que répondez-vous à ceux qui disent que son propos a été sanctionné parce qu’il visait Jean Sarkozy ?

Pour n’importe qui, j’aurais agi de la même façon. En outre, quel directeur d’un journal indépendant virerait un de ses collaborateurs à la demande de Sarkozy ? Aucun, je pense. Etant donné les fâcheux précédents, il est probable que Sarkozy ne demanderait jamais ça. Par ailleurs, il y a le reste de la chronique de Siné : quand il dessine une juive rasée, c’est non pas la représentation d’une Loubavitch, mais d’une déportée qui vient immédiatement à l’esprit. Comment Siné pourrait-il l’ignorer, lui qui a passé cinquante ans à dessiner des juifs et des Arabes ?

L’antisarkozysme est-il un antisémitisme ?

Dans un édito, il y a quelques mois, sur la énième loi sur l’immigration, j’ai écrit qu’elle encourageait la xénophobie, et j’ai pronostiqué que cela se retournerait contre Sarkozy : ceux qui applaudissaient ces lois, déçus plus tard par le président, le traiteraient de petit juif hongrois, et nous serions bien peu nombreux, ce jour-là, pour le défendre contre une opinion raciste. L’affaire Siné et les réactions qu’elle a suscitées sont un avertissement. C’est tombé sur son fils.

Le dessin de Plantu, dans L’Express, a choqué : est-ce à cause du brassard, dont il affuble tous les sbires, mais qui a été vu comme un insigne nazi sur votre bras, tandis que vous chassiez Siné à coups de bottes ?

Plantu utilise trop la symbolique et pas assez l’imagination. C’est le recours à la symbolique par manque d’idées qui l’a fait déraper. De ce point de vue, mais c’est moins grave, même ses colombes de la paix sont insupportables. De plus, son dessin me concernant a un côté « il y a le feu et j’apporte mon bidon d’essence ».

L’affaire Siné a-t-elle dépassé Saint-Germain-des-Prés ?

Le plus gênant, c’est qu’elle soit possible, avec Marianne, Libé, Le Monde, L’Obs, L’Express et Télérama, qui, à un moment ou à un autre, publient des pages contre moi. Cela lève des tabous et les gens se lâchent. Jamais, pendant l’affaire des caricatures, je n’ai été aussi insulté que lors de l’affaire Siné. La première a révélé quelque chose de la société, la seconde a dit quelque chose de nous, les « médiateurs ».

Si c’était à refaire ?

Je referais la même chose.

http://www.lexpress.fr/culture/philippe-val-l-affaire-sine-est-un-avertissement_630869.html

Messages

  • se dire antisioniste, c’est se dire antijuif

    Oui mais il y a antisionisme et antisionisme, cher monsieur Val...
    Celui hostile à l’existence même de l’état d’Israël, et celui qui, en gros, réclame le retour aux frontières de ’67 et l’arrêt du processus colonisateur.

    Faisant indéfectiblement partie des seconds, je me demande si votre veule tartufferie poussera le bouchon jusqu’à me traiter de "rouge-brun"...

    Brunz

    • Et moi je suis "hostile" à toute forme de pouvoir civil ou militaire, ou les deux qui se nommeraient "Etat", car je suis indéfectiblement "Républicain", et donc "hostile à toute forme de pouvoir qui ne serait pas une "République" de tous ses citoyens.

      Ensuite je suis "hostile" à un dit "Etat" qui ne ferait jamais "état", (Justement puisqu’on en parle), de la limite de ses frontières. Sinon pour les "définir" vaguement toujours plus loin de l’endroit ou elles se trouvent au moment ou on en parle.

      Ensuite je suis "hostile" à toute forme de communauté étatique ou les citoyens qui la composent sont plus ou moins "égaux" selon leur confession religieuse, leur origine ethnique, ou leurs opinions politiques.

      Ensuite je suis "hostile" à toute forme de sructure sociale qui base son existance sur la destruction des occupants primitifs d’un site géographique pour y installer ses immigrants. Que ces occupants primitifs soient les Indiens d’Amérique, les Indiens d’Amérique du Sud, les Esquimaux de Sibérie ou les Palestiniens de Palestine.

      Ensuite je suis "hostile" à ceux qui détruisent une région du Monde en entier, en polluant, détruisant l’environnement, l’eau et l’air y compris celui ou ils vivent pour l’instant. Ainsi que l’environnement des pays voisins qui n’y sont pour rien. Et ceci en jouant sur la loi du plus fort, avec un pognon qui n’est pas le leur, (Car celui du Peuple américain), et qui sont un danger pour la survie de la Planète car ils détiennent assez d’armes atomiques pour faire sauter tout le Moyen-Orient. Et qui sont des fauteurs de Guerre en poussant des pays tiers à agresser leurs voisins pour leur compte, et sont es troisièmes exportateurs de systèmes d’armes dans le Monde.

      Et ensuite je m’en bat les c....les que le sieur Vall ou quiconque me traite d’Antisémite, de Rouge-Brun pour ce que je dit ici. Du moins sur le Net.

      Quand à le faire ailleurs, de visu, faudra qu’il les ait en béton le mec. Ceux qui me connaissent comprendront de quoi je veux parler.

      Ca sera plus "délicat" à traiter que d’assassiner des enfants palestiniens à Gaza.

      G.L.

    • Ah... Les Nanas qui pensent la même chose n’ont qu’à la fermer, alors...

      En effet, "le rapport de forces n’est pas en leur faveur" si les questions se règlent à qui a les plus grandes, les plus dures, les plus ... quoi encore ? Les plus rondes, ou les plus ovales ? Les plus fleuries ? les plus armées ? Celles qui ont les plis les plus réguliers ? Celles qui n’ont pas de plis du tout, et sont lisses comme des peaux de fesse ? Celles qui sont remplies comme les bourses d’un banquier ? Celles qui sont déprimées comme les bourses de Tokyo et de Sao Polo ?

      Bon. Elles ne peuvent que comprendre cette colère, et soupirer EN SILENCE.

    • "Quand à le faire ailleurs, de visu, faudra qu’il les ait en béton le mec. Ceux qui me connaissent comprendront de quoi je veux parler".

      Bravo ! Tu émules en cela parfaitement l’Etat d’Israël ! J’suis le plus fort et je te pète la gueule si t’es pas d’accord...

      Tu t’en bats les couilles ? Rebravo ! "Me ne frego !" - "Je m’en fous !" était la devise des fascistes mussoliniens !

      Si tu ne veux pas donner ultérieur crédit aux abrutis comme Val qui délibérément rougebrunisent ceux qui bougent dans le bon sens (moi je ne m’en bats pas les couilles, figures-toi..), remplace ce terme "hostile" qui t’a tant contrarié avec "contraire à", et puis va à la selle nerveuse ailleurs, avec tes gros biscotos et tes manières de David se prenant pour Goliath !

      Brunz

  • Val, tu nous fais vraiment chier avec tes sornettes.

    On est obligé de se les farcir ici aussi franchement ???? on les connaît par coeur ses théories anticommunistes, coco = facho, antisio = facho etc etc....pfffff

  • A lire absolument : "Comment le peuple juif fut inventé" de l’historien Israélien Shlomo Sand. Dans lequel il apparaît que le sionisme est essentiellement une idéologie colonialiste. Et nous sommes trés bien placés en France pour savoir sur quoi reposent tous les colonialismes.

  • Bon Proudhon vers la fin de sa vie à un peu merdé.C’est exacte.

    mais ne prendre qu’une partie de ses écrits et insinué que ce courant de pensée qu’est le socialisme libertaire ce n’est que cela relève du révisionisme
    le plus scandaleux.Au moment ou un minimum de repère idéologique ce fait ressentir ce genre de raccourci et d’amalgame est des plus dangereux.

    Cest à chacun et à chacune par ses lectures de se faire une idée plus précise de ce qu’on apporté les penseurs du mouvement anarchiste.

    t.y

  • Laissons le tartuffe Val à ses délires néo-cons.

    IL tente, comme tout sioniste extrème, à tout pris d’établir les équations antisioniste = antisémite et juif antisioniste = haine de soi.

    Son discours est semblable à celui du CRIF, et à tous ceux qui soutiennent Israël : c’est un discours sioniste, c’est à dire une idéologie raciste, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom

    Quand à la distinction à propos de l’antisémitisme, et son instrumentalisation par les Sionistes, il est préférable de s’en remettre à Pierre Stambul, de l’Union Juive Française pour la Paix

    Le Sionisme et l’antisémitisme

    Titre :

    Le Sionisme : une perversion des identités juives et une tentative de clore l’histoire des Juifs.

    L’antisémitisme : entre réalité et instrumentalisation, savoir garder le cap