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Convergence "Liban"
Une explication claire vaut mieux tardive plutôt que jamais ;-) Quitter le
feu mais attendre le prochain : à la fin de ce post vous trouverez le lien de l’article original en version anglaise, remarquable, de Uri Avnery dans Gush Shalom, opus du 19
août, traduit en français et publié le 20 dans France-Palestine, "La 155ème victime" que je copie intégralement dessous, pour référence de ma propre lecture.
La question est l’objectif politique comme politique incommunicable de la guerre, parce que
c’est une cause inavouable devant les grants du droit international : "les colonies du Golan" [ndlr : démembrement définitif du territoire palestinien hérité des accords d’Oslo], dit Avnery. De cette façon, il n’y a pas de solution politique pour arrêter la guerre, sinon la solution abusive. Et quoi d’autre ?
Ce n’est pas une guerre traditionnelle au sens de la théorie dialectique de
Clausewitz (la guerre continuant la politique déclarée par d’autres moyens,
qui finit par une victoire et/ou une défaite - des parties politiques en
présence), parce que la déclaration de sécurité ou d’auto-défense désinforme
l’objet de "la guerre du Liban". Sous cet angle, les données du problème
sont falsifiées par l’appel des données, et tous les discours auxquels il
donne place sont pervers ou inadaptés.
Observer la continuation du feu de la part de l’armée israélienne, au nom de
l’auto-défense préventive d’Israël de tuer les "membres" restant du
Hezbollah libanais ("iranien"- "syrien" etc... dont le Hamas palestinien élu, en bonne voie de disparition qu’on évite de décliner, tant Israël lui inflige de persécutions, d’emprisonnements et de meurtres, en toute impunité), en dépit du cessez-le-feu, rend impossible d’attendre en retour le désarmement du Hezbollah...
Il apparaît que la question du Liban puisse devenir la guerre de la masse
double décrite par Elias Canetti dans "Masse et puissance" : le statut de la
masse double, objectivement intégrée dans le processus de la guerre, est pour
chaque camp de produire le plus grand nombre possible de morts de l’autre
camp, ce qui peut croître éventuellement jusqu’à tuer le dernier survivant [un camp visant à la disparition de l’autre] - sachant qu’il en restera toujours au moins un, celui du camp victorieux.
Tant que le hezbollah n’a pas désarmé, Israël et ses alliés peuvent appeler
à tuer jusqu’au dernier membre armé du hezbollah (ce qui signifie à
l’extrême, que chaque individu du peuple chiite étant potentiellement un
membre du hezbollah aux armes cachées, devra être tué jusqu’au dernier -
extermination massive par les armes), quand d’autre part les chars entrent dans Gaza, étant espéré de la FINUL qu’elle désarme le hezbollah, grâce au gouvernement
libanais... Pour le moins, les soldats de la force internationale viennent
d’être autorisés par les Nations Unies à tuer les membres armés du hezbollah
qui croiseraient leur route. Mais en contrepartie, le hezbollah et sa
guerilla alliée savent que désarmés ils demeureraient susceptibles d’être
tués, jusqu’au dernier capable de revendiquer ses droits en termes de
territoire et d’institution autonomes. La seule réponse à cette menace
d’extermination est la disparition d’israël.
Historiquement, qui a commencé ? La masse double à l’origine, peut-être.
Pour toutes ces raisons, je pense que Uri Avnery est un homme informé sur la
vie, celui qui n’aime pas la mort, qui demande une déclaration politique de
la guerre - sur son véritable objectif politique. Et comme il n’aime pas
davantage la guerre, il demande ( sans trop y croire ?) : la libération des
colonies.
Suivant le commencement de son article, nous pouvons nous poser la question
extensive : croyons-nous que pour les colonies du Golan nous devions
connaître une guerre mondiale, entre l’impérialisme occidental et l’Islam
oriental que l’impérialisme occidental dérange ?
Telle est la question que nous devrions certainement nous poser avant qu’il
ne soit trop tard ? Et selon la réponse que nous pouvons apporter, agir
durement aussi vite que possible pour prévenir la poursuite de la guerre -
surement pas en entrant dans la guerre à notre tour.
A.
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Fr
http://www.france-palestine.org/article4453.html
(lien source below)
La 155e victime
publié le dimanche 20 août 2006
Uri Avnery
Il faut le crier haut et fort : chacun des 154 morts israéliens dans la
seconde guerre du Liban (jusqu’au cessez-le-feu) est mort pour les colons
des hauteurs du Golan.
EN QUELQUES MOTS, un officier de l’armée libanaise a détruit avant-hier
l’illusion qu’Israël avait obtenu quoi que ce soit dans cette guerre.
Au cours d’un défilé télévisé de l’armée libanaise, également diffusé sur la
télévision israélienne, l’officier a lu un texte à ses troupes prêtes à être
déployées le long de la frontière libano-israélienne.
Voici ce qu’il a dit en arabe : « Aujourd’hui, par la volonté de l’ensemble
du peuple, vous allez vous déployer sur le sol du Sud blessé, à côté des
forces de votre résistance et de votre peuple, qui ont étonné le monde par
leur détermination et qui ont mis en pièces la réputation de l’armée que
l’on disait invincible. »
En d’autres termes : « la volonté de l’ensemble du peuple » : la volonté de
toutes les parties du peuple libanais, y compris la communauté chiite. « A
côté des forces de la résistance » : à côté du Hezbollah. « Qui ont étonné
le monde par leur détermination » : l’héroïsme des combattants du Hezbollah.
« Mis en pièces la réputation de l’armée que l’on disait invincible » :
l’armée israélienne.
Ainsi a parlé un commandant de l’armée libanaise dont le déploiement le long
de la frontière est célébré par le gouvernement Olmert-Peretz comme une
énorme victoire, parce que cette armée est supposée affronter le Hezbollah
et le désarmer. Des commentateurs israéliens ont créé l’illusion que cette
armée serait à la disposition des amis des Etats-Unis et d’Israël à
Beyrouth, comme Fouad Siniora, Saad Hariri et Walid Jumblatt.
Ce n’est pas un hasard si cette information a été noyée dans le déluge des
bavardages télévisés, comme une pierre jetée dans un puits. Après la
diffusion de cette information, aucun débat n’a eu lieu. Elle a été effacée
de l’esprit des gens.
Mais le ballon de l’armée libanaise ressuscitée n’est pas le seul à avoir
été dégonflé. La même chose s’est produite avec le second ballon,
multicolore, qui devait apparaître comme un succès israélien : le
déploiement de la force internationale qui protégerait Israël du Hezbollah
et empêcherait son réarmement. A mesure que les jours passent, il devient de
plus en plus clair que cette force sera au mieux un méli-mélo de petites
unités nationales, sans mandat clair ni capacités réelles. Le raid de
commando organisé aujourd’hui par notre armée en violation flagrante du
cessez-le-feu n’attirera certainement pas davantage de volontaires
internationaux pour faire ce boulot.
Alors, que reste-t-il de tous les « succès » de cette guerre ? Bonne
question.
APRÈS CHAQUE guerre perdue, la demande d’une enquête officielle émerge en
Israël. Aujourd’hui il y a un « traumatisme », beaucoup d’amertume, un
sentiment de défaite et d’occasions manquées. D’où la demande d’une
commission d’enquête musclée qui coupera la tête des responsables.
C’est ce qui s’est passé après la première guerre du Liban, qui avait
atteint son paroxysme avec le massacre de Sabra et Chatila. Le gouvernement
avait refusé toute enquête sérieuse. Les foules qui s’étaient rassemblées
dans ce qu’on appelle maintenant la « Place Rabin » (les mythiques 400.000)
avaient exigé une enquête judiciaire. L’état d’esprit des gens était arrivé
à l’ébullition et, à la fin, le Premier Ministre, Menahem Begin, avait dû
s’exécuter.
La commission Kahane, qui a enquêté sur l’événement, a condamné un certain
nombre d’hommes politiques et d’officiers pour responsabilité « indirecte »
dans le massacre, bien que ses propres conclusions sur les faits auraient
justifié une condamnation beaucoup plus sévère. Mais au moins Ariel Sharon a
dû quitter le ministère de la Défense.
Avant cela, après le traumatisme de la guerre du Kippour, le gouvernement
avait également refusé de nommer une commission d’enquête, mais la pression
populaire lui avait forcé la main. Le sort du comité Agranat, qui comprenait
un ancien chef d’état-major et deux officiers supérieurs, a été plutôt
étrange : ce comité a mené une enquête sérieuse, fait porter toute la
responsabilité sur les militaires, fait limoger le chef d’état-major, « Dado
» Elazar et exonéré la direction politique de toute faute. Cela a provoqué
une tempête spontanée de protestations. Par la suite, Golda Meir et Moshe
Dayan - prédécesseurs d’Olmert et Peretz comme Premier ministre et ministre
de la Défense - ont été obligés de démissionner.
Cette fois-ci également, la direction politique et militaire essaie de
bloquer toute enquête sérieuse. Amir Peretz a même nommé un comité de
blanchiment, composé de ses copains. Mais la pression populaire est en train
de grandir et il y a de fortes chances qu’à la fin il n’y aura pas d’autre
solution que de nommer une commission d’enquête judiciaire.
En général, on peut prévoir, selon celui qui nomme une commission d’enquête
et définit sa mission, quelles seront les conclusions de celle-ci. D’après
la loi israélienne, c’est le gouvernement qui décide de nommer ce type de
commission et en détermine les termes de référence. (Comme membre de la
Knesset, j’ai voté contre ces dispositions.) Mais la composition de la
commission est fixée par le président de la Cour suprême. Si une commission
est mise en place, je suppose que le président actuel de la Cour, Aharon
Barak, éminent juge très respecté, se nommera lui-même pour faire ce
travail.
SI VRAIMENT une telle commission est établie, sur quoi va-t-elle enquêter ?
Les hommes politiques et les généraux essaieront de cantonner l’enquête aux
aspects techniques de la conduite de la guerre :
– Pourquoi l’armée n’était-elle pas préparée à une guerre de guérilla ?
– Pourquoi les forces terrestres n’ont-elles pas été envoyées sur le
terrain dans les deux premières semaines ?
– Le commandement militaire croyait-il vraiment que la guerre pouvait être
gagnée par les seules forces aériennes ?
– Quelle a été la qualité des services de renseignement ?
– Pourquoi rien n’a-t-il été fait pour protéger l’arrière, alors que la
menace des roquettes était connue ?
– Pourquoi les pauvres dans le nord ont-ils été abandonnés à leur sort
après que les nantis eurent quitté la zone ?
– Pourquoi les unités de réserve n’étaient-elles pas prêtes à la guerre ?
– Pourquoi les arsenaux d’urgence étaient-ils vides ?
– Pourquoi le système d’approvisionnement n’a-t-il pas fonctionné ?
– Pourquoi le chef d’état-major a-t-il destitué le chef du commandement
nord en pleine guerre ?
– Pourquoi a-t-on décidé au dernier moment de lancer une campagne qui a
coûté la vie à 33 soldats israéliens ?
Le gouvernement essaiera probablement d’élargir l’enquête et de faire porter
une partie de la responsabilité à ses prédécesseurs :
– Pourquoi les gouvernements d’Ehoud Barak et d’Ariel Sharon se sont-ils
contentés de regarder passivement le développement du Hezbollah ?
– Pourquoi rien n’a-t-il été fait alors que le Hezbollah constituait un
énorme stock de roquettes ?
Toutes ces questions sont sérieuses et il est certainement nécessaire de les
élucider. Mais il est plus important d’enquêter sur les racines de la guerre
:
– Qu’est-ce qui a fait que le trio Olmert-Peretz-Halutz a décidé de
déclencher une guerre quelques heures seulement après la capture de deux
soldats ?
– Ne nous étions-nous pas mis d’accord avec les Américains pour lancer une
guerre dès qu’un prétexte crédible se présenterait ?
– Les Américains ont-ils poussé Israël à la guerre et, ensuite lui ont-il
demandé de continuer et d’aller le plus loin possible ?
– Est-ce Condoleezza Rice qui a en fait décidé à quel moment commencer et
à quel moment s’arrêter ?
– Les Etats-Unis voulaient-ils nous embringuer dans une histoire avec la
Syrie ?
– Les Etats-Unis se sont-ils servis de nous pour leur campagne contre
l’Iran ?
Cela non plus n’est pas suffisant. Il y a des questions plus profondes et
plus importantes.
CETTE GUERRE n’a pas de nom. Même après 33 jours de combat et six jours de
cessez-le-feu, aucun nom évident n’a été trouvé. Les médias utilisent un nom
chronologique : la seconde guerre du Liban.
En l’appelant ainsi, on sépare la guerre au Liban de la guerre dans la bande
de Gaza, qui a eu lieu en même temps et qui continue sans relâche après le
cessez-le-feu dans le nord. Ces deux guerres ont-elles un dénominateur
commun ? Sont-elles, peut-être, une seule et même guerre ?
La réponse est : oui, absolument. Et le nom approprié est : la guerre pour
les colonies.
La guerre contre les Palestiniens est menée pour garder les « blocs de
colonies » et annexer de grandes parties de la Cisjordanie. La guerre dans
le nord a été menée en fait pour garder les colonies sur les hauteurs du
Golan.
Le Hezbollah s’est développé avec le soutien de la Syrie qui contrôlait le
Liban à l’époque. Hafez al-Assad voyait la restitution du Golan à la Syrie
comme le but de sa vie - après tout c’est lui qui l’avait perdu au cours de
la guerre de juin 1967, et qui n’a pas réussi à la reprendre dans la guerre
d’octobre 1973. Il n’a pas voulu risquer une autre guerre sur la frontière
israélo-syrienne qui est si proche de Damas. Par conséquent il a aidé le
Hezbollah pour convaincre Israël qu’il n’aurait pas de tranquillité tant
qu’il refuserait de rendre le Golan. Assad junior poursuit l’héritage
paternel.
Sans la coopération de la Syrie, l’Iran n’a pas de voie directe pour fournir
des armes au Hezbollah.
Nous détenons la solution : nous devons enlever les colons du nord, quel que
soit le coût en vins et en eau minérale, et rendre le Golan à ses vrais
propriétaires. Ehoud Barak l’a presque fait mais, comme à son habitude, il a
perdu son sang-froid au dernier moment.
Il faut le crier haut et fort : chacun des 154 morts israéliens dans la
seconde guerre du Liban (jusqu’au cessez-le-feu) est mort pour les colons
des hauteurs du Golan.
LA 155e VICTIME israélienne de cette guerre est le « plan de convergence » -
le plan pour un retrait unilatéral de certaines parties de la Cisjordanie.
Ehoud Olmert a été élu il y a quatre mois (difficile à croire ! Seulement
quatre mois !) sur le programme de la Convergence, comme Amir Peretz a été
élu sur le programme de réduction des dépenses militaires et de réformes
sociales à long terme.
Au cours de la guerre, Olmert a encore annoncé qu’il appliquerait la «
Convergence ». Mais avant-hier, il a admis que nous pourrions y renoncer.
La Convergence consistait à déplacer 60.000 colons de là où ils se trouvent,
mais de laisser les presque 400.000 colons de Cisjordanie (y compris de la
région de Jérusalem). Maintenant ce plan a lui aussi été enterré.
Que reste-t-il ? Pas de paix, pas de négociations, aucune solution pour le
conflit historique. Seulement une totale impasse pour des années, au moins
jusqu’à ce que nous nous débarrassions du duo Olmert & Peretz.
Dans tout Israël, on parle déjà du « prochain round », la guerre qui va
enfin éliminer le Hezbollah et le punir d’avoir terni notre honneur. C’est
devenu, du moins semble-t-il, un sujet qui va de soi. Même Haaretz le traite
ainsi dans ses éditoriaux.
Dans le Sud, on ne parle pas du « prochain round », parce que le round
actuel est interminable.
Pour avoir quelque valeur que ce soit, l’enquête doit mettre en évidence les
vraies racines de la guerre et présenter à l’opinion le choix historique qui
est devenu clair dans cette guerre aussi : soit les colonies et une guerre
sans fin, soit la restitution des territoires occupés et la paix.
Autrement, l’enquête ne fera que renforcer les conceptions de la droite, à
savoir : nous devons seulement pointer les erreurs qui ont été faites et les
corriger, puis nous pouvons lancer la prochaine guerre et gagner.
Article publié en hébreu et en anglais le 19 août sur le site de Gush Shalom
– Traduit de l’anglais « The 155th Victim » : RM/SW
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Source En/US
http://www.avnery-news.co.il/english/index.html Uri Avnery
The 155th Victim
Uri Avnery
19-08-2006