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Pour la paix

Publie le lundi 31 juillet 2006 par Open-Publishing
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A Cana les enfants sont morts, il n’y aura plus de mariage...

Pendant que des navires arborant fièrement la bannière étoilée, semblables à
ceux qui ont porté la liberté au cœur de l’Europe, font leur valse de charité
avec des couettes et des sacs de riz sur les plages de la banlieue nord de
Beyrouth - ces mêmes plages noires de carburants comme toutes les autres plages
du Liban depuis le début des bombardements - de gros transporteurs avec la même
bannière étoilée, dans une valse macabre, acheminent, non loin de là, sur les
bases militaires de « la seule démocratie de la région » - ce formidable
exemple de socialisme humaniste - , des bombes encore plus intelligentes et
encore plus hargneuses.

Des armes intelligentes, une tonne d’explosifs et une marge d’erreur qui ne
dépasse pas les quelques centimètres. Le résultat est probant, plus de 700
morts et de 2000 blessés parmi les civils. Tyr méconnaissable, Nabatiyé
dévastée, la banlieue sud de Beyrouth rayée de la carte, 50 villages
frontaliers transformés en décombres, et Bint Jbeil, avec son ridicule tribunal
d’instance, ses pauvres gens, sa misère, elle, fière de résister, se fait punir
sans baisser la tête...

Aveuglés par une paranoïa inexorable, les enfants de la shoah, éternels témoins
de l’indicible, parmi eux, il y en a qui sont aujourd’hui aux manettes... comment
ont-ils pu accepter ce rôle ?

Chez eux, des gens frappés d’amnésie, jouent aux bourreaux, inscrivant sur des
bombes aussi cons que l’axe du mal qu’ils croient combattre, des messages de
haine écrits par des enfants...

Comment en arrive-t-on là ?

Chez eux comme chez nous, la mort frappe, le deuil s’installe, mais personne de
ceux qui ont leur mot à dire, n’a envie de réagir.

La distance est insoutenable, comment dire ma colère et ma révolte, ma
solidarité avec les miens et mon impuissance aussi... je n’ai que les mots, comme
beaucoup, hélas...

Dix-neuf jours de haine déjà, des soldats, jeunes et naïfs, armés jusqu’aux
dents, viennent semer la terreur et se faire tuer chez nous. En sont-ils
conscients ? Savaient-ils que, dans leurs grosses machines de guerre, truffées
de technologie, ils ont, aujourd’hui encore, inscrit des pages glorieuses dans
l’histoire de leur puissante armée, réussissant à détruire des maisons et des
abris sur la tête de leurs habitants : Cana encore Cana !

En 1996, Cana, village biblique, s’était illustré, non pas par son vin et ses
mariages, mais, tristement, par la haine des hommes... J’essaie de comprendre
cette peur qu’éprouvent ces jeunes en armes pour pouvoir perpétrer autant de
carnages...

Cent dix personnes réfugiées dans une position des Nations Unies ont été
bombardées ce jour là du mois d’avril 1996, jusqu’à l’extermination, sous les
tentes bleu ciel de l’ONU. Les gens du sud n’ont toujours pas séché leurs
larmes de douleur...

Aujourd’hui, à 1h du matin, heure de Beyrouth, 63 personnes réfugiées dans un
abri de fortune ont été bombardées, les cadavres d’enfants crèvent l’écran...

Un crime de guerre, encore un, une nouvelle honte pour l’humanité. Comment
est-ce possible en 2006, après le Rwanda, Srebrenica, les plaies ouvertes en
Palestine comme en Irak...

A l’instant, un de leurs anciens premiers ministres, nous explique comment, en
1944, les britanniques pensant bombarder le siège de la gestapo à Copenhague,
ont, par erreur, massacré des civils. Ceci est tout à fait normal en temps de
guerre nous lance-t-il, il ne comprend pas pourquoi les gens s’émeuvent autant...

Pendant que j’écris, je pense à ceux qui ont leur familles dans ces villages, « 
intelligemment » coupés du monde, où, selon la Croix Rouge, des corps, gisant
sous des décombres depuis plusieurs jours, sont en train d’être mangés par des
chiens, des vrais. Et la trêve humanitaire continue à être refusée... Qu’est ce
qu’ils éprouvent ces gens ?

Les décideurs ont estimé qu’un cessez-le-feu était inutile. Cyniquement, nous
a-t-on signifié, il fallait laisser le temps à l’armée « de défense » de la « 
seule démocratie de la région » pour finir sa tâche. Elle le fait à merveille
en tout cas...

Parmi les 800 000 déplacés, bombardés sur les routes, bombardés dans les
ambulances, brûlés pour avoir tardé à quitter leurs maisons, combien vont
croire à une justice et combien prendront les armes demain ?

Pour ceux qui ne savent pas qu’en 2006, de l’autre côté de la méditerranée, des
enfants meurent, par punition, pour avoir saigné pendant des jours sans
possibilité de secours, pour ceux qui cherchaient à savoir comment peut-on
devenir terroriste, un mode d’emploi vient d’être publié, par les décideurs
cette fois-ci...

L’humanité a été encore souillée à Cana.

A Cana il n’y a plus d’eau, il n’y a pas de vin non plus. A Cana, c’est du sang
qui coule dans les rues.

En 2006, on laisse impunément assassiner, alors au moins, nous nous devons de
raconter.

Jad Nader