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Projet de loi "lutte contre la délinquance"

Publie le mercredi 27 septembre 2006 par Open-Publishing
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cf syndicat psychiatres hopitaliers

Projet de loi "lutte contre la délinquance"

"Perseverare diabolicum..."

Ce n’est pas faute d’explications, ni, pour une fois, d’une réelle unanimité des acteurs du soin psychiatrique, médecins, personnels soignants, directeurs et administrateurs, comme des patients et des familles, rien n’y fait, le gouvernement est sourd à toute protestation.

Non seulement les Sénateurs viennent de voter, en première lecture, le " projet de loi de prévention de la délinquance ", dont les articles 18 à 24, mais, de surcroît, le Ministère de la Santé voulait inviter ses " partenaires naturels " à élaborer, comme si de rien n’était, des propositions de modification de la loi du 27 juin 1990 sur le fondement de ce texte de loi !

Mépris, ou pire, ignorance ? Ce mode de gouvernance laisse néanmoins interdit devant la gravité de la situation ainsi créée pour les libertés dans notre pays : ceux qui n’avaient de mots assez durs pour stigmatiser, naguère, l’utilisation pernicieuse de la psychiatrie au service de régimes totalitaires, sont, au nom de la protection des citoyens, en train de mettre en place un assujettissement de cette discipline médicale aux principes régaliens d’ordre public. Faut-il rappeler que le placement d’un malade sous la contrainte dans un hôpital psychiatrique, ou sous surveillance médicale constante, représente, par nature, une atteinte grave à sa liberté ? Ainsi en ont toujours considéré les institutions européennes, pour lesquelles les soins psychiatriques sans consentement constituent une privation de liberté analogue à la détention, et relèvent dès lors d’attention et de vigilance particulières, des voies de recours au contrôle judiciaire...

Mépris, ignorance, ou pire ? Les instances nationales consultatives en matière de libertés publiques, la CNIL et la Commission Consultative des Droits de l’Homme ne sont pas entendues, et leurs réserves sont encore moins retenues, même lorsqu’elles expriment leurs inquiétudes sur la question du fichage des patients, et de l’absence de garantie quant à l’utilisation qui sera faite de cette base de données nationale... Quelle voix légitime peut-elle encore s’élever contre les dispositions liberticides de ce projet de loi ?

Le danger est-il si réel et flagrant ? L’exploitation et la manipulation de faits divers tragiques, mais rares, suffit-elle à bouleverser l’équilibre obtenu, après un demi-siècle de psychiatrie ouverte, entre libertés individuelles et soins sans consentement ?

Certes, la loi de 1990 a montré ses limites et tous réclamaient, plus que sa révision ou son toilettage, une véritable refonte, qui prenne en considération les évolutions de la société ; il n’était plus convenable que le traitement des libertés individuelles dans le cadre psychiatrique, échappe à l’appréciation directe et immédiate de la justice, seule garante des libertés dans un pays démocratique...

Certes, il fallait bien qu’un jour la psychiatrie assume de rester, dans notre société, la seule institution " contenante " qui tienne un tant soit peu, avec la prison ; il aurait sûrement été plus pertinent de poursuivre les questionnements, même s’ils sont difficiles, sur la place relative de ces institutions, sur leur éventuelle complémentarité.
On a choisi plutôt de brutalement vouloir utiliser l’hôpital psychiatrique comme lieu de rétention, non plus seulement de malades, comme il sait le faire depuis la loi du 30 juin 1838, mais aussi de " fauteurs de troubles " ou de " déviants sociaux ", comme savaient le faire l’hospice ou l’hôpital général d’avant les " Lumières ".

Une fois de plus, le progrès avance à reculons, et la mise à mal des libertés publiques, comme du " contrat social " applicable à chacun, s’illustre par l’atteinte aux droits des malades psychiatriques, à leur inscription dans un registre inacceptable de diabolisation et d’exclusion.

Dr Yves Hémery
26.09.2006

Messages

  • Syndicat des psychiatres des Hôpitaux
    Union syndicale de la psychiatrie
    Syndicat des psychiatres d’exercice public
    Syndicat des psychiatres de secteur
    Communiqué commun du 11 septembre 2006

    Projet de loi sur la prévention de la délinquance :
    Vers une psychiatrie sécuritaire !

    Les organisations syndicales des psychiatres publics s’élèvent vivement contre les mesures concernant la psychiatrie contenues dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance qui doit être discuté en première lecture au Sénat les 13 et 14 septembre 2006.

    Alors que la loi du 27 juin 1990 prévoyait sa propre évaluation au terme de 5 ans, et qu’après de nombreuses propositions les professionnels réclament sans relâche une révision globale pour une loi sanitaire et de justice, ce projet du ministère de l’intérieur, réalisé sans concertation et dans une optique purement d’ordre public et sécuritaire, en confisque brutalement les fondements.

    L’amalgame réalisé de fait entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance, jette ainsi une aura redoutable sur les patients et la discipline en ruinant tous les efforts de dé-stigmatisation entrepris depuis des années. Mais surtout, ce texte instrumentalise la psychiatrie en lui assignant avant tout un rôle de contrôle des libertés et de régulation des conflits sociaux que l’on croyait d’un autre âge, en rupture brutale avec le dernier demi-siècle d’une pratique sanitaire d’ouverture, fondée sur la clinique, le partenariat et la confiance.

    Ainsi les articles 18 et 19 imposent la constitution d’un fichier national nominatif de patients aux comportements réputés dangereux, largement ouvert à la consultation, mettant ainsi les professionnels en porte à faux avec tous leurs engagements déontologiques et aggravant la stigmatisation des soins psychiatriques par la confusion entre troubles psychiques et violence.

    Par l’article 20, qui cherche à opérer une distinction radicale entre les deux modes d’hospitalisation sous contrainte, l’exercice de la psychiatrie se trouve déterminé, non plus par l’absence de consentement aux soins, mais par l’absence de trouble potentiel, ou actuel, à l’ordre public. Le soin au malade ne relève plus de règles issues d’un savoir clinique, ou d’un cadre déontologique, mais d’un impératif préalable sécuritaire.

    L’extension des prérogatives des Maires dans la logique de police générale prévue par l’article 21 accroit démesurément leur pouvoir de déclenchement des hospitalisations d’office, autrefois conféré temporairement par la seule urgence et demain systématique et sans plus de contrôle. Ils devront exercer au moment de la sortie un rôle qui n’est pas le leur de surveillance concernant les habitants de la commune et de dépositaires d’informations médicales.

    Les alinéas qui suivent, particulièrement flous, rendent possible pour une période étendue à 3 jours le maintien dans une structure médicale « adaptée » sur seul avis médical, ou même sans avis médical et en tout cas sans que les possibilités de recours ne soient définies… C’est assimiler un lieu de soins à un site de « garde à vue psychiatrique », avec tous les problèmes posés par les modalités d’exercice d’une contrainte par corps, dans un lieu inadapté à cette fonction et dont les raisons médicales ne seraient pas avérées.

    Associées à l’extension des pratiques de partage d’information et de médecin relais, et à de nouvelles dérogations au secret professionnel, ces mesures vont dangereusement dans le sens d’une dilution du secret médical et conduiront les psychiatres à exercer leurs soins dans un contexte délétère pour la qualité et l’éthique de leur pratique ainsi que pour son efficacité même. Les soignants devront à nouveau affronter une méfiance devenue alors légitime de la part des patients et de leurs proches qui pensaient en avoir fini avec la psychiatrie liberticide.

    L’ensemble des organisations syndicales des psychiatres publics refuse cette déviation des fondements de leur pratique et demande donc le retrait des articles 18 à 24 du chapitre 5 du Projet de Loi sur la Prévention de la Délinquance avant l’ouverture rapide de discussions sur un projet sanitaire global de réforme de la loi du 27 juin 1990.

    • TITRE : Psychiatrie : organisations de professionnels et d’usagers quittent la réunion sur la réforme de la loi de 1990

      PARIS, 25 septembre 2006 (APM) - Toutes les organisations professionnelles de la psychiatrie (directeurs, médecins, personnels non médicaux) et les associations d’usagers et de familles de patients ont quitté lundi la réunion sur le projet de réforme de la loi du 27 juin 1990 traitant des hospitalisations sous contrainte, a-t-on appris auprès plusieurs participants.

      Les syndicats de psychiatres hospitaliers, la conférence des présidents de commission médicale d’établissement de centres hospitaliers spécialisés (CME-CHS), les syndicats de personnels non médicaux, l’association des directeurs d’établissements gérant des secteurs de santé mentale (Adesm), les fédérations hospitalières, la fédération nationale des patients et ex-patients de psychiatrie (Fnap-Psy) et l’association nationale des familles de patients Unafam ont quitté la réunion vers 15h30, après une heure d’échange environ.

      Ils ont protesté contre le fait que la partie de la loi de 1990 portant sur les hospitalisations d’office (HO) était déjà réformée par le projet de loi sur la prévention de la délinquance, adopté en première lecture jeudi par le Sénat.

      La loi du 27 juin 1990 porte sur les droits et la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et leurs conditions d’hospitalisation et définit notamment l’hospitalisation d’office (HO) et l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT), rappelle-t-on.

      Ces mêmes organisations ont demandé à plusieurs reprises le retrait des articles concernant les hospitalisations sous contrainte en psychiatrie du projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur, rappelle-t-on.

      La réunion avait lieu au ministère de la santé à partir de 14h30, à l’invitation du cabinet du ministre de la santé, en présence des administrations du ministère ainsi que de représentants du ministère de la justice.

      Deux conseillers techniques du ministre de la santé, Francis Brunelle et Benoît Lesaffre, ont présenté un projet de révision de la loi, article par article, mais sans aucune proposition sur les articles traitant des HO.

      Ils ont indiqué que la réforme de la loi ne pourrait pas être discutée dans la législature actuelle, qui se termine au printemps 2007, et pourrait donc venir au mieux devant le Parlement en octobre 2007.

      "Nous avons quitté la réunion tous ensemble car elle n’avait pas lieu d’être, il y a eu unanimité là-dessus. Nous demandons le retrait des articles 18 à 24 du projet de loi sur la prévention de la délinquance et il n’est donc pas question que soient traitées d’un côté les HO et de l’autre les HDT, c’est un clivage intolérable", a déclaré à l’APM Pierre Faraggi, président du Syndicat des psychiatres hospitaliers (SPH).

      "Tout le monde est désireux de travailler sur cette réforme, nous la réclamons depuis plus de dix ans. Mais le ministère nous a proposé de travailler sur un projet de révision de la loi sans rien sur les HO car elles sont déjà réformées dans le texte du ministère de l’intérieur. Nous avons donc décidé qu’on ne pouvait pas continuer dans ces conditions", a déclaré à l’APM Claude Finkelstein, présidente de la Fnap-psy.

      "Nous allons en appeler au président de la République pour qu’il nous reçoive et pour avoir son aide et son arbitrage sur ce sujet", a-t-elle poursuivi.

      Claude Finkelstein souligne que les organisations ont apprécié la présence d’un représentant du ministère de la justice mais se sont étonnées de l’absence du ministère de l’intérieur à la réunion, en ajoutant que la place Beauvau n’avait pas jugé bon de mener une concertation avec les associations des acteurs de la psychiatrie sur son projet de loi.

      Pour le représentant de la Fédération hospitalière de France (FHF), il était "impossible d’engager les discussions sur la révision de la loi de 1990" dans ces conditions.

      "L’abord du sujet dans deux textes séparés, l’un traitant du soin sous l’angle de la sécurité, l’autre des soins, laisse pense que l’on peut dissocier les deux, mais cela montre une méconnaissance des réalités des soins en psychiatrie. Tout patient peut avoir, notamment au début de la manifestation des troubles, une demande de soins portée par un tiers", indique David Causse, délégué général adjoint de la FHF.

      Il souligne également qu’il est difficile de discuter dans le détail du cadre de soins alors qu’une partie est susceptible d’être totalement transformée dans la discussion du projet de loi en navette au Parlement.

      La FHF s’inquiète également du retentissement sur les patients du débat public actuel sur les HO, abordé sous l’angle de la prévention de la délinquance.

      "La réunion a bien montré que les organisations et les associations ne sont pas en accord avec la réforme proposée pour les HO, contrairement à ce que Xavier Bertrand a pu affirmer lors des débats au Sénat", souligne un participant à la réunion.