Accueil > Référendum constitutionnel : cette bizarre campagne

Référendum constitutionnel : cette bizarre campagne

Publie le lundi 2 mai 2005 par Open-Publishing
7 commentaires

de Serge Rivron

Cette campagne est bizarre, parce que dans un premier temps tout le monde s’accordait sur le fait que le texte soumis à notre suffrage était un mauvais texte, au moins dans sa forme, et souvent sur telle ou telle partie de son fond. La différence entre les tenants du oui et ceux du non était alors que les premiers répétaient à l’envi que si le texte était certes très imparfait, on s’emploierait dès que voté à le faire évoluer pour qu’il soit mieux, alors que les seconds affirmaient texte à l’appui que ce ne serait pas possible.

Cette campagne est bizarre, parce que les tenants du oui ne cessent à présent de dire que ce texte est excellent, qu’il est le résultat d’un tas d’heure de discussions très ouvertes et que le refuser est inenvisageable parce qu’on ne pourra jamais le rediscuter.

Cette campagne est bizarre parce que ce mauvais texte, qui devrait être au centre du débat puisque c’est sur lui qu’il va falloir se prononcer, sert à tout sauf à enrichir le débat : ceux qui le rejettent s’échinent à démolir les propositions qu’il avance sans être d’accord sur celles qu’il faudrait lui opposer, et ceux qui le soutiennent n’ont d’autres justifications que de s’évertuer à lui faire dire autre chose voire l’inverse que ce qu’il dit.

Cette campagne est bizarre : le texte à ratifier fait plus de 500 pages, et ceux qui l’ont écrit n’arrêtent pas de nous expliquer que seules les 60 premières sont à considérer. Alors pourquoi en ont-ils écrit 460 de plus ?

Cette campagne est bizarre. On voudrait croire que ceux qui défendent la Constitution, parce qu’ils l’aiment bien, aimerait la lire, mais ils ne citent jamais précisément le moindre de ses articles, et s’empressent d’en empêcher ceux qui sont contre. On préfère nous passer des reportages pour expliquer que l’Union européenne a fait du beau boulot depuis 35 ans, ce dont personne ne semble disconvenir.

Cette campagne est bizarre : on se demande où est passé Philippe Seguin - que la médiature unanime avait, à l’époque du référendum pour Maastricht, élu leader charismatique du non. On se dit qu’il n’y a sans doute pas de leader charismatique du non cette fois-ci, alors qu’on se rappelle que pour Masstricht ç’avait été exactement la même pagaille dans le camp du non (et du oui, d’ailleurs) et qu’il n’y avait pas plus de raison qu’aujourd’hui de trouver dans cette pagaille un leader charismatique, mais qu’on l’avait quand même trouvé.

Cette campagne est bizarre, il n’y a pas non plus de leader charismatique dans le camp du oui, mais Jack Lang semble bien vouloir de ce rôle, puisque le Président de la République refuse de l’assumer et ne veut surtout pas que Nicolas Sarkozy s’en empare. Et on essaye de nous expliquer que le bordel est seulement dans le camp du non.

Cette campagne est bizarre. La voix de ceux qui sont pour ce texte a priorité absolue dans tous les grands média, ceux qui expriment ce choix détiennent l’essentiel des postes de pouvoir depuis 25 ans, et ils n’arrivent pourtant pas à convaincre largement les Français de l’intelligence de leur point de vue.

Cette campagne est bizarre : on n’a aucune envie de porter au pouvoir ceux qui disent non, mais on n’a aucune confiance en ceux qui disent oui.

Cette campagne est bizarre : tout le monde accuse tout le monde d’en vouloir à l’Europe, mais personne ne paraît s’apercevoir que la Constitution proposée ne définit jamais ce que c’est que l’Europe.

Cette campagne est bizarre. Ceux qui se prononcent pour cette Constitution au prétexte de ses avancées démocratiques et sociales regrettent qu’elle ait été jetée en pâture au suffrage universel ; et ceux qui se prononcent pour le non au prétexte qu’elle n’est pas assez démocratique et pas assez sociale se revendiquent pour la plupart d’idéologies assez peu démocrates et pas très douées pour la prospérité des peuples.

Cette campagne est bizarre : les partisans du oui accusent ceux du non d’être frileux et peureux, mais ils ont peur que le non l’emporte parce qu’ils pensent que nous risquerions d’être mal jugés et mis au ban par les autres pays.

Cette campagne est bizarre. Ce texte que plus de 60 de ses propres articles nomment sans ambages "la Constitution", est systématiquement appelé "Traité" par ceux qui l’approuvent lorsqu’ils expliquent à ceux qui redoutent son immuabilité une fois voté que ça n’est pas vrai du tout. Ils reprochent en revanche à ceux qui rejetteraient ce texte que ce serait une grande inconséquence que d’empêcher la Charte de droits fondamentaux d’être inscrite dans la "Constitution", parce que cette inscription lui ferait gagner en respectabilité et garantirait sa durée.

Cette campagne est bizarre : les partisans du oui affirment que ce Traité pourra être modifié dès demain, mais il est selon eux inenvisageable de rediscuter le moindre article du projet en cas de victoire du non, parce que les 25 pays de l’Union ne pourront plus jamais se remettre d’accord.

Cette campagne est bizarre : les partisans du non sont jusqu’à 55% dans certains sondages. Or les média semblent croire qu’ils soient très bien représentés par 4 à 5 leaders de partis politiques minuscules qui n’ont pas l’air de s’entendre du tout entre eux.

Cette campagne est bizarre : on nous dit sans arrêt que les 55% de français qui s’apprêtent à dire non sont des vieux un peu trouillards et légèrement arriérés qui sont mal informés parce qu’ils habitent la province. Or je corresponds bien moins à ce profil que Jack Lang et même que Serge July, qui pourtant voteront oui, à ce qu’ils disent.

Cette campagne est bizarre : les ténors du OUI anticipent comme une épouvante en cas de non le retour prévu au Traité de Nice qu’ils ont pourtant signé avec enthousiasme, quand les ténors du non qui l’ont toujours dénoncé sont prêts à faire avec encore un moment en attendant mieux.

Cette campagne est bizarre : malgré tout, elle pourrait bien finir par une victoire du oui.

Messages

  • Trop bizarre cet article et loin de ce qui se passe réellement. En plus les arbitres qui rejettent les gens dos à dos provoquent en moi un malaise. Je choisis mon camp et je fais avec, comme on est, avec les différences et les oppositions. De ce point de vue, cette campagne du "non" est déjà un immense succès du mouvement social qui a imposé à des gens très différents d’opinion à se mettre autour d’une table et à faire ensemble. C’est simplement génial d’avenir.

    • Il y a quelque chose d’intéressant : c’est vrai que les partisans du ’oui’ ressemblent bien souvent aux caricatures qu’ils font des partisans du ’non’. Quelque chose qui fonctionne à l’esbrouffe, et bien sûr qui est renforcé par cette marchandisation politique -façon sport de compétition- que booste la médiatisation de ce choix binaire qui n’est pas un "choix choisi" : on fait avec, et bien souvent un peu n’importe quoi, au nom du non : couard ? chouard ? choir ? choisir ? quoi ?

      Il y a une France -mais c’est partout, allons... pas toujours mieux que l’Autriche de Jelinek, la France, non ?- une France de la collaboration, on dira, une France de la trouille, que les partisans, ici, du ’oui’, nous montreraient pour la plus audacieuse, la plus ’progressiste’... Voir ce que la remontée du ’oui’ dans les sondages lui devrait, à cette France froncée plus que foncée, moins que fonçante, timorée jusqu’à acheter tout ce qu’on lui vend pour le prix d’un bulletin, allez... « positivez, dites ’oui’ !’ » non ? La France de la fuite en avant réactionnaire, on connaît ça, hystoriquement, non ?

      A quoi il s’agirait de répondre l’AutrEurope, bricolée en "perspective alternative" dans la dernière longueur : superbe dans la compétition !

      Alors, je vais vous dire, je ne vote pas, je ne considère pas même que l’enjeu soit au niveau de cet anticapitalisme supposé dont on gonfle le "non" : le capital, s’en fout un peu, retombera sur ses pieds avec 80% des positions exprimées dans le non, alors, sauf à aller voir sérieux ce que c’est le capital, ça me fera pas déplacer, la république sous-utopique de l’autre Europe... mais ma voix, tout le monde s’en tape...

      Mais au moins, qu’on laisse "les gens" dire NON à ce qu’ils entendent, sans y générer (de façon en rien démocratique, n’en déplaise) une positivité d’on ne sait quelle Europe institutionnelle : d’ETAT, un de plus... en attendant des superstructures mondiales démocratisées ?

      Alors si "vous" voulez vraiment faire gagner le ’non’, c’est pas la peine de singer l’adversaire (qui ici n’est pas ’de classe’, mais bêtement de savoir communiquer) : pas besoin de tricher, de vendre une Autre Europe pas moins hypothétique et pas garantie moins capitaliste, au son de la république, sans canons, en plus : sans canons !

      Bon, vous pouvez couper, sera pas la première fois, faut pas désespérer les orphelins de Billancourt, mais si vous cherchiez aussi, parfois, des vérités gênantes, le ’non’ n’en serait pas moins crédible...

      La fin (ici le résultat du 29 mais) justifiant les moyens, c’est aussi les mensonges de l’histoire qui repassent leurs plats -dans les mêmes bouches bien lavées, en plus- la première fois en tragédie, la seconde en farce, comme disait le barbu

      Patlotch

    • surtout pas s’abstenir !!!!
      surtout pas renvoyer dos à dos !!!!
      le NON s’impose pour mille et une raisons !!!!!
      mais toutes les voix vont compter, le rouleau compresseur de la propagande médiatique du oui est en marche !!!!
      surtout pas céder et aller voter NON
      qu’on rigole un bon coup !
      et la trouille, la désespérance au rancard !

    • ah ! les etats d’ame, les dubitatifs, les pensifs penseurs, les sceptiques ... la majorité, on en creve. prenons cette contribution pour ce qu’elle est ... une pause nombriliste sans beaucoup d’intérêt. le monde ne serait qu’incohérence, belle découverte ! désarroi de l’agneau en proie aux affres de l’existence ... comédie ! truc et astuce ! louvoiement pour dissimuler une âme de boutiquier ... qu’importe cette contribution ! elle relève de l’état général dans lequel on a sombré, je la trouve indigne, indigne des combats - au sens propre - de nos ancêtres. les seules constantes qui traversent l’histoire humaine, bien cohérentes celles - là, du granit ! c’est le fort contre le faible, c’est l’arbitraire contre le droit, c’est la trouille des cloportes. il faut de temps en temps s’y coller ! on ne demande pas grand chose ! glisser un petit bulletin "non" dans l’urne ... c’est quand même pas prendre un fusil ! Quel gouffre entre ces tortillements de cul devant l’isoloir et ces deux magnifiques paysans auvergnats filmés dans "Le chagrin et la Pitié" ... Vous avez vu ? Cette scène toute simple, sans emphase, où ils expliquent être tout simplement entrer en résistance contre les nazis pour défendre la République au nom de leur idéal socialiste. presque sans se poser de question et en ayant payé le prix fort, la déportation. vous me direz, y’en avait pas beaucoup des comme eux. c’est vrai ... la majorité des français vivait bien à l’ombre, à l’abri des bombes en criant "vive petain". c’est quand même pas ceux là qui vont définitivement emporter le morceau ! Attendons le 29 au soir ... la métamorphose des cloportes ?

    • Je constate à la lecture du forum que ce dernier article semble être mal compris par les partisans du NON qui fréquentent Bellaciao. Il est vrai que, si je n’ai absolument pas voulu renvoyer dos à dos les deux camps, j’ai fais en sorte qu’on puisse le croire, pour "piéger" mieux les arguments ineptes et contradictoires du OUI. Et qu’au passage, du coup, je mets le doigt aussi sur certaines incohérences du NON. Curieux que dans ce pays les esprits soient si obscurcis par des dizaines d’années de sophismes politicards que PERSONNE ou à peu près ne soit plus capable d’aucun recul sur ses propres convictions... C’est à cause de ça, je crois, que le OUI va hélas finir par l’emporter : parce que la sottise finit toujours par préférer ce qu’on lui fait miroiter comme plus simple et plus optimiste, même si c’est faux. La sottise est paresseuse et tellement désespérée, sur le fond.

      Enfin, je rassure quand même mes lecteurs : mes convictions, largement exposées depuis plus de deux mois ici et dans une dizaine d’autres sites, n’ont pas varié : pour moi ce sera NON, et plus les jours passent et plus je suis certain qu’il faudrait que ce soit non pour la majorité des votants. Mais j’y crois de moins en moins, parce qu’il paraît que personne n’a compris qu’il n’y a pas plus intérêt à parler de non de gauche que de non de droite. Qu’on doit voter NON parce que ce texte est dangereux, et que le non doit d’abord être celui d’un peuple. A défaut de cette affirmation-là, la voix du NON continuera de se diluer au fil des jours et c’est, comme d’habitude celle des média qui l’emportera au final.

      Serge Rivron

    • ah bon ... désolé alors pour la méprise ... mais le deuxième ou le troisième niveau, c’est pas vraiment ce qui est le plus adapté dans ce genre de débat. on est indécrotable, terre à terre ...

    • Tu confirmes là mon sentiment quant à ta démarche hautaine et au-dessus de l’autre. Ce que tu vas voter ne change rien à l’affaire. Tu me fais l’impression d’un fan de foot qui hurle autant contre les fautes de son équipe favorite qu’à ses belles actions. Je n’aime pas, en général, l’engagement dans les marges qui fait que seul le résultat immédiat du spectacle compte.
      La question n’est pas d’ouvrir une polémique sur des prédicitons de résultats de vote ou de savoir qui est sot ou intelligent. La question est de savoir si ce projet de Constitution est une bonne ou une mauvaise chose et si nous sommes impliqués dans le spectacle ou non. Si on est le Livre ou si on en est le commentateur. Le débat est formidable contre justement ce que prévoyaient les pouvoir et ses médias. Si tu étais en ce moment comme moi en Allemagne et voyais le niveau de la campagne électorale dans le NRW tu te dirais que ça vaut le coup et que ça vaut aussi le coup de ne pas juger l’autre avec tant de mépris. Tu me sembles plus que tout autre atteint de sophisme politicard. Pour ma part, voici encore une élection à laquelle je ne vais pas voter Erik Satie par ironie. Comprends-tu ? Ton problème est que tu n’es pas impliqué, tu n’as pas impliqué ton action dans tes critiques. Prendre du recul, avoir le regard critique, c’est bien. Mais là, tu es trop loin de la bataille.