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Référendum : l’enjeu de l’alternative

Publie le lundi 2 mai 2005 par Open-Publishing
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de Roger Martelli

Quels sont les principaux atouts du « Oui » ? L’indifférence populaire d’une part ; et d’autre part l’idée que le « Non » ouvrirait sur un chaos néfaste à l’Europe.

Les « Non », diton souvent, ne portent rien d’autre que la négation. Or mieux vaudrait une Europe bancale que pas d’Europe du tout... Au fil des mois, nous avons construit notre argumentation sur ces points. Mais nous ne l’avons pas toujours confortée en adossant la critique au projet alternatif que l’on peut objecter à la Constitution Giscard. Il est bon que nous mettions désormais cette alternative en avant.

Le « Non » est le seul acte constructif sérieux, car si le « Non » l’emportait, l’Union serait dans l’obligation d’ouvrir des négociations pour définir les cadres de son action à venir. Et il serait alors possible de la mener de la meilleure manière possible : non selon la méthode classique des cercles restreints de technocrates et des tractations intergouvernementales, mais à partir d’un véritable débat populaire, mené autour d’options claires.

Que pourrait-on proposer sur les décombres de l’actuel traité constitutionnel ?

La mise en chantier d’une réorientation profonde de l’Union, autour de deux grands axes qui s’exprimeraient dans un ou deux traités. Le premier axe redéfinirait le socle même de la construction européenne en rompant avec la logique libérale qui empoisonne l’espace européen.

Au contraire des décisions prises de Maastricht à Nice, au contraire de toute la
troisième partie de la Constitution Giscard, un traité pourrait décider de renforcer l’action publique, en rompant avec la spirale des privatisations, en réorientant l’action de la BCE, en renforçant les pôles publics de crédit et en relançant une véritable politique budgétaire aujourd’hui étouffée par le Pacte de stabilité.

Il pourrait décider de mettre au cœur de la dynamique économique européenne, non pas la frénésie financière mais le développement des droits, ceux des travailleurs et ceux de la personne. Il pourrait chercher à faire de l’Europe, non pas une puissance qui se referme et qui cherche à partager les dominations sur
le monde, mais un espace ouvert sur le Sud, dans un esprit de coopération, d codéveloppement et de paix.

Par ailleurs, un second axe de transformation pourrait se substituer à l’actuel projet constitutionnel en précisant le fonctionnement des institutions dont l’Union a besoin. Et là encore, c’est bien de rupture qu’il devrait s’agir. Au lieu d’un système opaque et technocratique centré d’abord sur la Commission et le Conseil, nous pourrions enfin envisager une Europe politique appuyée sur l’extension des pouvoirs des citoyens, sur l’élargissement des procédures d’intervention et de contrôle et sur le renforcement du pouvoir des élus, nationaux et européens.

Une Europe politique où le Parlement européen aurait pleine compétence législative, où la Commission serait strictement encadrée, où le Conseil appuierait son action sur l’intervention préalable des acteurs sociaux, des citoyens et des élus. Ainsi se dessinerait un cadre institutionnel cohérent, qui devrait garder sa souplesse, qui devrait reposer sur le principe de réversibilité des décisions européennes et qui rendrait possible la révision des traités, ce que, on le sait, la Constitution ne permet pas.

D’un côté une Constitution qui enferme l’Europe dans un carcan à la fois libéral et technocratique ; de l’autre la perspective de traités qui dessineraient un autre visage pour l’Europe et ses peuples. Contrairement à ce que disent les promoteurs du « Oui », le choix n’est pas entre le projet constitutionnel et l’absence d’Europe : il est entre deux conceptions possibles de l’Europe. L’Europe de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice n’est pas une fatalité.

Une autre Europe est possible que celle que prévoit la Constitution ; mais le
préalable pour qu’elle advienne est que le « Non » soit majoritaire.
Parler d’alternative à la Constitution Giscard n’est pas une utopie. Une telle
alternative, nous la portons, nous communistes, et nous devons l’affirmer haut et fort. Mais nous ne sommes pas les seuls à la porter. Ce que j’ai énoncé précédemment correspond à l’essentiel du message du mouvement social et de l’altermondialisme.

Mais les partisans du « Oui » se gardent bien de le faire savoir. Il serait donc dommage que les partisans du « Non » n’essaient pas de porter en avant cette dimension forte de leur combat. Si, dans la période qui s’ouvre, pouvait s’exprimer clairement, sur la scène publique, les perspectives positives collectives qu’ouvrirait la victoire du « Non », ce serait une chance pour le
« Non ». J’ajoute : ce serait une clarification salutaire.

Car en affirmant une perspective ambitieuse pour l’Europe, face au magma libéralo-social-libéral des « Oui », nous promouvons un « Non » de gauche, loin de tout prétendu « souverainisme », d’où qu’il vienne. Un « Non » progressiste, le seul qui soit pleinement cohérent avec les valeurs de la gauche et, n’ayons pas peur de le dire, avec le meilleur de la tradition politique républicaine.

Mais en cela, disons-nous tout aussi franchement que notre contribution à la bataille du « Non » sera d’autant plus efficace qu’elle sera cohérente avec notre discours général sur les perspectives politiques. Sans doute, ne faut-il pas confondre l’échéance du printemps 2005 et celles qui se profilent à l’horizon 2007-2008.

Mais ne pas les confondre ne signifie pas que ces combats sont sans rapport. Dans tous les cas, en effet, il faudra se prononcer sur le fond.

 L’Europe peut-elle continuer éternellement sur le registre de l’alternance des brutalités ultralibérales et des accommodements sociaux-libéraux, comme l’incarne la conjonction des « Oui »socialistes et des « Oui » de droite ? De la même manière, la société française, la République, la gauche peuvent-elles progresser en dehors d’une rupture, comme cela n’a pas été fait entre 1997 et 2002, avec la logique financière et la pente technocratique ?

 Pour que l’Europe ait une chance, il faut que le « Non » l’emporte, et que les « Non » de gauche soient majoritaires dans le camp du « Non ». De même, pour que la France puisse envisager sereinement son avenir, il faut que la gauche soit majoritaire et que, dans cette gauche, les forces d’alternative donnent le ton, et non pas la vulgate sociallibérale.

 Deux batailles différentes, mais des questions voisines... Dans les deux cas,
l’intervention communiste est décisive, non pas tant pour elle-même, que pour la force du rassemblement populaire qu’elle peut contribuer à rendre possible. Cette capacité à désigner les lignes de force du rassemblement, à stimuler à la fois du projet et de la convergence politique est notre force ; c’est cette capacité et elle seule qui est le cœur de notre identité. En 2005 comme en 2007.

Intervention lors au Conseil national du PCF du 11 mars 2005

Messages

  • Source le journal québéquois.

    Voici ce qu’écrit rené Boulanger un journaliste au Québec et sa vision de la France face à l’échéance du référendum.

    J’aime assez son regard car il a l’avantage de la distance et on ne peut pas l’accuser d’être partie prenante. Ainsi donc c’est une vision détachée et en même temps lucide de la place réelle de la france dans l’Europe et de l’Europe dans le monde :

    Il n’y a pas d’autre mot qu’inféodation pour décrire le statut que la France s’apprête à acquérir. Vu du Québec, d’où j’écris, cette vision d’un avenir français est assez troublante. Quel contraste avec la France de la crise Irakienne qui révélait au monde le degré de résistance exemplaire que cette puissance moyenne pouvait opérer face à la nouvelle mutation impérialiste de l’hyper-puissance américaine ! Les Etats-Unis ont aujourd’hui les yeux fixés sur le Moyen-Orient mais on le découvre, sur l’Afrique, aussi. Or la France a des responsabilités post-coloniales, face à ses anciennes colonies, c’est d’empêcher la déstabilisation de tout un continent mitraillé par les diktats du FMI et soumis aux assauts d’une politique américaine de pénétration qui vise à se fabriquer des États-Clients au détriment de la paix dans le monde et au bénéfice de la nouvelle droite pétro-religieuse américaine.

    Aussi, en renonçant à son rôle de puissance moyenne au profit d’une méga-Europe indifférente aux incursions politiques, économiques et culturelles de l’empire américain, c’est peut-être la francophonie que la France abandonne en s’abandonnant elle-même. Et tout ça pour pas grand-chose.

    Car malgré les apparences, l’Union Européenne restera pour les 50 prochaines années, un nain politique face à Washington, parce que la moitié de ses membres sont encore des États-Clients des Etats-Unis et apportent, secondent ou promeuvent au sein de l’Union la vision américaine. En sacrifiant son indépendance à cette puissance illusoire, la France devient un nouveau Gulliver attaché par les milles liens des Lilliputiens au service du méga-capital.

    Merci au Québécois ne nous remettre à notre juste place, celle que nous devrions conserver..MP