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Réhabilitons la mémoire du militant politique breton Jean Groix

Publie le jeudi 27 mars 2008 par Open-Publishing

Procès de Michel Fourniret : réhabilitons la mémoire d’un absent des
débats, le militant politique breton Jean Groix

Le procès de Michel Fourniret s’est ouvert ce jeudi à 10 heures devant
la cour d’assises des Ardennes au palais de justice de
Charleville-Mézières. Il doit répondre devant la cour d’assises de sept
meurtres de jeunes femmes ou adolescentes - dont deux avec préméditation
 et autant de viols ou tentatives, commis entre 1987 et 2003 des deux
côtés de la frontière franco-belge. Michel Fourniret aura fait une autre
victime.

« On ne parlera pas d’elle pendant ces deux mois d’audience
mais la mort de ce militant Breton Jean Groix est bien la conséquence
d’un de ces crimes associé à l’acharnement de la police anti-terroriste
contre lui et relayé par les média. »

L’affaire commence le 20 novembre 1990 avec l’arrestation à Rezé de ce
militant breton dans le cadre d’une enquête sur le meurtre et le viol
d’une fillette de cette ville, Natacha Danais. Au cours de la
perquisition à son domicile les enquêteurs découvrent trois militants
basques présentés immédiatement par la police comme des membres d ’E T A.

Les médias, avec la complicité de la police judiciaire et la sûreté
urbaine de Nantes et la 6e DCPJ, ancêtre de la DNAT, s’empare de
l’affaire. « 1er et 2 décembre 1990 » Presse Océan/ et /Ouest
France/ titrent : Natacha : un faux suspect et des vrais terroristes — l’insolite découverte de l’enquête sur la mort de Natacha. Et les
commentaires vont bon train : « Jeudi, les enquêteurs sur l’assassinat
de la petite Natacha Danais, cette Rezéenne de 13 ans dont on a retrouvé
le corps samedi dernier sur une plage de Vendée. [...].

Or, sur leur
liste de suspects il y avait le nom de ce vétérinaire d’une quarantaine
d’années Jean Groix, récemment établi à Rezé. Le cabinet est situé juste
en face du domicile de Natacha et le médecin possède deux fourgonnettes
blanches, comme celles que la soeur de Natacha a cru apercevoir le jour
de la disparition. Bien qu’il aurait été déjà été entendu, de nouveaux
éléments auraient justifié la perquisition de jeudi. [...] Les
enquêteurs recherchent le manteau violet qui n’a pas été retrouvé et
tout autre indice [...]. Et quel rapport avec l’assassinat de Natacha
Danais ? Aucun manifestement. On a pu croire, dans un premier temps, que
la jeune voisine du vétérinaire avait percé à jour son secret. Mais les
terroristes seraient-ils allés jusqu’à l’éliminer physiquement ? [...]
Le vétérinaire faisait un suspect en puissance. Fait sans doute
aggravant, il connaissait la fillette : Il l’aidait à faire ses devoirs
de mathématiques quand elle en avait besoin. »

Après plusieurs jours de vérification, les enquêteurs dissocieront les
deux affaires. La presse se calmera, mais le mal est fait : « il n’y a
pas de fumée sans feu »*/, pour beaucoup le doute sur l’implication du
militant dans le meurtre subsistera.

À la fin de la garde à vue, Jean Groix est transféré à Paris en
compagnie des trois militants basques qu’il avait hébergés, pour être
présenté à un juge anti-terroriste et incarcéré en région parisienne.
Jean Groix, militant politique, était capable d’assumer ses choix
politiques d’aide aux Basques, mais était-il capable de supporter les
accusations qui avaient été portées contre lui pour ce qui est du
meurtre de sa voisine ? C’est dans cet état d’esprit qu’il est arrivé à
la prison de Fresnes. Quand le militant breton est arrivé en détention,
il s’est retrouvé étiqueté « militant politique » mais aussi « 
pointeur ». Ce statut de pointeur est le pire que l’on puisse avoir en
détention puisqu’il entraîne bon nombre de sévices et d’humiliations de
la part même des autres détenus. En prison, milieu très fermé par
excellence, les nouvelles, vraies ou fausses, les rumeurs se propagent
très vite et le personnel de l’administration pénitentiaire n’est pas là
pour y remédier, bien au contraire. Il n’a pas supporté. Le 29 janvier
1991, Jean Groix était retrouvé sans vie dans sa cellule de la prison de
Fresnes.

Cette douloureuse affaire aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans
compter sur le vice de certains policiers anti-terroristes. Au mois de
mai 1992, à une semaine d’intervalle, deux séries d’arrestation de
militants ayant hébergé des Basques ont lieu en Bretagne. Pendant les
gardes à vue, des policiers se sont employés à salir la mémoire de Jean
Groix pour faire pression sur les personnes interrogées. Les policiers
affirmaient qu’ils étaient toujours persuadés de la culpabilité de Jean
Groix dans l’assassinat de Natacha. Non seulement ils l’affirmaient,
mais c’était à grand renfort d’exemples aussi sordides les uns que les
autres. « Jean Groix avait lavé sa camionnette à grande eau pour faire
disparaître le sang après le meurtre » ou encore « il avait gardé le
cadavre pendant plusieurs jours après le meurtre dans un congélateur à
son cabinet médical ». « Les gens qui hébergent des Basques comme vous
sont des assassins », « Le vétérinaire de Rezé prenait des stagiaires
très jeunes qu’il harcelait sexuellement », « c’était un pervers
sexuel, c’est pour cela que sa femme l’avait quitté ». Le tout bien
sûr en exhibant les photos de la fillette sans vie. Plusieurs personnes
sont sorties de leur garde à vue en se posant de nombreuses questions
sur la part de vérité dans cette histoire, la pression supportée pendant
la garde à vue n’aidant pas à la sérénité de la réflexion.

Pendant combien d’années le doute a-t-il été délibérément entretenu par
des personnes possédant autorité en la matière ? Quel média a jugé bon
de réhabiliter Jean Groix ? Quel média décidera un jour de consacrer
autant de lignes et de conviction à affirmer l’innocence d’un individu
qu’il en avait pu faire pour alimenter la suspicion lors de son
arrestation ?

C’est bien le système judiciaire français qui est en cause : juger par
média interposé. Il a l’entière responsabilité de la mort cruelle du
docteur Jean Groix. La police et la justice française n’ont rien fait
pour rétablir la vérité. C’est à nous de réhabiliter sa mémoire !

Pour la LBDH
M. Herjean