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SUD Education, lettre au ministre : "l’éducation nationale au service de la police ?"

Publie le jeudi 9 décembre 2004 par Open-Publishing

Fédération des syndicats SUD Education

à Monsieur le Ministre de l’Education nationale

Saint-Denis, le 8 décembre 2004

Monsieur le Ministre,

Notre Fédération est informée que, depuis quelques mois, des familles ont
été arrêtées du fait de la collaboration des structures de l¹Education
Nationale, via des avis de recherche d¹élèves qui normalement servent à
retrouver des enfants en danger (maltraitance, enlèvements).

En septembre, à Rennes, l¹Inspection d’Académie a envoyé un courrier aux
directeurs (trices) des écoles pour retouver la présence d’un élève. Le
courrier ne mentionnait pas le motif de la recherche. Un directeur a
répondu. C¹est ainsi que Randy, 6 ans, élève de l¹école Georges Clémenceau
où il venait de faire son entrée au cours préparatoire, s¹est retrouvé en
centre de rétention avec sa mère, déboutée du droit d¹asile et expulsable.

En octobre, à Metz, deux enfants de trois et six ans sont emmenés avec leurs
parents au centre de rétention de Lyon. La police avait demandé aux
enseignants de les retenir à l’école après l’heure de la sortie pour pouvoir
venir les enlever sans provoquer trop d’émoi.

A Nantes, des gendarmes sont passés dans plusieurs écoles, sans avoir
préalablement averti les directeurs(trices). Ils étaient à la recherche d¹un
enfant étranger. L’Inspecteur d’Académie envoie des courriers dans les
écoles publiques et privées pour rechercher des élèves, tous étrangers (voir
copie jointe).

A propos des centres de rétention administrative, le rapport de la Cimade
parle de centres " pleins à craquer " où " la présence d¹enfants en
rétention devient peu à peu une habitude>, de " régime carcéral " et le
rapport conjoint de l¹Inspection Générale de l¹Administration (IGA) et de
l¹Inspection Générale des Affaires sociales (IGAS) souligne que " la
rétention s¹apparente de plus en plus à la détention ". Ces deux rapports
sont d¹accord : les CRA sont toujours des " horreurs de la République "
comme les qualifiait justement le rapport Mermaz en 2001.

Dans les écoles, les collèges, les lycées, beaucoup d¹enseignants sont
particulièrement sensibles et attentifs à la situation de ces jeunes
étrangers menacés d’expulsion parce que témoins aux premières loges pour
constater les dégâts sur les élèves enfants de sans-papiers des
discriminations dont sont victimes leurs parents : ils grandissent très tôt
avec un sentiment d¹exclusion, de peur diffuse et permanente, de défiance,
qui n¹est pas sans conséquences sur leur santé, leur éducation, leur
socialisation et, d¹une façon générale, sur leur construction.

Le psychologue Piaget disait des enseignants que leur mission est d¹être des
" éveilleurs d¹intelligence et des éveilleurs de conscience " - éveilleurs
d¹intelligence par la transmission des savoirs, éveilleurs de conscience par
la transmission des valeurs. Si nous voulons être véritablement des "
éveilleurs de conscience ", il nous faut mettre en pratique ces valeurs que
nous prônons, de justice, d¹altruisme, de solidarité. Voilà pourquoi depuis
des années, nous sommes solidaires de nos élèves et de leurs familles en
participant à leurs côtés aux luttes contre les expulsions sans relogement,
sur la question du saturnisme, contre les refus totalement illégaux
d¹inscription scolaire des enfants des squatsŠ

Et aujourd’hui, c¹est notre responsabilité d¹enseignants, de syndicalistes
 parce que nous défendons les libertés et les droits essentiels de tous -
de dénoncer l’utilisation scandaleuse des structures et des personnels de
l’Education Nationale dans le but d¹enfermer des enfants. C’est une honte,
cela nous indigne et nous protestons.

Nous nous posons la question ­ et vous la posons, Monsieur le Ministre - de
savoir si ces pratiques inadmissibles, dignes de Vichy, sont en application
de consignes émanant du Ministère de l’Education nationale, donc applicables
à tout le territoire, ou de certaines Académies . Dans ce dernier cas, nous
vous demandons, Monsieur le Ministre, de procéder à une enquête afin que les
responsabilités soient clairement établies.

Nous sommes des éducateurs, pas des délateurs. Les enseignants ne peuvent
être des supplétifs de telles opérations policières. Au risque du devoir de
désobéissance, et en référence aux textes internationaux ratifiés par la
France (Déclaration universelle des droits de l’homme, Convention de Genève,
Convention européenne des droits de l’homme, Convention Internationale des
Droits de l’Enfant), nous continuerons d¹agir pour la protection de tous nos
élèves et la régularisation de leurs familles.

La place des enfants et jeunes majeurs étrangers n’est pas en centre de
rétention, mais dans nos écoles, nos collèges, nos lycées.

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, à l¹assurance de notre attachement
au service public d¹éducation.

Pour la Fédération SUD Education ,
Pierre Cordelier
mandaté fédéral


Fédération des syndicats SUD Éducation
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