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Sabotage des lignes TGV : dix arrestations
FRANCE. Des membres d’un groupe anarchiste, dont un Genevois, ont été placés en garde à vue.
Sylvain Besson, Paris
Mercredi 12 novembre 2008
Tarnac, paisible village du plateau corrézien, est devenu un centre d’intense intérêt pour toute la France. Mardi à l’aube, la police y a arrêté sept personnes soupçonnées d’avoir saboté quatre lignes de TGV le week-end dernier. Elles appartiendraient à un « groupuscule anarcho-autonome », installé depuis un an dans cette région qui, curieusement, abrite une mouvance alternative très vivace.
Selon la radio France-Info, un Suisse figurerait parmi les personnes interpellées - vingt au total dans toute la France, dont dix ont ensuite été relâchées. Il s’agirait de K., Genevois amateur d’échecs, dont l’adresse donnée sur Internet est la ferme du Goutailloux, où résidait une partie du groupe.
« Il y a un lien précis entre ce groupe et les sabotages des lignes TGV », explique Gérard Gachet, porte-parole du ministère de l’Intérieur. Samedi dernier, la police, alertée par des cheminots, découvre une broche en fer à béton fixée sur le câble électrique d’une ligne à grande vitesse, près de Coulombs-en-Valois, en Ile-de-France. L’installation est similaire à celles utilisées pour le sabotage d’autres lignes.
Le lendemain, les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (SDAT), informés des faits, font le rapprochement décisif : « On a un gusse qu’on surveillait et qui se baladait par là. » L’endroit est très isolé, la coïncidence suspecte. Le lien est fait avec le groupe de Tarnac, qui est placé sur écoute. Lundi soir, un responsable policier estime que la piste « commence à tenir avec de la colle forte ».
Alors que les rumeurs se répandent dans les médias sur les progrès rapides de l’enquête, les autorités passent à l’action, bouclent le village et arrêtent les « anarcho-libertaires » dans leur appartement de Tarnac et dans la ferme du Goutailloux. Pour les habitants de la région, la surprise est complète. Le groupe n’avait pas l’air spécialement radical. Il tenait un magasin-restaurant qui organisait des concerts et des spectacles - on y avait lu, le mois dernier, une BD alternative intitulée « Ma petite révolution ».
« Ce sont des gens assez simples, témoigne un habitant d’un village voisin, leur magasin est super sympa. Je connais l’un des mecs, il est ouvert et a de bonnes idées. » Quelques membres du groupe se seraient décrits comme « anarchistes », sans que cela inquiète outre mesure dans cette région peu peuplée, marquée par une forte identité ouvrière et résistante. Selon une source ministérielle citée par l’AFP, certains suspects auraient été très actifs dans le mouvement de protestation contre le fichier policier Edvige. Ce qui pourrait expliquer la surveillance dont ils faisaient l’objet de la part de la SDAT.
Ces arrestations ont provoqué un intense soulagement chez les syndicats de la SNCF : le groupe ne compte aucun cheminot, alors que le mode opératoire choisi pour les sabotages avait fait craindre que des employés de l’entreprise publique ne soient impliqués. Seul le syndicat SUD, proche de la gauche radicale, a exprimé son scepticisme « sur la réalité de cette « mouvance » répartie aux quatre coins du pays ».
Puisqu’il s’agit d’une enquête antiterroriste, la garde à vue du groupe de Tarnac pourrait durer quatre jours. Il s’agira ensuite de comprendre comment les idéaux de liberté cultivés sur les hautes terres du plateau de Millevache - « lutter contre cette société capitaliste aux effets dévastateurs et proposer une alternative pas toujours bien connue », selon une association du cru - ont pu aboutir au sabotage des lignes de TGV.