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Sarkozy, président « modeste » de l’Europe ? Pas simple
Publie le lundi 30 juin 2008 par Open-PublishingAprès le « non » irlandais, Paris a réadapté ses ambitions.
Nicolas Sarkozy. Parmi les « grands enjeux » de la présidence française il y a : « la crise financière », « la crise pétrolière » et « la crise des produits alimentaires ».
MATHIEU VAN BERCHEM | 30 Juin 2008 | 00h02
En découvrant ce soir la tour Eiffel illuminée en bleu, bon nombre deParisiens risquent de se faire une idée grandiloquente de la « présidence française de l’Union européenne ». Comme si, pour six mois, Paris remplaçait Bruxelles et la Ve République s’appliquait à tout le continent, jusqu’à l’Oural. Une certaine presse ne fait rien pour les éclairer. « Paris va se retrouver à la tête d’un ensemble de 27 pays et pas moins de 493 millions d’habitants », note Le Parisien, un brin marseillais pour l’occasion. Comment lui en vouloir : il faut bien faire vibrer cette Union défaillante dans le coeur des Français.
Après le « non » irlandais
Nicolas Sarkozy partage-t-il cette conception forte, voire un peu autoritaire de la « présidence » ? Certains le craignent, de Londres à Prague en passant par Berlin. Ils connaissent l’homme, toujours prêt à oublier le bien communautaire quand « les intérêts de la France » sont en jeu. Il y a peu, Sarkozy rêvait encore d’une présidence historique, centrée sur l’adoption du Traité de Lisbonne, « son » oeuvre. Mais le « non » irlandais a tout remis à plat. Dans une Europe déprimée, les ambitions de l’Elysée ne peuvent qu’être revues à la baisse. Modestes ? Le mot convient mal au truculent président. Réadaptées plutôt et pleines de pragmatisme.
Dans ce registre, la France ne manque pas d’atouts. Quelques têtes bien faites d’abord. Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet est l’une des (rares) réussites de l’« ouverture » à la gauche. Cet ancien directeur de cabinet de Jacques Delors, socialiste de coeur, a su compenser par sa grande connaissance de l’Union les relents europhobes de la planète Sarkozy, incarnés notamment par le très gaulliste Henri Guaino.
Des désaccords
Le ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, a fait de cette présidence une affaire personnelle. Il a eu tout le temps de s’y préparer : numéro 2 du gouvernement, ministre d’Etat, il ne gère qu’une poignée de fonctionnaires. Borloo a débauché le plus fin connaisseur de l’environnement européen, le Danois Peter Carl, pour tenter d’arracher un accord sur la lutte contre le changement climatique. Il s’agit notamment d’augmenter de 20% d’ici 2020 la part des énergies renouvelables et de réduire d’autant les émissions de CO2.
Les objectifs français sont réalisables. Mais dès qu’on creuse un peu, des désaccords surgissent. Sur le volet énergie-environnement, Paris entend promouvoir le nucléaire, qu’il produit en masse, comme alternative au pétrole. Berlin renâcle. Dans un autre domaine, l’immigration, l’Elysée veut harmoniser les politiques, renforcer les frontières extérieures et empêcher les régularisations massives de clandestins. Madrid, qui a beaucoup régularisé ces derniers temps, tousse.
Paris souhaite également rouvrir le dossier de la très coûteuse politique agricole commune. Mais délicatement, sans faire tout sauter. Londres, qui rêve d’en finir depuis longtemps, s’impatiente.
Au fond, tout dépendra de la capacité de Sarkozy à se maîtriser. A tenter de trouver des compromis durables plutôt que des accords au « finish » arrachés au détriment d’une moitié de l’Europe