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TAXE TOBIN EUROPEENNE : TOUT CHANGE POUR QUE RIEN NE CHANGE .

Publie le vendredi 27 mai 2005 par Open-Publishing

Dès le commencement , nous sommes prévenus : « La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement sont garanties par l’Union et à l’intérieur de celle-ci, conformément aux dispositions de la Constitution » (Partie I, Titre I définition et objectifs de l’union, Article I-4/1 libertés fondamentales et non-discrimination ) . On notera que la circulation des capitaux est une liberté fondamentale au même titre que celle des personnes : une certaine forme d’égalité en quelque sorte ... Au cas où nous aurions mal compris, l’article Article III- 130/2 se charge de nous le rappeler : « Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation, des personnes, des services, des marchandises et des capitaux est assurée selon les dispositions de la Constitution. ».

Et si cela ne suffisait pas , l’article III-157/2 prévoit : « (...) Le Parlement européen et le Conseil s’efforcent de réaliser l’objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice d’autres dispositions de la Constitution ». Pas de restriction dans la liberté des capitaux mais restriction de la liberté des parlementaires .

Mais c’est l’article Article III- 156 (Partie III les politiques et le fonctionnement de l’union, Titre III politiques et actions internes, chapitre I marché intérieur, section 4 capitaux et paiements) qui enfonce le clou : « Dans le cadre de la présente section, les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont INTERDITES » . Le mot restriction est tellement flou qu’il permet toutes sortes d’interprétations : restrictions quantitatives , tarifaires (douanières) ou fiscales (sur les transferts de plus-values) ? C’est l’impossibilité annoncée d’une Taxe Tobin Européenne .

En outre, le TCE, dans l’article III-157/3, se charge de nous répéter que « (...) seule une loi ou une loi-cadre européenne du Conseil peut établir des mesures qui constituent UN RECUL dans le droit de l’Union en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. Le Conseil statue à l’unanimité après consultation du Parlement européen. » Bien entendu on ne peut que sursauter quant à l’idéologie sous-jacente au recul : l’impôt est l’ennemi surtout lorsqu’il porte sur le capital . XIXème siècle avez-vous dit ? Quant à l’éventualité d’un changement , celui-ci nécessitera l’unanimité et non pas la majorité : une garantie en somme . Comme le dit fort justement Maurice Allais , Prix Nobel d’Economie, libéral mais opposé au texte du Traité : le TCE ce n’est pas la victoire du libéralisme, bien pire, c’est la victoire du « laisser-affairisme » .

Enfin, l’article Article III-158/4 prévoit que : « En l’absence d’une loi ou d’une loi-cadre européenne (...) le Conseil peut adopter une décision européenne disposant que les mesures fiscales restrictives prises par un État membre à l’égard d’un ou de plusieurs pays tiers sont réputées conformes à la Constitution, pour autant qu’elles soient justifiées au regard de l’un des objectifs de l’Union et compatibles avec le bon fonctionnement du marché intérieur. Le Conseil statue à l’unanimité sur demande d’un État membre. Autrement dit , deux garde-fous viennent encore protéger la circulation de capitaux : la conformité des mesures restrictives est mesurée à l’aune des objectifs de l’union (donc les articles I-4 et III-157), ensuite la règle de l’unanimité s’applique pour décider de la conformité des dispositions qu’un Etat membre souhaiterait prendre en matière de fiscalité des capitaux .

Certes, beaucoup de ces règles sont en fait issues des précédents traités, mais aujourd’hui elles auront un caractère plus légitime dans la mesure ou elles sont élevées au rang de règles constitutionnelles . En matière de circulation des capitaux comme en matière de renouvellement des élites, il faut que tout change pour que rien ne change .

Patrice MOTHES, Economiste .