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Travailleurs, travailleuses, il va falloir se démotiver ( 3 vidéos )
Publie le dimanche 27 avril 2008 par Open-Publishing1 commentaire
Selon le philosophe Guillaume Paoli, la motivation est devenue le Graal des entreprises : aux salariés de ne pas se faire piéger.
Le monde occidental est-il à la veille d’une nouvelle révolution ? En refermant "Eloge de la démotivation", cette question prend une nouvelle tournure. Depuis des années, Guillaume Paoli, philosophe exilé en Allemagne, s’interroge sur le monde du travail. Celui où l’on perd son âme, à force de désillusions. Propos noirs, mais pas sans pertinence où l’auteur démontre qu’il faut "mettre les freins".
Il faut attendre la 80e page avant d’être convaincu que, décidément, cette plongée dans l’univers de la "démotivation" est un exercice périlleux mais nécessaire. Périlleux, parce que sa description est très analytique et fractionnée... pas toujours facile à suivre.
En résumé, le monde du travail d’aujourd’hui est confronté à l’impérieux besoin de canaliser la "motivation" des salariés. Faute de quoi, l’entreprise est condamnée à terminer sa course au cimetière des "marchés".
Dans une économie où cette logique des "marchés" est omniprésente, la motivation conduit en fait les travailleurs à simuler. Lettre de motivation simulée, comportement de travail simulé, implication simulée... la "motivation" est "pervertie" explique le jeune philosophe français. (Voir la vidéo.)
La deuxième partie du livre montre que cette vision de l’univers économique est nécessaire. A quoi ? D’abord à mettre des mots sur un "malaise", un "mal-être" au travail, apparu depuis quelques années. Paoli développe une analogie éclairante avec les mécanismes de la toxicomanie : l’addiction dont souffre les cadres motivés se manifeste de plusieurs manières. Pour le meilleur et le pire : les cas de suicide au travail relèvent aussi de cette catégorie, estime l’écrivain.
Que faire ? "Je n’ai pas de solution", prévient Guillaume Paoli, sinon de préconiser une "prise de recul". L’autre enjeu, à l’échelle collective, est ce "développement non maîtrisé" qui "nous mène tout droit vers le mur". Comment articuler les deux dimensions ? Là encore, pas de réponse toute faite pour le "poseur de questions". (Voir la vidéo.)
Dans les dernières pages de l’essai, l’ancien participant du mouvement berlinois des Chômeurs heureux prend nettement ses distances avec les néo-marxistes habitués de sa maison d’édition. Il ne sent pas plus d’affinités que ça avec la prose d’un Alain Badiou ou les nostalgies marxistes des penseurs de la Ligue. Il n’aime pas les "Français donneurs de leçon", bien éloignés des humaines préoccupations d’inactifs.
A l’appui de sa démonstration, il cite Etienne de la Boétie, Alexis de Tocqueville et Walter Benjamin qui, en voyant les Insurgés de 1830 tirer sur les horloges, écrit :
"Marx dit que les révolutions sont les locomotives de l’Histoire. Mais peut-être en est-il autrement. Peut-être les révolutions sont-elles le moment où le genre humain voyageant dans ce train tire le frein d’arrêt d’urgence." (Voir la vidéo.)
Et si la France s’ennuyait tellement en 2008, que certains songeraient à tirer le "frein d’arrêt d’urgence" ?
► Eloge de la démotivation de Guillaume Paoli - Nouvelles éditions lignes - 189 p., 14€.
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Par David Servenay
Messages
1. Travailleurs, travailleuses, il va falloir se démotiver ( 3 vidéos ), 28 avril 2008, 10:19, par D@v !d B.
Ce bouquin, que j’ai fini la semaine dernière, serait une espèce de "Attention danger travail" en intello... Donc à recommander, même si...
(j’ai plus l’exemplaire sous la main, passque je l’ai prêté)
Logique du positionnement, ou de la posture, il est de bon ton de taper sur les gauchistes (mais c’est vrai qu’ils sont parfois si naïfs...) tout en montrant son attachement...
Mais surtout, je suis pas sûr de bien comprendre son rapport au travail : il me semble que les carottes, avant de les bouffer, faut les planter, les cultiver, etc. Que ça nous plaise ou non... (magnifique métaphore de l’âne, la carotte et le bâton).
Et c’est vrai que j’avoue que plus ça va, plus j’ai du mal avec les théories "blanches", disons avec le rapport "aristocratique" au travail, très répandu dans nos amitiés politiques...
Évidemment, Lafargue est LA référence incontournable ; mais "si c’est ça être marxiste, alors je ne suis pas marxiste" (Marx approximativement dans le texte).
Il s’agit pour ces copains de taper sur le travail en tant que "valeur" du capitalisme, alors que le projet marxien souhaite établir la Critique, et non le rejet de l’activité de création et d’échange humain, qui définit notre humanité.
Reste que Guillaume Paoli conserve un regard aigu sur les formes modernes du management des ressources humaines, y compris par ses victimes ; reste que, de nos jours, je ne veux pas faire la fine bouche, mais que ces "détails" ont leur importance, à discuter en détails ; reste qu’il faut souhaiter "longue vie" aux Nouvelles Editions Lignes, pour la superbe de la revue, et leurs choix éditoriaux.
D@v !d B.