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Un échec ou la négation du droit international ?

Publie le lundi 28 août 2006 par Open-Publishing
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de Roland Weyl, vice-président de l’Association internationale des juristes démocrates (1)

Depuis un certain temps déjà, l’opinion dénonce l’incapacité de l’ONU à jouer son rôle, en particulier par son impuissance à faire respecter les droits du peuple palestinien et même ses propres résolutions en la matière. En s’abstenant de toute condamnation de l’agression israélienne, la résolution 1701 peut sonner le parachèvement du discrédit. Mais le limiter à l’ONU fait à celle-ci une part imméritée, qui s’inscrit dans une tendance à voir en elle une sorte de superpuissance dont les bienfaits tiendraient à ses vertus.

De fait, depuis des siècles, les consciences ont été imprégnées de la vision d’un monde dont la paix dépendrait des accords de puissances se partageant les richesses matérielles et humaines. La SDN (Société des nations) n’était rien d’autre. Il n’y avait donc pas, hormis quelques conventions humanitaires, de vrai droit international.

Mais en 1945, la tragédie mondiale qui s’achevait appelait une intense demande de civilisation, et ce sera la charte des Nations unies, qui pour la première fois dote le monde d’une loi universelle, à laquelle l’ONU est subordonnée, pour en assurer l’application...

Le grave n’est donc pas que le gendarme ne fasse pas « sa » police, mais que sa carence mette au placard la loi universelle.

Ce n’est pas un débat doctrinaire : si tout est fait pour ne parler jamais que de l’ONU et jamais de la charte, c’est en raison du caractère révolutionnaire de celle-ci. Commençant par les mots « Nous peuples des Nations unies... avons décidé d’unir nos efforts... en conséquence nos gouvernements... », elle proclame la souveraineté mondiale des peuples, dont les gouvernements ne doivent être que leurs représentants, et l’ONU le lieu où « ils unissent leurs efforts ». C’est dans cette logique du droit des peuples à la maîtrise de leurs affaires dans leur respect mutuel et sur une base d’« égalité des nations grandes et petites » que sont ensuite édictées les règles d’interdiction du recours à la force ou à sa menace dans les relations internationales et que les pouvoirs du Conseil sont limités au maintien ou au rétablissement de la paix.

Il est normal que les puissances aient tout fait pour l’occulter et récupérer l’ONU dans leur vieille logique ; elles y ont si bien réussi que le Conseil de sécurité ne se réunit plus qu’après que les grandes puissances se sont concertées sur ce qui va y être décidé ! Pis : dans la dernière période, leurs négociations ont consisté surtout à essayer de trouver un compromis que le maître yankee veuille bien accepter.

L’alibi est d’éviter un blocage par le veto US. Cela met en lumière la malfaisance du privilège de vote des Cinq, qui, contraire au principe d’égalité, n’est qu’un produit conjoncturel de la méfiance mutuelle des deux blocs de l’époque. On ne peut pourtant guère espérer le voir abolir, car toute réforme de la charte exige l’accord des Cinq... Mais le veto ne figure nulle part dans la charte et n’est qu’une interprétation de l’article qui prévoit leur privilège de vote. On devrait pouvoir obtenir, sans réforme, que le veto ne soit valable que s’il empêche le Conseil de violer la charte et non pour permettre à un des Cinq ou à ses protégés de la violer à leur guise.

En attendant, Israël continuera à sévir dans des territoires « occupés », donc qui ne sont pas les siens, et à commettre des agressions sanguinaires. La loi internationale l’interdit, mais force doit rester à la force et non pas à la loi.

C’est toute une conquête de civilisation qui est mise an placard, pour rétablir une bonne vieille continuité avec le Moyen Âge, et la crise actuelle n’appelle pas seulement un devoir de solidarité mais de défense commune et universelle.

L’alternative étant entre pouvoir sur les peuples et pouvoir des peuples. Le premier repose sur la force des puissances qui y ont intérêt. Les peuples, eux, ont pour faire prévaloir le second à se revendiquer de leurs droits. Quand la charte dit « Nous peuples... », elle met sa loi (qui est la leur) entre leurs mains, et le droit étant aussi un combat, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour le faire prévaloir. À eux de le savoir et de l’imposer par leurs propres combats solidaires.

(1) L’Association tient une conférence internationale de juristes sur la situation au Moyen-Orient et le droit international, les 26 et 27 août à Bagnolet.

http://www.humanite.fr/journal/2006...

Messages

  • texte excellent. Les principes qui devraient régir le droit international, ceux de la Charte de l’ONU, sont enfin affirmés.

    Si je devais faire non pas une critique, mais une remarque sur ce texte que j’approuve à 100%, ce serait de signaler qu’aujourd’hui, en particulier à l’Assemblée des nations Unies des peuples, les peuples du Sud, et singulièrement Cuba, le Venezuela rejoints par un large consus les mettent en oeuvre.

    La nouvelle commission des droits de l’homme, pourtant entiérement proposée par les Etats-Unis, a donné lieu à une bataille victorieuse, malgré les Etats-Unis et leurs alliés serviles de l’Union Européenne. Le secrétaire général de l’ONU Kofi Hanan essaye de faire passer une conception de l’ONU et des institutions internationales qui devrait se conformer au "modèle" occidentale, soumettrait le droit international (celui de la souveraineté de chaque pays) aux traités de libre échange qui eux prévoient des pertes de souveraineté au nom de la concurrence et du marché. En ce moment même la Bolivie se bat pour faire respecter sa souveraineté, son droit à nationaliser les hydrocarbures, à en diriger les ressources vers sa population, alors que les TLC (traités de libre échange) prétendent le lui interdire et tout subordonner aux droits des investisseurs. Alors quand je vois que l’on cède à ce libre échangisme, en vantant l’Union Européenne, sa mission quasiment civilisatrice, j’ai honte pour les communistes qui dupent leurs militants, et le peuple français. L’Union Européenne ne cesse , au nom des "droits de l’homme" de promulguer des limitations à la souveraineté : droit d’ingérence, par exemple, mais la panoplie est complète et justifie toujours l’intervention nord-américaine, bras armé des transnationales.

    Un texte, comme celui-ci et je me réjouis qu’il soit publié dans l’huma, rappelle les principes, mais la bataille a lieu tous les jours autour de problèmes concrets auxquels sont subordonnés la survie de centaines de milliers d’êtres humains.

    Danielle Bleitrach