Le "oui" de gauche se trompe, dit Danielle Mitterrand

Danielle Mitterrand s’est prononcée contre une Constitution européenne qui "transforme l’homme en sujet économique", jugeant "imprudent" d’utiliser le nom de l’ancien président socialiste pour faire voter "oui" ou "non" le 29 mai.

"Je trouve que c’est imprudent de vouloir faire parler quelqu’un qui n’est pas là", a déclaré la veuve de François Mitterrand sur France 2.

"Est-ce qu’on se serait trouvé dans cette situation s’il avait été là. On n’en sait rien. En tous cas, c’est un peu présomptueux", a-t-elle ajouté.

La présidente de la fondation France-Libertés, engagée dans de multiples causes altermondialistes, a lu un texte de son époux pour appuyer son choix de voter "non".

"L’homme et la génération d’hommes qui dans un éclair de lucidité discernent la nature du danger savent que s’ils acceptent de s’insérer dans le système, celui-ci les broiera", écrivait le chef de l’Etat.

Cependant, que ce soit au sein de sa famille - son fils Gilbert est partisan du nouveau traité de Rome - ou du Parti socialiste, Danielle Mitterrand comprend "tout à fait les arguments de ceux qui votent ’oui’".

Ils "pensent que de l’intérieur du système, ils pourront influencer la démarche des mauvais penchants de cette Constitution mais je crois qu’ils se trompent", a-t-elle ajouté.

"Je pense pour ma part que c’est une stratégie aujourd’hui dépassée, qu’on ne peut pas faire du petit pas et qu’il faut savoir dire ’non’", a-t-elle insisté.

"Je m’élève contre l’affirmation que ceux qui votent ’non’ sont anti-européens et contre l’Europe", a-t-elle poursuivi, faisant allusion à Jacques Chirac, selon qui il est impossible de se dire Européen et de voter "non".

"UNE AUTRE DICTATURE"

"Je vote ’non’, c’est vrai et j’ai des raisons. Je me dis que ceux de ma génération ont donné leur vie en 1940-45 pour construire et parce qu’ils rêvaient d’une Europe de paix. On l’a", a-t-elle expliqué.

"Ce traité constitutionnel institutionnalise une autre dictature que nous ne voulons pas. C’est le système qui fait de l’homme un sujet économique et qui oublie que c’est aussi un homme qui pense, qui génère la plus grande des misères humaines, le chômage, la pollution de l’eau, de l’air", a-t-elle jugé.

Mercredi après-midi, François Hollande, chef de file du "oui" de gauche, s’est dit "ni peiné, ni déçu" par le choix de Danielle Mitterrand.

"Je lui fais crédit de l’honnêteté de sa démarche. Elle le fait sans esprit partisan", a déclaré le premier secrétaire du PS sur France 3.

Les deux camps socialistes se disputent âprement l’héritage de l’ancien chef d’Etat.

"Non seulement il aurait évidemment voté ’oui’ mais je pense que si François Mitterrand était là il n’y aurait pas de débat et le ’oui’ l’emporterait très largement", a réaffirmé Dominique Strauss-Kahn mercredi matin.

La veille, jour du 24e anniversaire de l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée, son fils, Gilbert Mitterrand, a participé à un meeting pour le "oui" à Dijon avant une réunion publique en Dordogne, samedi.

Dimanche, Laurent Fabius, partisan du "non", s’est pour sa part placé sous le double patronage du général de Gaulle et du président socialiste qui s’est opposé à la conception britannique de l’Union européenne.

Le "non" de gauche a également fait sienne la conception mitterrandienne posant l’approfondissement de l’Union comme préalable à son élargissement, ce que l’Union n’a pas fait à leurs yeux en intégrant dix pays de l’Europe de l’Est avant d’adopter une Constitution. (Reuters)