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l’enfer est pavé de bénéfices

Publie le lundi 18 janvier 2010 par Open-Publishing

CE MERCREDI 20 JANVIER 2010

À 18H30

C’EST « L’HEURE DE L’METTRE »

Sur RADIO CAMPUS Lille 106,6

En direct et en archives sur www.campuslille.com

Tout ce qui nous vient d’Haïti nous semble maudit. Ce morceau d’Afrique en Caraïbe nous renvoie l’image chaotique de l’enfer, mobilise en nous les cauchemars enfouis des Grands Désordres.

Une fois de plus, la « Communauté internationale », ce gang de requins, endosse l’habit charitable qui sied aux manifestations de la Grande Malédiction. Pour la énième fois, il « faut » sauver Haïti. D’elle-même semble-t-il.

L’enfer est pavé de bonnes intentions.

L’émotion légitime suscitée par la catastrophe haïtienne, la démesure dans le malheur, réveillent de vieux démons. Qui feraient oublier que le risque sismique, naturel, ne devient catastrophe qu’en fonction de raisons politiques et économiques.

Ces vieux démons se nourrissent du vieux fond religieux qui nous conduit à traduire l’indicible, consciemment ou non, par l’expression magique d’une intervention divine. On parle donc de la malédiction d’Haïti. Et celui qui en parle le mieux, sans l’hypocrisie ou la paresse morale des autres, se nomme Pat Robertson, célèbre télévangéliste étatsunien :

« Il y a bien longtemps quelque chose advînt en Haïti…/… Ils étaient sous domination française…/… Et ils signèrent un pacte avec le diable. Ils dirent : nous vous servirons si vous nous débarrassez des Français. C’est une histoire vraie ! Et le Diable a répondu « OK, marché conclu ». Et depuis les Haïtiens sont maudits ».

Cette vision des choses, qui fait de la libération des peuples l’origine de leurs malheurs, est-elle si éloignée de celle qui consiste à ne voir le salut des peuples que par une domination renouvelée, néo-coloniale, sous le très moral oripeau de l’humanitaire ? Que signifie la « dispute franco-étatsunienne » ? Pourquoi encore tant de marines yankees vont-ils débarquer en Haïti ?

Nous devrions, parce que nous ne voulons plus voir l’homme avili, exploité, affamé, nous défaire de l’idéalisme émotionnel, être vraiment laïcs, et voir en face les monstres qui naissent dans les eaux glacées du calcul égoïste.

Car oui, l’enfer est pavé de bénéfices.

Nous devrions écouter plus souvent ce que nous disent les « maudits ». Il en est un, voisin d’Haïti, maudit célèbre, qui a écrit ceci :

« Toute tragédie bouleverse de bonne foi un grand nombre de personnes, surtout quand il s’agit de désastre naturel. Mais rares sont sans doute celles qui se demandent : pourquoi Haïti est-elle un pays si pauvre ? …/… Pourquoi n’analysent-elles pas aussi les réalités qui ont conduit à la situation actuelle en Haïti et à ses énormes souffrances ?

Le plus curieux de cette histoire, c’est que personne ne rappelle à aucun moment qu’Haïti a été le premier pays où quatre cent milles Africains victimes de la traite et de l’esclavage des Européens se soulevèrent contre trente mille Blancs, maîtres de plantations de canne à sucre et de café, déclenchant la plus première grande révolution sociale sur notre continent. Ils écrivirent des pages d’une gloire insurpassable. Ils mirent en déroute le général de Napoléon le plus éminent.

Haïti est le pur produit du colonialisme et de l’impérialisme, de plus d’un siècle d’utilisation de ses ressources humaines aux travaux les plus durs, des interventions militaires et de la ponction de ses richesses.

Cet oubli historique ne serait pas aussi grave que le fait réel qu’Haïti constitue une honte de notre époque, dans un monde où l’immense majorité des habitants de la planète continue d’être exploitée et mise à sac.

Des milliards de personnes en Amérique latine, en Afrique et en Asie souffrent de carences semblables, quoique toutes ne les subissent peut-être dans des proportions aussi élevées qu’en Haïti.

De situations comme celles de ce pays ne devraient exister nulle part sur la Terre, et pourtant des dizaines de milliers de villes et de villages y connaissent des conditions semblables, voire pires, à cause de l’ordre économique et politique international injuste qu’on a imposé au monde. »

Fidel Castro a longtemps dirigé un pays qui, entre autres manifestations d’internationalisme désintéressé, envoie des médecins en Haïti depuis longtemps, et forme des Haïtiens à la médecine. Et ce malgré les difficultés économiques liées au blocus inhumain que continuent d’imposer les Etats-Unis. Qu’est-ce qui justifie ce blocus ? Est-ce encore une malédiction ?

Et l’Afrique, maudite elle aussi ? Ou plus prosaïquement pillée par les maîtres d’antan, dont la très douce France en mal d’identité, et les maîtres du jour ?

Et la Palestine ? Maudite elle aussi ?

Nous évoquerons les réalités bien terrestres que nous impose le crime organisé par les exploiteurs. En Haïti, contre Cuba, en Afrique, et en direct de Naplouse, pour notre « ¼ d’heure en Palestine ».