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3-24, « Doctrine » tactique 19 ou la bible des officiers étasuniens et français

Publie le dimanche 4 juillet 2010 par Open-Publishing
2 commentaires

3-24, « Doctrine » tactique 19 ou la bible des officiers étasuniens et français
(manuel militaire de contre-insurrection traditionnelle baptisé « COIN » (Counter-Insurgency)

« gagner les cœurs et les esprits »

Après l’avoir tester (soit-disant avec succès) en Irak, la tactique d’insurrection donnerait de bon résultats, et en ce qui concerne le théâtre de guerre afghan, si les militaires ont le temps d’appliquer cette théorie en stratégie gagnante, alors… (stratégie développée en trois points et trois lignes d’opération : la sécurité, la gouvernance, le développement) (1) dont le vice-président Biden, avoue que seul la première marche a été accomplie et que le plus gros problème sera de réconcilier la stratégie avec ceux qui la mette en œuvre.
Ceci en théorie seulement, car un autre problème incontournable et de taille est apparu (contenu dans ce constat amère « on est en train de perdre la guerre ») et qui remet en cause l’écart entre les troupes (remettant en cause le mode d’action) que l’état major résume à ce constat : « on ne peut pas faire la guerre contre le moral des troupes », et pour clore le chapitre, la Maison Blanche ainsi que l’Etat major déclarent en cœur : « C’est une guerre américaine. Quand vous êtes actionnaire à 1%, vous n’avez pas la parole. Il n’y a pas de voix stratégique des alliés. » (2)
Le commandement tire parti des avantages comparatifs : la puissance de feu et la technologie, mais la machine (de guerre) revient à ses errements -priorité à la sécurité (en clair, plus de bombardements et par conséquent plus de victimes civiles).

L’agressivité des troupes de l’OTAN monte d’un cran

Depuis le mois de février (date de la première contre-offensive d’envergure contre les Talibans), la montée en puissance des violences s’illustre de deux manières sur le terrain ; le dynamisme de l’insurrection et la nouvelle agressivité des troupes de l’OTAN à laquelle les talibans riposte (3) Les Bombes artisanales (Impovrished Explosive Device, ou IED) font d’énormes ravages dans les troupes de la coalition, plus de 61% de tués. Les assassinats d’agents du régime de Kaboul ont augmenté de plus de 45%. Faits nouveaux des commandos d’insurgés ont tenté des opérations de plus en plus audacieuses et complexes de type commandos contre des objectifs militaires, à Kaboul, Kandahar, Jalalabad, etc. (4)

Cristal, Desportes même combat ?

On apprend que le directeur du collège interarmée de défense (l’école de guerre française), le général Desportes, qui épiloguait sur les difficultés de la stratégie étasunienne en Afghanistan, c’est fait recadré par le chef d’état-major des armées, qui demande au ministre de la défense de se prononcer sur une éventuelle sanction pour cette faute.
Quelle est le contenu de l’épilogue ?
Le général Desportes jugeait que le limogeage du général McCristal, commandant de l’OTAN, ouvrait un débat sur la tactique choisie, au moment même où la situation sur le terrain n’a jamais été pire. Selon lui, le président Obama a chois une voie moyenne qui peine à fonctionner, et il faudra bien revoir la stratégie…
Il renvoyait ce choix au seuls Etasuniens, car cette guerre était selon lui, uniquement étasunienne. Et de deux !

« Doctrine » tactique 19
(Centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF)

Un œil dans le rétroviseur, qui nous ramène au pire moment de la guerre d’Algérie ou de la guerre d’Indochine, mais dont les stratèges français ont tirés des leçons (et certains affirment même que des officiers français les utilisèrent en Amérique latine) et les consignèrent dans un manuel (« Doctrine » tactique 19) qui servit de modèle aux stratèges de l’état-major étasunien. Après l’avoir consulté en détail, on peut se poser des questions, il est vrai, que se posent d’ailleurs Philippe Leymarie dans un article intitulé « Du djebel algérien aux montagnes afghanes- Nouvelle prospérité de la contre-insurrection à la française », (5) ainsi que l’article d’Helena Cobban intitulé « Manuel du parfait soldat » et qu’elle conclut ainsi : « Le général Petraeus sera-t-il « le meilleur et le plus intelligent » d’un corps d’officiers américain qui conduiront à la défaite en Irak ? »
Ces guerres en notre nom ?

NOTES

1) la question est de savoir si les Etats-Unis sont capables d’adapter leur stratégie, conditionnée à une position politique de la Maison Blanche, l’affaiblissement significatif des Talibans sur le terrain (après que les opérations en cours, en février dans la province du Hameland et plus précisément le bourg de Marjah, et la programmation en cours de préparation dans le plus grand fief des *Talibans d’une contre-insurrection dans le Sud patchoune ait porté ses fruits ; mais les talibans ont devancé les troupes de la coalition en entamant une vaste campagne d’assassinats à Kandahar qui pourrait remettre en cause les plans initiaux de cette vaste opération) pour minimiser le coût de la future réconciliation sous les hospices du président Karzaï avec toutes les factions représentatives de l’Afghanistan actuel (et pour faire suite à la tenue fin mai 2010, d’une Jirga (assemblée) de la paix, qui l’a mandaté pour engager la dialogue avec la résistance afghane).
* et seulement après le "démantèlement" de l’organisation militaire des Talibans, qui se résume actuellement à 130 dirigeants ou sous-dirigeants tués ou capturés. Après que le président Obama ait décidé le « surge » (renfort), la résistance talibane s’est déchaînée et les pertes dans les rangs des troupes de la coalition n’ont jamais été aussi élevée (102 morts pour le seul mois de juin 2010 ; mais aucun chiffres précis sur le nombre exact de suicides ou de blessés, car depuis le mois de janvier 2010, on se suicide beaucoup en Afghanistan…)

2) Selon le vice-président, Joseph Biden, les Etats-Unis ont des intérêts stratégiques autres que l’Afghanistan, et sont piégés par une guerre sans fin dont il faudrait sortir… La situation n’a jamais été aussi pire ! Ce qui devrait en principe conduire les stratèges à en tirer les conséquences ; Si les Etats-Unis étaient amenés à opérer sur d’autres fronts, une telle perspective (de leur capacité) ne pourrait souffrir d’entrave.

3) les troupes de la coalition attendent la fin du mois de décembre 2010 qui théoriquement représente la fin de saison des combats ; mais avant cette fin théorique, une vaste opération est en cours (perturbée par la vague d’assassinats de Kandahar), puis le retrait (toujours théoriquement) des troupes de la coalition après Juillet 2011, dont de plus en plus de gens doutent sérieusement.

4) Les Etats-Unis ont perdus plus de mille hommes depuis 2001, et les alliés autant. Curieusement aucune comptabilité n’est tenus du côté des Afghans.

5) notamment dans ce chapitre « Le Clausewitz de la contre-insurrection »

Messages

  • la realité ou les manuels ? :

    05/07/2010 - Ouverture libre

    De McChrystal à Desportes et retour

    On verra sur le site Secret Défense les quelques épisodes de la triste aventure de la réprimande faite à un officier général français qui écrivit dans Le Monde des choses si évidentes que leur démonstration serait un accablement pour l’esprit, – lequel a d’autres chats à fouetter. Résumons tout de même, en nous référant à Secret Défense, cette affaire qui a plus à voir avec le bon sens comme vous et moi qu’avec la défense, et plus avec l’évidence qu’avec le secret.

    • Le 1er juillet 2010, le général Desportes publie un article dans Le Monde critiquant ce qui est fait en Afghanistan et, par conséquent, la présence française dans la guerre menée dans ce pays, mais aussi “nos alliés américains”, etc.

    • Le 2 juillet 2010, le CEMA (chef d’état-major des armées) réagit par les moyens du bord (interview sur Europe n°1), mais majestueusement, avec les mots sacrés qui résonne au loin (“devoir de réserve”, “la Grande Muette”, “ardente oblgation” et j’en passe). Bref, Desportes a mal agi, ce n’est pas bien, au coin jusqu’à la fin de la récré (en langage militaire, cela s’appelle un “blâme” pour Desportes, qui, de toutes les façons, part à la retraite sous peu, – ceci expliquant vastement cela).

    • Le 2 juillet 2010 toujours, le CEMA reçoit le rebelle-insurgé et lui communique toute son insatisfaction. Nous citons Secret Défense car tous les termes ont ici leur incontestable poids caricatural : « Vivement remonté contre les propos du général Desportes, “dans un état sauvage” selon un témoin, l’amiral Guillaud [le CEMA en question, NDLR] n’accorde pas une grande importance au niveau de la sanction qui sera retenu. Il souhaitait essentiellement marquer le coup, estimant que des officiers qui ont “la crédibilité” du général Desportes – auteur de nombreux livres et en charge de la formation des officiers – “devaient s’exprimer avec discernement”. Cette “ardente obligation” s’imposerait notamment vis-à-vis des alliés américains et des militaires engagés sur le terrain, ainsi que de leur familles. »

    Bref, ce qu’a fait Desportes revient à dire ce que dit McChrystal, du côté US, depuis des semaines. McChrystal n’a pas été inquiété jusqu’au moment où il devient très “public”, – également cas de Desportes, – et s’exprime dans, – vous lisez bien, – dans Rolling Stones, publication des hippies et des rock stars. (Cas équivalent pour Desportes, Le Monde étant devenu à Paris la publication des hippies et des rock stars, non ? A moins que nous confondions, oui ? Peut-être, oui et non, on s’y perd)…

    Poursuivons. Cette façon de voir les choses donne ce commentaire si intéressant de Fred Branfman, dans Truthdig.com du 30 juin 2010. (Nous citons le début du texte, le reste étant consacré à l’état évidemment apocalyptique de la marche vers la victoire en Afghanistan de la civilisation occidentaliste, avec nos “amis américanistes”.)

    « It is amazing how little commentary there has been on the key issue raised by the McChrystal Affair : Should U.S. war policy be made by Rolling Stone ? The very fact that it took a magazine article for President Barack Obama to remove Gen. Stanley McChrystal provides the strongest possible reason for allowing Afghan President Hamid Karzai and Pakistan to negotiate a settlement with the Taliban.

     »One point must be understood above all : McChrystal was not fired because he disrespected civilian authority, despised his administration colleagues and was running a dysfunctional operation. He was ousted because he allowed the public to find out—the one unforgivable sin for a U.S. executive branch long accustomed to operating its wars with little public or congressional knowledge or accountability, behind a PR curtain maintaining the myth that U.S. foreign and military policy is conducted democratically.

     »If the Rolling Stone piece had not appeared, McChrystal would still be running the war in Afghanistan, still ignoring e-mail messages from Richard “Wounded Beast” Holbrooke, still feeling betrayed by Karl “Traitor” Eikenberry, still blowing off Joe “Bite Me” Biden and James “Clown” Jones, and still disparaging Barack “Disengaged” Obama.

     »Gen. David Petraeus’ role in the affair is particularly significant. Petraeus is by his own testimony a close personal friend of his protégé, and he was primarily responsible for McChrystal having been appointed to head U.S. forces in Afghanistan. It is inconceivable that he did not know how McChrystal felt about his civilian team members, or was unaware of their inability to work together. If the McChrystal cohort talked this way in front of a reporter, can you imagine how good buds Dave and Stan talk about a Holbrooke, Biden or Obama over a cold one with no one else around ?

     »Petraeus’ failure to act before the scandal occurred means he failed as CentCom commander. One of his major responsibilities was obviously to assemble and deploy a smoothly functioning team to conduct military and political warfare in the Afghanistan-Pakistan theater—one of the most sensitive arenas in which the U.S. has operated since the end of World War II.

     »Petraeus’ failure is matched, of course, by that of Obama and his top advisers. Neither Petraeus nor Obama should have needed a magazine profile in order to reorganize a team that was clearly broken.

    And will this team be able to work together now ? Does Petraeus, who has been chosen to take over military operations in Afghanistan, have any more respect than his protégé for Holbrooke, whom he has referred to as “my diplomatic wingman” ? Does he resent the Eikenberry cables any less, or admire Joe Biden or Barack Obama any more ?

     »Petraeus is, of course, far more politically astute than McChrystal, and is unlikely to allow us to peer again into the dysfunctional mess behind the curtain. Indeed, his many admirers in the media can be expected to convey the message that his new team is functioning smoothly. But it is unlikely that the team that will now run the “AfPak” war will function behind the scenes any more effectively than it did before, because the problem is not one of personalities but policy failure.

     »The lesson of the McChrystal affair is stark : America is losing, badly… »

    dedefensa.org

    http://www.dedefensa.org/article-de_mcchrystal_a_desportes_et_retour_05_07_2010.html

  • ...The very fact that it took a magazine article for President Barack Obama to remove Gen. Stanley McChrystal provides the strongest possible reason for allowing Afghan President Hamid Karzai and Pakistan to negotiate a settlement with the Taliban... etc., etc., etc.

    Bien sûr que non, il faut savoir lire entre les lignes, et tout est à l’avenant. L’essentiel est que ce conflit fut engagé en notre nom, et au nom de fondamentaux intangibles tels la démocratie, la justice, la liberté… Ce conflit est engagé après un choc émotionnel mondial suite à des actions meurtrières spectaculaires. Tout cela est dérisoire en comparaison des vies humaines détruites. L’ironie est une "arme" dérisoire comparativement à des faits aussi graves, mais bon…

    La « société du spectacle » détourne notre attention (ce qui est pleinement son droit puisqu’elle ne rencontre aucune opposition sérieuse), avec la mise en scène de "démissions" bidonnées (Jouyandet et Blanc), pour masquer l’essentiel, comme par exemple le massacre des retraites par répartition, les passerelles de plus en plus évidentes (que certains qualifient de pourrissement des mœurs politiques ou de mélange des genres) entre le personnel politique et le monde de la finance, etc., etc., etc. Pourquoi devrions-nous nous épuiser à commenter ces leurres ?

    sergio