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Remarques sur la manifestation du 4 septembre

Publie le dimanche 29 août 2010 par Open-Publishing
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Remarques sur la manifestation du 4 septembre

Les 49 organisations signataires de l’appel à un rassemblement « citoyen » contre la politique xénophobe et sécuritaire de Sarkozy ont cru bon placer la manifestation du 4 septembre sous la haute autorité du 140ème l’anniversaire de la république. Ainsi l’appel se conclut par « nous appelons à un grand rassemblement citoyen à l’occasion du 140ème anniversaire de la république […] pour dire ensemble notre attachement à la liberté, à l’égalité et à la fraternité qui sont notre bien commun . »

Ici, la référence au 140ème anniversaire de la république n’est pas anodine. Elle emporte une signification politique évidente.

Après le désastre de Sedan le 2 septembre 1870, le peuple de Paris se soulève. Après de grandes manifestations et la prise de l’hôtel de ville l’empire est renversé le 4 septembre. Selon une logique qui rappelle 1830 et 1848, le pouvoir est immédiatement occupé par une poignée de républicains (Jules Ferry, Jules Simon, Jules Favre) qui proclame la république afin d’annihiler l’élan populaire. Représentant d’une fraction de la bourgeoise nationale, nourrissant une haine farouche et une peur panique à l’égard du « petit peuple parisien » jugé trop enclin au désordre et à la revendication égalitaire, ils traitent, sous la férule de Thiers, avec Bismarck pour aboutir finalement à la reddition de Paris et à l’armistice dans les derniers jours de janvier 1871.

Ce gouvernement n’avait qu’une seule ambition : tuer dans l’œuf le « risque » révolutionnaire en désarmant le peuple, quelles qu’en soient par ailleurs les conséquences.

Ainsi naquit la IIIème république, dont le premier titre de gloire fut le massacre des communards lors de la semaine sanglante ! Beaucoup d’autres suivirent !

Bien mal née, sa fin ne fut guère plus brillante. Ce sont les descendants de cette « république des Jules » qui, préférant Hitler au front populaire, votèrent les pleins pouvoirs à Pétain qui s’empressa de promulguer les lois anti juives et conduisit une répression féroce contre les forces révolutionnaires.

La référence au 140ème anniversaire de la république est chargée de cette histoire là. D’une histoire qui rappelle cruellement que la gauche institutionnelle manifeste une méfiance génétique à l’égard du peuple, de la multitude des ouvriers, des pauvres, des sans-titres et des sans-voix ; juste bon à être « chair à voter » après avoir été » chair à canons », il sont disqualifiés par cette gauche qui , avec la condescendance qui sied aux humanistes, les juge incompétents, irresponsables et sans doute aussi trop imprévisibles pour prétendre à l’exercice du pouvoir.

Dans le geste de convoquer le 140ème anniversaire de la république à l’appui de la manifestation du 4 septembre, les 49 organisations signataires de l’appel reconduisent cette méfiance, la portant cette fois sur les banlieues, sur ses habitants, sur ses jeunes qui brûlent des voitures et « même » des bâtiments publics, qui méprisent les règles et les normes, qui refusent l’intégration (aux valeurs du travail aliéné) et qui, surtout, tentent d’échapper au contrôle de l’Etat. Et ça, pour des humanistes de gauche dressés par l’école « républicaine » de Jules Ferry, c’est intolérable ! D’ailleurs, après avoir protesté plus ou moins mollement contre les termes du discours de Sarkozy à Grenoble, quels sont les analyses et les actes de la gauche institutionnelle ? De Destot, maire socialiste de Grenoble, aux élus communistes de l’agglomération, ils ne virent dans les émeutes de la Villeneuve qu’un échec de la politique sécuritaire du gouvernement, déplorant dans une belle unanimité le manque de moyens accordés à la police, exigeant plus d’hommes et de matériels et commençant à quadriller « leur ville » de caméras de vidéo surveillance. Située volontairement sur le même terrain sécuritaire que Sarkozy, la « gauche » en poursuit au fond les mêmes objectifs : dépolitiser les émeutes des banlieues pour,
1) retarder la montée d’une force politique autonome et empêcher sa jonction avec le mouvement social ;
2) dans la perspective « plausible » d’un retour au pouvoir, maintenir un certain niveau de peur qui, dans les temps présents, constitue le plus sûr moyen de son exercice et sa conservation.

Contre cet énième arraisonnement du mouvement populaire, détournons les manifestations du 4 septembre des objectifs que leur a assignés la « gauche ». Transformons les en un acte d’émancipation et d’égalité. La peur doit changer de camp.

Fabrice Sacher
Saint-Martin d’Hères

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