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Pourquoi les syndicats continuent

Publie le dimanche 24 octobre 2010 par Open-Publishing

de Nicolas Prissette

Rien n’y fait. L’adoption accélérée de la réforme au Sénat et les ultimes efforts du gouvernement pour satisfaire la CFDT n’ont pas affaibli la détermination des syndicats. Unis, ou presque, ils ont annoncé cette semaine deux nouvelles journées de mobilisation. La première jeudi, juste après le vote solennel de l’Assemblée et du Sénat, et la suivante le 6 novembre, peu avant la promulgation de la loi par le président de la République.

Ils espèrent toujours rassembler 3 ou 3,5 millions de personnes comme lors des quatre précédentes journées de défilés. Pour sa part, l’Unef appelle les étudiants à manifester mardi. L’Elysée avait parié sur un essoufflement ou sur la division des centrales. "Cette tactique a échoué et leurs provocations nous ont relancés", lance un responsable syndical. La CFDT a même retourné contre le gouvernement le dernier geste en sa faveur, un amendement sénatorial qui jette les bases d’un nouveau régime de retraites, dit par points. François Chérèque l’avait demandé dès l’hiver dernier. Nicolas Sarkozy n’en voulait pas, pour ne pas introduire de la confusion dans sa réforme. Il s’y est résolu. La CFDT a saisi la balle au bond : "Cette ouverture est l’aveu que le texte actuel est insuffisant."

Impossible pour les centrales de rejeter l’appui de l’opinion. Dire aux manifestants de rentrer chez eux était "inconcevable", a défendu Bernard Thibault (CGT). "Les salariés nous demandent de continuer et on le fait", a insisté François Chérèque vendredi sur France Inter. Une majorité de Français approuve : 63 % considèrent que les deux prochaines journées de défilés sont justifiées, selon un sondage Ifop-Dimanche Ouest France. Les syndicats ont pourtant frôlé la rupture la semaine dernière. Les réformistes, CFDT, Unsa, CFTC et CGC, auraient pu lâcher la CGT, la FSU, Solidaires et FO, où s’expriment des voix plus radicales. Motif : les élus du peuple ont voté, la loi doit être reconnue et le jusqu’au-boutisme ne paie pas. Mais le clash n’a pas eu lieu.
"Nous avons gagné la bataille de l’opinion "

La CGT et la CFDT n’ont pas voulu non plus se couper de leurs fédérations les plus dures, ports, rail et chimie pour la première, et transports pour la seconde, lancées dans des mouvements reconductibles. Les centrales ont néanmoins pris le soin d’appeler "au respect des biens et des personnes" pour se démarquer d’éventuelles violences. Les enjeux vont au-delà de la réforme en cours. Tous les syndicats tentent en effet de conquérir de nouveaux adhérents et leur droit à négocier dépend désormais des suffrages recueillis aux élections professionnelles. Sauf coup de théâtre, les syndicats n’auront pas modifié en profondeur la réforme du gouvernement, dont les grandes lignes étaient prêtes dès l’an dernier. Mais ils estiment sortir grandis de l’affaire.

"Nous avons gagné la bataille de l’opinion, convaincue que cette réforme est injuste", défend Marcel Grignard, le numéro deux de la CFDT, surnommé "le stratège" en interne. "C’est positif à tous points de vue. Certains salariés découvrent les syndicats, créent leurs sections", se félicite Nadine Prigent, qui représente la CGT dans l’intersyndicale. Les leaders attendent avec mordant la main que l’Elysée a promis de leur tendre après la réforme. "Il y a des sujets très lourds à traiter, comme l’emploi des jeunes ou l’avenir de l’industrie mais le gouvernement ne peut pas espérer que nous faisions ami-ami", lâche Marcel Grignard. A l’Unsa, syndicat modéré qui était prêt, la semaine dernière, à lâcher ses banderoles, Jean Grosset avertit l’Elysée dans des termes à peine voilés : "Nous sommes pour le dialogue, mais nous ne serons pas amnésiques."

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