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Les bloqueurs et les camions fous

Publie le vendredi 29 octobre 2010 par Open-Publishing
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Il était une fois, hier, une centaine de personne qui bloquent la plateforme de distribution à Bassens, près de Bordeaux, dès 10h. Ils attendent une relève dans l’après midi, relève à laquelle je fais partie, une fois la manif terminée... J’arrive donc avec des copains vers 16h30 pour prêter main forte. On se trouve du côté de l’entrée de la plateforme, au bord d’une 4 voix. Une voix de décélération permet aux camions d’arriver pas trop vite. Notre but n’est pas de les empêcher d’entrer, mais de les prévenir qu’une fois entrés, ils ne pourront pas ressortir. C’est assez calme.

Un militant ici depuis 10h nous dit que tout de même ça a failli chauffer ce matin, que les salariés étaient super tendus parce que leurs patrons avaient réussi à leur faire avaler qu’ils seraient pas payés si ils bougeaient pas. Il leur ont dit de foncer, "quitte à en écraser". Heureusement un militant présent connaissant parfaitement le code du travail a pu leur préciser les droits qu’ils avaient, et surtout leur dire que le patron se foutait bien de leur gueule. Certains ont réussi à sortir en marche arrière par la voix d’entrée, d’où notre présence de ce côté du dépôt.

Bref.

Le temps passe, heureusement il fait beau, on discute, rien à signaler. On est une quinzaine de ce côté ci du dépôt, les autres bloquant la sortie, de l’autre côté. Deux camions ont déjà manœuvré à l’intérieur pour se garer pour passer la nuit à l’intérieur du dépôt. Les chauffeurs discutent avec les bloqueurs. Quelques camions entrent, et certains comme des bourrins, sans même ralentir devant nous. A posteriori, je me dis que ça doit être le même qui nous a foutu une sacrée frousse plus tard... Il est 19h30 environ, la température a bien baissé, mais ça va.

Un camion fait une manœuvre à l’intérieur, un copain et moi nous trouvons bizarre l’angle qu’il prend, aussi nous alertons les autres qu’il risque de tenter le passage en marche arrière, nous nous regroupons sur le passage, le camion fait mine de se garer pour la nuit, le chauffeur discute avec un autre, notre attention se relâche, il remonte dans son camion, et là, à la surprise générale, on entend le moteur vrombir, on se place tout de suite dans le passage, deux poids lourds se sont mis d’accord pour forcer le passage, et ils démarrent et foncent droit sur nous.

La vitesse qu’ils ont réussi à prendre ne leur permet pas de ralentir, alors que nous sommes sur leur passage. Grosse poussée d’adrénaline, les copains se mettent tous à crier, le routier nous fait un signe, je me souviens plus trop si c’est un doigt ou quoi, mais en tous cas, les deux camions sont passés en force, il a fallu nous pousser à la dernière seconde, l’un de nous, s’il n’avait pas été tiré en arrière avec un copain, aurait été écrasé, il pensait vraiment que les camions allaient ralentir et était resté sur le passage.

Ils sont passés comme des bourrins, et pour pouvoir passer comme ça, il a fallu qu’ils prennent environ 300 mètres de cette 4 voix à CONTRESENS, parce que je vous rappelle qu’on était côté entrée, on a donc vus, consternés, et surtout très flippés, deux camions énormes et chargés prendre une 4 voix à contresens et à burnes. Heureusement, putain mais HEUREUSEMENT qu’ils ne se sont pas pris de bagnoles en face, ça aurait été un vrai carnage.

Tout ça pour quoi ? Pour une journée de travail perdue, de la marchandise de merde pour un supermarché de merde, risquer des vies pour du travail, là j’ai pris conscience de l’ampleur du problème qu’on avait, et de l’incommensurable aveuglement dont est victime de pauvres types, pour un salaire de misère. Sans compter la désinformation dont ils ont dû être victimes, il y a fort à parier que leurs patrons leur ont bien bourré le mou qu’ils ne toucheront rien s’il ne forcent pas le passage. Quitte à nous écraser.

Le salaire de la peur, donc.

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