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Congrès du PG : La réactualisation de l’illusion réformiste

Publie le dimanche 21 novembre 2010 par Open-Publishing
11 commentaires

Tribune Libre, publée dans Le Monde, le 19-11-2010

Le congrès annuel du Parti de gauche va s’ouvrir sur une belle ambiguïté. Popularisée par Jean-Luc Mélenchon, la « révolution par les urnes » est censée porter la même radicalité que Besancenot (la révolution)… tout en étant réaliste. La révolution, la vraie, c’est fini n’est-ce pas ? Après l’échec des révolutions du siècle passé admettons honnêtement que la question se discute. Alors vive la « révolution par les urnes » ? Holà ! Qu’on prouve fausse l’affirmation que ce fromage est du roquefort implique… que ce n’en est pas. Mais si on affirme que c’est du gruyère, il faut le prouver à nouveau frais. La difficulté d’en faire la preuve dans le livre Qu’ils s’en aillent tous montre que ce n’est pas chose aisée. Laissons de côté les pays lointains où les conditions sont très différentes. Où donc nos camarades du Parti de gauche, avec qui nous partageons nombre de combats de tous les jours et c’est heureux, ont-il vu possible une « révolution par les urnes » dans notre beau pays de France ? Aucune des Républiques successives, y compris la première, chère à Mélenchon, ne s’est installée par « les urnes ». Des révolutions, de tout type (ratée, réussie, inachevée, réprimée), on n’en manque pas. « Par les urnes », pas une seule. On a eu en revanche trois secousses brutales en 80 ans : juin 1936, 1944, mai 1968. On peut les relier à l’essentiel des grandes conquête sociales.

Le Front Populaire, 1936. La droite perd les élections. « Modération » dit Blum ! Mais la grève démarre, s’étend, puis explose. C’est d’elle (et d’elle seule) que procèdent tous les succès sociaux, dont les fameux congés payés et la semaine de 40 heures qui n’étaient pas dans le programme du front électoral de gauche.

La Libération. Tous les acquis sociaux sont contenus dans le programme du Conseil national de la Résistance. Loin « des urnes », il lui a fallu une guerre mondiale (excusez du peu) et la Résistance. Certes, il ne s’agit pas d’un programme socialiste. Mais il prévoit quand même, entre autres, la nationalisation de l’énergie, des assurances et des banques, la création de la Sécurité sociale, le droit de vote pour les femmes. Et ces points seront engagés dès la mise en place du gouvernement, et avant toute élection.

Mai 68. Qui se souvient que les élections de juin 1968 ont vu un raz-de-marée historique en faveur de la droite ? Et en l’occurrence la mémoire populaire a raison. Elections ou pas, le « Joli mai » a bouleversé les consciences et les rapports de force, et, indépendamment même des maigres avancées des accords de Grenelle, le ton sera donné pour plus de dix ans. La poussée du mouvement des femmes arrachera le droit à l’avortement… d’un gouvernement de droite. Même la construction du PS d’Epinay et son succès de 1981 ne sont que les ombres portées du grand ébranlement.

Et au regard de ces succès historiques, qu’est-ce que « les urnes » ont apporté ? 1981 ? Allons… Soyons beaux joueurs et admettons des avancées notables (la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans que nous défendons aujourd’hui). Plus l’épisode singulier que constitue l’abolition de la peine de mort. Puis les longues années du renoncement, de la trahison des promesses, et enfin le basculement dans la gestion libérale dure. Et ceci jusqu’au gouvernement de la gauche plurielle. Fin, le 21 avril 2002, dans la catastrophe, pour cette « révolution par les urnes ».

Sans doute pour ses partisans cet épisode n’est pas la « révolution par les urnes » attendue. Donc confirmation : la « révolution par les urnes » n’a jamais montré le bout de son nez. C’est en fait une recherche et un espoir pour le futur ? Bien irréaliste ! En effet : écoutez les discours de Blum, puis ceux de Dominique Strauss-Kahn ou de Martine Aubry. Vous sentez la différence ? Comment ce qui n’a pas été possible avec les socialistes de l’époque, entièrement dans le cadre « des urnes » évidemment, mais qui gardaient encore la référence prolétarienne au cœur, pourrait l’être aujourd’hui avec des sociolibéraux décomplexés, n’ayant toujours pas tiré le bilan des désastreuses années Mitterrand/Jospin ? D’où une conclusion têtue : la révolution, c’est… la révolution, bouleversement général impossible à imaginer dans les institutions en place. Et une autre conclusion qui ne l’est pas moins : si tu veux obtenir des réformes (pour peu qu’elles aient une certaine ambition), prépare la révolution !

Ainsi, même inaboutie, la mobilisation sur les retraites aura des effets majeurs dans le rapport de force avec le pouvoir. Le plus grave aurait été une défaite sans la lutte. Le défi a été relevé, et c’est de la plus haute importance. Or, au moment où se posait la question de l’extension sur le terrain de la grève, Jean-Luc Mélenchon, solidaire pourtant avec nous des grévistes, bataillait pour… les urnes, par un référendum cette fois-ci. Mais comment obtenir de M. Sarkozy un référendum qui évidemment n’aurait que confirmé le désaveu que montrait déjà la rue ? Si ce n’est justement… par la rue et la mobilisation sociale ! On n’en sort pas : la révolution par les urnes, à la mode référendaire en l’occurrence, c’est un couteau sans dents.

Il n’y a pas l’ombre d’un doute que dans un pays comme le nôtre, les élections sont d’une importance décisive pour l’expression des évolutions politiques et idéologiques. De même la présence institutionnelle y est un enjeu majeur. La combinaison de l’activité dans les deux sphères est à discuter, à redéfinir en permanence. Nul ne sait à quoi ressemblerait une révolution dans le futur. Certainement pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, un « grand soir » qui n’a jamais existé dans aucune révolution passée. L’important dans ce débat est que dans tous les cas et de toutes manières, c’est en dehors de la sphère parlementaire que se joue le rapport de force principal. De ceci, en tout cas, le passé en atteste. On peut défendre que ce qui fut vrai est devenu faux. Mais de révolution par « les urnes », point.

Réactualisation de l’illusion réformiste, le « mélenchonisme » est mille fois préférable au réalisme froid des énarques socialistes. Mais pour ce qui est de changer de système, si le chemin qui mène à la Rome écosocialiste est difficile à tracer, celui de Mélenchon est à coup sûr une impasse.

Ingrid Hayes, Samy Johsua, membres du conseil politique du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)

Messages

  • Moi, j’aime bien le ton et les analyses de cet article. Comme je ne suis dirigeant d’aucune organisation, j’aurais tendance à rajoûter 2 ou 3 choses à propos du courant mélenchonniste.
     JL Mélenchon se prononce pour le rattachement de la Wallonie à la REPUBLIQUE FRANCAISE, un exemple parmi d’autres de sa propension à flatter le chauvinisme des français.
     Lors de son interview par Daniel Mermet je l’ai entendu dire à propos de Mitterrand :"le vieux ne nous a jamais trahi"
     Il joue actuellement sur du velours en suscitant des comparaisons entre son style et celui de feu Georges Marchais. On comprend pourquoi il le fait mais il existe quand même des modèles plus glorieux que Jojo.
     Le parti de Gauche me paraît un peu trop bien tenu par JLM et ses sbires : les votes des résolutions sont "soviétiques", les amendements sont rejetés ou acceptés avec des votes tout aussi archimajoritaires.
    Tout ça en bref et dans le désordre pour dire que je n’ai aucune confiance dans ce ZOZO.

  • Lorsqu’on suit assidûment les commentaires du blog de Melenchon on y trouve des choses... étonnantes. Par exemple des encartés PG qui apprennent la tenue de leur Congrés en allant sur le blog de Melenchon !!! (1)

    Des commentaires qui sont là uniquement pour faire joli, racoler, et montrer à quel point le PG c’est bien, même si ces commentaires sont totalement à côté de la plaque) (2)

    Enfin des commentaires qui apparaissent, fugitivement et qui sont effacés très vite... (3)

    Sans oublier les commentaires qui ne sont pas pris en compte (retenus par le modérateur et jamais publiés) au moyen d’une soudaine modération à priori lorsque les commentateurs sont soupçonné de ne pas être des Melenchonâtres pur jus (c’est mon cas... et je ne suis, certes, pas le seul)

    (1) Ainsi, lui, qui tombe des nues :

    dudu87 dit :
    20 novembre 2010 à 10h01

    Bonjour à vous,

    AH ! bon... Le congrès du PG, c’est ce week-end ! J’ai relu 2 fois le titre de l’article pour être sûr d’avoir bien lu.
    J’espère et souhait que les adhérents, militants du PG n’ont pas eu ma surprise...
    Alors... Bon congrès à vous toutes et tous, bon travail !

    Mais une question : Le PS et 2012 ne sera t-il que le FIL ROUGE de ce congrès ?
    Posez la question n’est pas une simple réponse...

    (2) Ainsi celui-ci :

    Gérard Bavant dit :
    21 novembre 2010 à 0h28

    @dudu87 : il suffit d’être adhérent du PG pour recevoir toutes les communications du PG... entre autres d’être convoqué en AG pour désigner les délégués au Congrès... voire être soi-même délégué.
    Vous n’avez plus qu’à prendre votre carte...

    (3) Voici ce fugitif :

    Traban vicit dit :
    21 novembre 2010 à 0h36

    @ Gérard Bavant, 0h28

    Il me semble que celui à qui vous vous adressez (dudu87) est suffisamment clair : il est lui-même adhérent du PG ! Et vous lui conseillez d’en devenir adhérent !! Et de prendre sa carte lui qui l’a déjà !!!

    Relisez, ou plutôt lisez ce qu’il écrit (c’est le 20/11 à 10h01) : vous verrez que cet adhérent du PG, cet encarté, apprend la tenue du Congrés de son propre parti à la lecture de ce blog...

    Il me semble que ça pose question, non ?

    Résumons : un adhérent du PG ne sait pas qu’un Congrés du PG se déroule, et vous tout ce que vous trouvez à lui dire c’est qu’il devrait adhérer au PG...

    C’est à se tordre !

  • JE n ai pas bien compris le début de l article ou l on semble opposer la révolution par les urnes de MELANCHON à la révolution tout cours de BESANCENOT , les auteurs de cette contribution pourrait-ils nous éclairer ? que je sache le NPA se présente à toutes les élections ( je ne lui reproche pas) et je n ai jamais entendu BESANCENOT dire que le pouvoir ne devait être conquis autrement que par une victoire électorale , celle-ci devant évidemment être la concrétisation des luttes et entrainer le contrôle du pouvoir par les travailleurs ...
    merci de m apporter ces précisions qui manquent à ma culture révolutionnaire .

    • Vous nous faites suer là les gars et vous amusez la galerie

      La REVOLUTION n’est à personne, même pas à nous les communistes, parce que à ce compte de nullité politique et d’attaques du Kapital, elle pourrait même bien finir par appartenir aux fachos !

      LA révolution par les urnes, quiconque s’en revendique est une FUMISTERIE et un énorme MENSONGE.

      Prétendre que c’est ce qui s’est passé à Caracas ou en BOlivie, c’est MENTIR encore plus

    • Olivier besancenot utlise les elections comme une tribune ou il met en avant la necessite d un nouveau mai68 reussi .Le npa en se presentant quand il a des elus defend les memes revendications que dans les luttes et contrairement a d autres n a pas un double language .Le npa defend la perspective d un gouvernement des travailleurs de rupture il est pret a discuter des mesures que celui ci devrait prendre avec la gauche anticapitaliste mais contrairement au pg et au pc ne va pas entamer des negociations avec le ps et ee en vue d un accord de gouvernement .Unite dans l action independance par rapport au ps !

    • MERCI tu confirmes , contrairement aux rédacteurs de la contribution , que BESANCENOT et le NPA veulent également faire la révolution par les urnes ...TOUT COMME MELANCHON , alors si il y a divergence sur l utilision d une victoire électorale il n y a pas de divergence sur la méthode ...

    • BESANCENOT et le NPA veulent également faire la révolution par les urnes ...

      Non, l’article dit l’inverse : la révolution par les urnes ne nous (npa) semble pas une perspective crédible et réaliste dans la situation de ce pays. Le résultat des urnes peut en revanche constituer un des éléments non essentiel mais aussi non négligeable qui influent sur le rapport de force entre les classes, qui est la clé du changement. L’élément central restant la mobilisation des salariés et la menace sur les profits (par la grève, le blocage de la production...).

      Chico

    • CHICO je dis comme toi que l article prétend que MELANCHON veut faire la révolution par les urnes et pas le NPA , mais je prétends que le NPA à la même tactique que MELANCHON prendre le pouvoir par les urnes et TU peuX toujours faire des contorsions rhétoriques pour expliquer le contraire , la vérité c est que le NPA se présente à toutes les élections et analyse très sérieusement ses résultats ... LA MOBILISATION RESTE L ELEMENT CENTRAL SELON TOI , encore heureux , mais le PG , le PCF , LO disent la même chose et sont aussi présents que le NPA dans les luttes même si je sais que tu vas dire le contraire en bon inconditionnel ,faire passer le NPA pour un parti qui veut faire la révolution autrement qu en utilisant les élections est une contre vérité et illusoire , j ai entendu d ailleurs BESANCENOT au grand journal de canal + sur un ton très conciliant dire que le NPA ETAIT RESPECTUEUX de la démocratie ( sous entendu parlementaire) et reconnaitre qu être révolutionnaire aujourdhui n avait pas le même sens qu il y a quelques décennies et de continuer en expliquant que faire la révolution ce serait de faire un mai 68 réussi , rappelons pour mémoire qu après avoir vu 9 millions de travailleurs en grève et le gain de multiples avantages sociaux , la droite a obtenu une victoire écrasante aux élections qui a permis de conserver le système capitaliste et la remise en cause progressive des acquis de 68 , a contrario réussir un nouveau mai 68 impliquerai donc le mouvement des masses et une victoire électorale de la vraie gauche , alors révolution par les urnes ou révolution autrement revient à faire la même chose : lutter et voter .