Accueil > Sécu, gouvernement, Constitution Européenne : une raison de plus pour dire "NON"

Sécu, gouvernement, Constitution Européenne : une raison de plus pour dire "NON"

Publie le dimanche 5 décembre 2004 par Open-Publishing
9 commentaires

de Patrice Bardet

La constitution européenne que l’on nous a "concoctée", des plus obscures, soumet le droit social au fourches caudines du libéralisme.

La Sécurité Sociale, actuellement monopole public en France, est SIEG (Service d’Intérêt Économique Général) dans le jargon européen. Or, tout SIEG peut être (doit) être assumé sans limiter la "concurrence" : cela ne garantit en rien donc que la Sécu restera ce qu’elle est "entreprise de droit privé" chargée d’une "mission de service public", assurant de fait un "monopole public",

bien au contraire !

L’article I-3-2 met la « concurrence » au rang de valeur constitutionnelle fondamentale : L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.
L’article III-166 dispose : Les entreprises chargées de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de la concurrence, dans la mesure où l’application de ces dispositions ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.

Allons nous laisser faire ?

un article paru dans le Parisien du 15 novembre 2004 laisse pour le moins dubitatif :

"Sécu : Douste et le monopole Philippe Douste-Blazy serait parfaitement informé de la fin programmée du monopole de la Sécu.

Interrogé par le docteur Esquirol sur la reconnaissance, par le ministère de la Santé, de l’abrogation des monopoles en matière de protection sociale, afin de se conformer à l’Europe, un de ses conseillers a eu le 29 octobre, une réponse limpide : « Le ministère est parfaitement au courant, mais, pour le moment, le ministre nous a dit que ce serait un suicide politique d’annoncer une chose pareille.
Si le ministre annonçait la fin du monopole de la Sécurité sociale, cela soulèverait, dans l’opinion, une trop grosse vague de protestations. "

Les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE donnent déjà le cadre légal de la privatisation totale de la Sécu. Le projet de Constitution offre le prétexte contraignant !

Le PDG de Buffalo Grill Christian Picard proposait récemment à ses 5500 salariés une assurance privée européenne remplaçant la Sécu !

Les assureurs Français, pour leur part, assurent...ne pas être encore prêts, mais...

Après les PTT ( La Poste, France-Télécom), EDF/GDF, la SNCF, l’ANPE, l’école envahie par les patrons... le tour de la Sécu (après le référendum ...sur la Constitution) ?

La "réforme" Douste-Blazy ( on achève bien les chevaux !) fait la part belle aux assurances privées : le patronat ne s’y trompe pas !

Il revient
 dans les "conseils de surveillance" de la Sécu, où les syndicats de salariés sont devenus totalement minoritaires
 Guillaume Sarkozy est vice-président de l’UNCAM et de la CNAM (présidée par son allié CFDT)
 à la présidence de la commission des AT/MP

Un démantèlement préparé de l’intérieur

Le Pro-Consul directeur de l’UNCAM et de la CNAMTS, Frédéric Van Roekeghem, successivement ancien directeur chez AXA, puis directeur général de l’ACOSS (organisme gérant les cotisations Sécu), puis directeur de cabinet de Douste Bla Bla, a "concocté" la "réforme" , décidera seul des niveaux de remboursement, donc de la part de "marché" concédée au privé !

En échange de bons procédés, l’ancien directeur de l’ACOSS, Jean-Louis Buhl, vient d’être nommé directeur de cabinet de Douste Bla Bla !!! Extrêmement bien placé après avoir connu de « l’intérieur » la Sécurité Sociale pour mettre en œuvre son démantèlement accéléré, non ? L’un des « durs » qui voulait dénoncer la convention collective des personnels de la Sécurité Sociale...

Daniel Lenoir, ex directeur général de la CNAMTS, est nommé...directeur général de la Mutualité Française.

Alain Coulomb, qui a fait l’essentiel de sa carrière dans divers organismes de sécurité sociale comme la Caisse d’allocations familiales de la région parisienne et la Caisse d’assurance maladie du Val-d’Oise a été chargé par Douste-Blazy d’une mission de réflexion sur le contenu et le déploiement du DMP.

La liste des privatisations rampantes est longue...

 Créé par la loi Douste-Blazy, le DMP (dossier médical personnel/partagé) sera géré par des concessionnaires privés -tous liés aux grands groupes financiers-, au lieu de l’être par la Sécu. Un vrai pactole, puisque le coût de ce DMP est évalué entre 5 et 30 euros par assuré social et par an.

 La Cnil a donné le 9/11/2004 un premier feu vert à la transmission de données de santé réclamée depuis des années par les organismes complémentaires. Deux autres projets ont été déposés par AXA-Groupama et le groupe Swiss Life.

 Cegetel (Vivendi Universal) a cédé Réseau Santé Social à la SSII spécialisée dans la santé CompuGroup. RSS est gestionnaire des flux SESAM-Vitale depuis 1998 dans le cadre d’une concession de service public.

 La CNAMTS a choisi le groupe Atos Origin pour l’accompagner dans la phase pionnière du projet Diadème, le projet national de gestion électronique des flux documentaires des Caisses primaires.

Etc, etc...

On étouffe la Sécu

Pendant ce temps, on réduit l’informatique de la Sécurité Sociale à peau de chagrin, des pans entiers sont soumis à la "concurrence". Les caisses nationales, dirigées par de hauts fonctionnaires d’Etat, contribuent ainsi au démantèlement de l’institution.

Des milliers d’emplois vont être supprimés dans les caisses de base : mutualisation des moyens, regroupements forcés, abandons de missions de service public, recentrage sur le "cœur de métier", certification ISO 9001 obligatoire, tout est mis en place pour transformer ce service public en service marchand.

On ne peut négliger que cette norme ISO décrit toutes les procédures de travail, les industrialisant. Quand ces procédures sont entièrement décrites, le travail peut être fait en tout ou partie par n’importe quel salarié, n’importe quelle entreprise privée.

Ouest France, dans son édition du 18 août, faisait part d’une "offre" d’une société de "services" auprès des directeurs de Caisses Primaires d’Assurance Maladie : il s’agit de prendre en charge les dossiers des assurés sociaux du régime général des salariés !

Le vocabulaire interne dans les organismes de Sécu change : l’exemple le plus flagrant est le terme de "client" (achetant un "service", un "produit") qui remplace dans toute la "communication" interne et externe le terme "d’assuré social" ayant des droits...

Pour le personnel de la Sécu, on introduit l’individualisation à outrance, les objectifs personnels, le management par objectif, la relation "client-fournisseur", les primes d’intéressement collectives et individuelles, la concurrence entre les services voire entre les agents, les primes individualisées, on détruit les garanties collectives, les collectifs de travail : tout est fait pour construire pour chacun "ma petite entreprise dans ma tête". Que certains syndicats de salariés participent activement au grignotage en dit long sur le « consensus » laissant le champ libre au patronat.

Consensus des "libéraux" et des "Socio-Libéraux" ?

Le précédent gouvernement « socialiste » avait entamé le système solidaire par manque de courage politique : si la CMU ( Couverture Maladie Universelle) représente bien un progrès, elle peut déjà être fournie par la Sécu, une « mutuelle », une assurance privée, soumises entre elles à la "concurrence européenne".

Pourquoi ne pouvait-elle pas être assurée par la Sécurité Sociale, dont c’est la vocation, d’être « sociale » ?

L’important était bien pour les assurances privées de "mettre un pied" dans la Sécu, non ? Vous avez dit dérive ??? ou véritable volonté politique partagée ???

Laisser faire, ou RESISTER ?

Par notre indifférence, notre inaction, notre résignation, notre désintérêt, nous contribuons à effacer toute trace du Conseil National de la Résistance !

Cette constitution européenne ouvre la voie à la compétition sauvage, fournit le cadre "légal" au démantèlement des services publics, nés des nationalisations, parmi lesquels la Sécu, pourtant conquise de haute lutte par certains syndicats ouvriers.

Est-ce légitime, est-ce ce que nous voulons laisser à nos enfants , est-ce la société que nous voulons construire ? Celle d’une société du « risque » chère aux patrons, où la seule « sécurité » sera celle du capital ?

RESISTER, c’est aussi militer pour le "NON" au capitalisme constitutionnalisé

Patrice Bardet, salarié de la Sécu, délégué syndical Ufict-CGT (révocable par les syndiqué-e-s)

Messages