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NON à ce qu’on appelle erronément la "Constitution européenne" !

Publie le dimanche 19 décembre 2004 par Open-Publishing

de Bernard WESPHAEL, député au Parlement Wallon

Arrêtons de culpabiliser et osons dire « non » !

On peut dire « non » au Traité établissant une Constitution pour l’Europe qu’on nous demande aujourd’hui de ratifier et être néanmoins un farouche partisan de la construction européenne. On peut même refuser ce projet de Traité constitutionnel au nom même des idéaux qui sont à l’origine de cette formidable aventure de réconciliation des hommes et des peuples qu’est l’entreprise européenne. C’est mon cas et je revendique cette position de refus comme démocrate, comme citoyen et comme écologiste.

Nombreux sont les partisans du « oui » au Traité établissant une Constitution pour l’Europe qui ne reculent pas devant l’amalgame. Ils n’hésitent pas à dire ou à laisser entendre que ceux et celles qui s’opposent à la ratification de ce Traité sont des nostalgiques ringards, peu ou prou intellectuellement proches des partis nationalistes et de la droite la plus conservatrice ou la plus extrême.

L’argument est d’autant plus utilisé qu’il a pour but d’éviter le débat sur le fond en culpabilisant tout vrai démocrate qui s’étonne, s’inquiète et se culpabilise d’ainsi se retrouver en pareille compagnie.

L’argument du compagnonnage avec l’extrême droite est aussi puéril que le fait d’affirmer que les partisans du « oui » sont nécessairement tous des néolibéraux, des amis ou des vassaux des milieux financiers et patronaux européens, du MEDEF et du baron Seillières ! Autant de personnages qui rêvent de l’Europe comme d’un grand marché ouvert, où la concurrence serait libre et d’où aurait été éradiquée toute norme sociale ou environnementale.

Le projet européen s’est construit sur l’idée d’édifier un espace humaniste, solidaire et généreux, s’articulant sur un idéal de paix et de liberté dans l’égalité et la fraternité.

C’est en Europe que s’est forgée la conviction que les hommes et les femmes sont libres et autonomes, qu’ils ont des droits individuels (liberté d’opinion, d’expression, de conviction, d’association, ...) et des droits collectifs (droits à la santé, à l’éducation, à la culture, au travail, au logement, à la sécurité sociale, ...) inaliénables. C’est la grandeur de l’Europe d’avoir enfanté les droits de l’Homme et les libertés fondamentales. C’est son devoir de les concrétiser.

L’idée européenne s’est aussi édifiée sur le postulat que les pouvoirs publics ont pour mission essentielle et irremplaçable de créer et d’assurer les conditions dans lesquelles ces droits et libertés inaliénables peuvent devenir une réalité pour le plus grand nombre. C’est aujourd’hui encore ma conviction la plus profonde et je suis de ceux et de celles qui pensent que la nécessaire adaptation des services publics n’a strictement rien à voir avec leur démantèlement.

Je suis un Européen convaincu. Je ne veux ni un retour frileux à l’Etat nation ni un repli régionaliste ou identitaire. Mon combat n’a donc rien de commun avec les nostalgiques de l’Ancien Régime ou les tenants d’un retour aux frontières. Je suis un Européen convaincu, mais je n’ai rien en partage avec les partisans du néolibéralisme les plus débridé. Je veux une Europe qui soit politique et non pas seulement économique et financière. Je veux une Europe humaine, une Europe sociale, une Europe environnementale, une Europe fiscale, une Europe généreuse, une Europe démocratique et une Europe citoyenne.

C’est de cette Europe humaniste et fraternelle que je rêve. C’est parce que je me résigne pas à l’Europe des commerçants et des banquiers qu’on nous prépare, que je refuse le Traité établissant une soi-disant Constitution pour l’Europe et que j’en appelle aujourd’hui avec la plus grande énergie à la renégociation du Traité, ainsi qu’à la mise en marche d’une avant-garde ouverte de pays désireux de construire cette Europe à laquelle j’aspire pour mes enfants.

C’est dans cet esprit que je vous demande de lire la contribution qui suit. Même si le Traité constitutionnel devait finalement être ratifié dans les vingt-cinq pays de l’Union, il faut que les partisans du « non » se fassent suffisamment entendre et soient assez nombreux pour que nul ne puisse oser voir dans une victoire du « oui » un blanc-seing pour la néolibéralisation de l’Europe.

Bernard WESPHAEL


« NON à ce qu’on appelle erronément la "Constitution européenne" ! »

Bernard WESPHAEL,

Liège, le 8 décembre 2004

C’est le 29 octobre dernier qu’à Rome, les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-cinq Etats membres de l’Union européenne élargie ont signé le Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Disons-le tout de suite, ce nouveau Traité de Rome est un avatar remanié et amoindri[1] ­ par une énième conférence intergouvernementale ­ du projet que la Convention européenne présidée par Valéry Giscard d’Estaing a adopté par consensus les 13 juin et 10 juillet 2003.

Ledit Traité établissant une Constitution pour l’Europe ne se laisse facilement ni lire ni résumer[2]. Certes, les conventionnels de Giscard d’Estaing n’ont véritablement travaillé que sur les soixante articles qui constitue la première partie du Traité constitutionnel[3], mais celui-ci n’est pas moins une brique épaisse de 448 articles[4], auxquels il faut encore ajouter 603 pages de Déclarations, Protocoles et autres annexes, qui sont « partie intégrante » au Traité (cfr art. IV-442) et dont la lecture est d’ailleurs souvent nécessaire pour comprendre et interpréter les articles dudit Traité.

1. L’ensemble totalise quelque 955 pages et plus d’un kilogramme de papier.

On est donc à cent lieues du texte court, simple et compréhensible par tous qu’est nécessairement une bonne et vraie constitution. Plus modestement, on est même encore très loin de « la simplification des traités » qu’appelaient de leurs vœux les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis à Laeken en décembre 2001.

En principe, une constitution organise les pouvoirs et énumère les droits et les devoirs des citoyens. Parfois, elle consacre l’existence de droits individuels et collectifs, dont elle confère aux pouvoirs publics l’obligation de garantir le plein exercice. Avec le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, que les vingt-cinq Etats signataires sont aujourd’hui invités à ratifier pour le 1er novembre 2006 au plus tard[5], on est confronté à un texte d’une autre nature.

En fait, ce Traité est un véritable fourre-tout. On y trouve des tas de choses qui n’ont strictement rien à voir avec une constitution digne de ce nom.

Entre autres, on y trouve ­ en quelque sorte « sacralisés » - des choix idéologiques très clairs, qui n’ont rien à faire dans une constitution, car ils doivent pouvoir être à tout moment remis en cause par les citoyens dans le cadre du débat politique et n’ont donc pas à être « coulés dans le bronze »[6] d’un texte qui devrait être « au-dessus de la mêlée » (puisque à vocation constitutionnelle) et qui est le plus souvent présenté comme tel.

En fait, l’intitulé même du Traité (Traité établissant une Constitution pour l’Europe) est une tromperie[7] ! Il n’en demeure pas moins que ce texte est lourd d’une Berezina démocratique, sociale et environnementale.

C’est ainsi que le Traité établissant une Constitution pour l’Europe ne garantit les droits et obligations relatifs aux droits fondamentaux des personnes[8] que dans la mesure où ils ne limitent ni la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, ni la liberté d’établissement des personnes exerçant une activité économique, mais aussi la liberté d’établissement des entreprises (cfr art. I-3,2 ; I-4,1 ; I-5,2 ; II-Préambule ; II-111 et II-112)[9].

2. A plusieurs reprises, le texte affirme explicitement que l’Union européenne se construit sur « le respect du principe d’une économie de marché où la concurrence est libre et non faussée » (art. I-3,2 ; III-177, III-178 et III-185).

Il est aussi dit que le développement de l’Europe est fondé sur une économie de marché « hautement compétitive » (art. I-3,2). Il n’y a guère qu’à l’article I-3,3 que cette économie « hautement compétitive » est qualifiée de « sociale ». Partout ailleurs où cette économie de marché « hautement compétitive » est explicitée, elle n’est plus jamais qualifiée de « sociale » (art. III-170 ; III-178 et III-185). On parle alors simplement et directement d’une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre » (art. III-177 et III-185).

On voudrait certes se réjouir quand ledit article I-3 précise - en son quatrième alinéa ­ que l’Union entend contribuer « à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies ». Hélas, il faut déchanter quand on lit par exemple dans l’article III-314 que l’Union entend contribuer « au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux... ». En effet, aucune référence n’est faite dans le texte à « la primauté qu’il faudrait accorder aux conventions internationales relatives à l’environnement, aux droits sociaux fondamentaux et à la santé par rapport aux règles de l’OMC »[10].

Bref, comme l’écrit Raoul M. Jennar, « la loi absolue du marché n’est plus une option à soumettre aux électeurs. C’est désormais un élément de l’acquis communautaire ». Les conséquences potentielles de cet acte de foi néolibéral qui sera dorénavant inscrit dans un texte qui ne pourra être modifié qu’à l’unanimité des vingt-cinq Etats membres, sont évidemment immenses, notamment dans les domaines sociaux et environnementaux puisqu’en dernière instance, c’est la règle de la libre concurrence qui est érigée en critère ultime.

2.1. Les investissements étrangers directs « ... et autres »

La Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing n’a guère travaillé sur la troisième partie du Traité, relative aux politiques de l’Union, qui demeure « quasiment inchangée », hormis l’un ou l’autre titre. C’est largement vrai, mais il ne suffit pas de dire que « pour l’essentiel, le texte réaffirme l’existant » ou que cette troisième partie n’est dans une large mesure qu’un simple « copié-collé » des traités précédents. En effet, chacun sait que le diable se cache dans les détails et que quelques mots peuvent parfois suffire à changer tout l’esprit d’un texte. C’est manifestement le cas ici.

En devenant l’article III-314 du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, l’article 131 du Traité de Rome instituant la Communauté européenne[11] s’est ainsi vu adjoindre deux bouts de phrase (soulignés dans la citation ci-dessous), qui témoignent exemplairement de la dérive néolibérale de la construction européenne et de la soumission ­ consciente ou non ­ des rédacteurs du Traité constitutionnel aux exigences du patronat le plus dur[12] :

« Par l’établissement d’une union douanière conformément à l’article III-151, l’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ».

Lesdits « investissements étrangers directs », - qui entrent ainsi comme par effraction et (en tout cas) bien loin des sunlights médiatiques dans les traités européens ­ sont au cœur des discussions sur la globalisation des échanges et la libéralisation du commerce mondial. Ils constituent en vérité l’une des revendications des milieux patronaux européens les plus anti-sociaux et les plus ouverts au néolibéralisme.

On aurait également tort de négliger l’ajout de la formule « et autres » à côté des barrières douanières que l’article entend réduire. Cet ajout est tout sauf innocent : sont en effet clairement ici en jeu tant le respect des droits et libertés fondamentaux que le maintien et le renforcement des lois sociales et des lois environnementales, qui ­ d’un strict point de vue néolibéral ­ sont considérées comme autant de restrictions aux investissements[13].

2.2. Les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle

Il en va de même avec l’article suivant (art. III-315,1), dans lequel « les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle » profitent du soi-disant « simple toilettage » des textes antérieurs pour s’inviter à leur tour tout aussi subrepticement aux côtés des « investissements étrangers directs ». Ces « aspects commerciaux de la propriété intellectuelle » sont une autre préoccupation prioritaire des milieux patronaux européens et transnationaux[14].

On se souviendra que la question a surgi il y a quelques années sur la place publique avec la polémique sur les brevets de produits pharmaceutiques en Afrique du sud. Aujourd’hui, le dossier se focalise sur les brevets relatifs aux micro-organismes et aux nouvelles variétés de plantes. Tout cela a évidemment d’importantes incidences sur l’avenir de l’industrie agricole et agroalimentaire, mais aussi sur le brevetage du vivant et la question des OGM. 

3. Les partisans du « oui » avancent plusieurs arguments

3.1. Le droit de pétition[15]

Le Traité dispose en son article I-47,4 que « des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la Constitution ».

Il s’agit certes là d’un progrès, mais il n’est pas de nature à « modifier la Constitution », car il est clairement stipulé que l’initiative pétitionnaire ne sera prise en considération que si elle a pour ambition de mettre en application des dispositions contenues dans le Traité. Les initiatives citoyennes ne peuvent donc prétendre à modifier le Traité constitutionnel.

3.2. L’extension de la procédure de codécision[16]

Il est juste de dire que le Traité étend substantiellement le champ de la procédure de codécision, qui sera désormais appelée la procédure législative.

De fait, la grande majorité des actes législatifs (lois et des lois-cadres européennes) sera à l’avenir adoptée conjointement par le Parlement européen et le Conseil des ministres (art. I-34,1 et III-396). Il s’agit assurément d’un pas en avant.

Force est néanmoins de constater que la Commission conserve son quasi-monopole de l’initiative législative[17]. Le Parlement continue ainsi à être privé de l’une des prérogatives les plus importantes de tout parlement digne de ce nom : le droit de proposer des lois. De même, n’a-t-il toujours pas le droit de lever l’impôt, qui est pourtant à l’origine même de l’idée de parlement.
Tout cela, dans un texte qui se veut constitutionnel et que son titre présente comme tel.

3.3. L’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le Traité[18]

L’inscription de la Charte des droits fondamentaux dans le Traité constitutionnel est souvent mise en évidence par les partisans du « oui ».

A plusieurs reprises, de nombreuses associations ont dit leur appréciation mitigée du contenu de la charte. Celui-ci n’a évidemment pas été subitement amélioré par son intégration dans le Traité constitutionnel (Partie II).

En fait, la charte constitue un recul, notamment par rapport aux acquis de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, proclamée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948, et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté le 16 décembre 1966, ratifié par tous les Etats aujourd’hui membres de l’Union européenne et entré en vigueur le 3 janvier 1976.

Entre autres, la charte reconnaît « le droit de travailler (the right to engage a work) » (art. II-75,1) et non plus « le droit au travail (the right to work) » pourtant inscrit dans la Déclaration universelle (art. 23) et le Pacte international (art. 6). Le droit à l’embauche n’est assurément pas le droit à l’emploi.

Selon Guy Braibant, qui représenta le Président et le gouvernement de la République française à la convention chargée de rédiger la Charte des droits fondamentaux, « le "droit de travailler" est le type même du genre de compromis qui a dû être adopté par la Convention afin d’obtenir un consensus », entre ceux qui refusaient « un texte trop minimal et même régressif en matière de droits sociaux » et ceux qui objectaient que « les droits sociaux qui sont généralement des droits de créance, comme le droit au logement ou le droit au travail, ne sont pas justiciables au sens traditionnel de ce terme » quand ils n’affirmaient pas que les conventionnels ne pouvaient pas « développer l’Etat providence qui coûte cher et qui freine la croissance économique »[19].

D’autres droits, acquis de haute lutte et parfois de longue date dans plusieurs pays européens, comme le droit à un revenu minimum, le droit à une pension de retraite, le droit aux allocations de chômage, le droit à un logement convenable, le droit à des services d’intérêt général ou le droit d’apprendre tout au long de sa vie, ne sont pas repris dans la charte. Les droits de grève (art. II-89) et au repos hebdomadaire (art. II-91) n’ont été maintenus que de toute justesse[20].

Quant aux droits à la sécurité et à l’aide sociales, ainsi qu’aux soins de santé, pourtant proclamés par la Déclaration universelle (art. 25) et par le Pacte international notamment (art. 11 et 12), l’Union ne dit absolument pas vouloir les imposer ou les renforcer là où ils seraient inexistants, voire insuffisants. Elle se borne à les reconnaître et à les respecter, « selon les règnes établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales » (art. II-94). On ne peut que s’inquiéter d’une telle frilosité quand on sait combien la tendance lourde de l’Union européenne est à la réduction du rôle de l’Etat et au démantèlement des systèmes de protection sociale plutôt qu’à leur renforcement.

L’inscription de la Charte des droits fondamentaux dans le Traité constitutionnel « sacralise » donc un recul social !

3.4. La préservation des services publics[21]

Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe ne connaît ni les « services publics » ni les « services d’intérêt général » (SIG). Il ne parle que des « services d’intérêt économique général » (SIEG) (art. II-96, III-122, III-166,2). Des partisans du « oui » affirment que les « services publics » et les « services d’intérêt économique général » sont des synonymes. D’après eux, le sigle SIEG signifie « service public » dans le jargon européen. Le moins qu’on puisse dire est que la réalité est un peu plus compliquée.

En fait, le Traité constitutionnel ne définit pas les SIEG. Le droit dérivé n’est pas plus prolixe et il faut lire les publications de la Commission pour en savoir plus[22] : les « services d’intérêt économique général » (SIEG) font référence « aux services de nature économique que les États membres ou la Communauté soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d’un critère d’intérêt général »[23]. Quant à l’expression « services d’intérêt général » (SIG), elle est utilisée quand le texte fait aussi « référence aux services non économiques ou lorsqu’il n’est pas nécessaire de préciser la nature économique ou non économique des services concernés ».
En l’état, la Commission explique que « les termes "service d’intérêt général" (SIG) et "service d’intérêt économique général" (SIEG) ne peuvent être confondus avec l’expression "service public" »[24].

Le Traité constitutionnel confie à une loi européenne le soin de fixer les principes et les conditions de fonctionnement des SIEG (art. III-122). Quand on sait que la Commission conservera son monopole de l’initiative législative (cfr supra) et qu’on mesure sa propension à démanteler les services publics dans l’Union européenne comme à l’OMC, on peut affirmer qu’il est pour le moins hardi de dire que le Traité constitutionnel donne une base légale aux services publics.

On peut même considérer qu’en réalité, le Traité constitutionnel met en place les mécanismes qui permettront de les détruire[25].

3.5. Une Europe plus politique et plus présente dans le monde

Pour ceux qui ne se résignent pas qui ne se résignent pas à voir dans l’Europe élargie une simple zone de libre échange, l’espoir réside généralement dans le souhait qu’un groupe de pays forme une sorte d’avant-garde et aille de l’avant dans la construction d’une Europe politique et démocratique, seule susceptible :

(1) de faire contrepoids à l’hyperpuissance américaine ;
(2) d’assumer le leadership dans la lutte contre les dérèglements écologiques et sociaux qui menacent la paix et la survie de l’humanité ;
(3) d’agir concrètement pour la mise en place d’une économie qui place l’être humain au centre de ses préoccupations et respecte l’environnement.

Selon Dominique Strauss-Kahn, « ce traité est le plus dynamique de tous les traités européens » [26], car les « coopérations renforcées » et les « passerelles » permettront de contourner la règle de l’unanimité, là où elle demeure d’application, c’est-à-dire dans le domaine de la fiscalité et, partiellement, dans ceux de la politique sociale et de la PESC (politique extérieure et de sécurité commune).

Les coopérations renforcées sont supposées permettre à un groupe de pays d’aller de l’avant (art. III-416 à 423). Il faut cependant savoir qu’elles ne peuvent s’exercer qu’en dehors « des compétences exclusives de l’Union » (I-44) et « ne peuvent porter atteinte ni au marché intérieur, ni à la cohésion économique, sociale et territoriale » (art. III-416). De plus, un tiers au moins des Etats membres doit y participer (I-44), soit neuf Etats sur vingt-cinq.

Ensuite, toute coopération renforcée est soumise à une autorisation « accordée par une décision européenne du Conseil, qui statue sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen » (art. III-419,1). Dans « le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune », l’autorisation nécessite l’unanimité du Conseil (art. III-419,2).

La technique dite « de la passerelle » prévoit la possibilité que le Conseil des ministres puisse décider de statuer à la majorité qualifiée dans des domaines où le Traité prévoit l’unanimité (art. IV-444,1). Cette même technique permet aussi audit Conseil de décider l’adoption « conformément à la procédure législative ordinaire » de lois ou de lois-cadres européennes. Cela, même si le Traité constitutionnel exige qu’elles soient votées « conformément à une procédure législative spéciale » (art. IV-444,2).

Cependant, ces passerelles ne sont pas applicables aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense (art. IV-444,1 et 2). Par ailleurs, « la décision européenne n’est pas adoptée » si fût-ce un seul parlement national marque son opposition dans les six mois suivant la notification (art. IV-444,3).

Coopérations renforcées et passerelles sont donc très encadrées, au point qu’on peut estimer que le « marché commun » n’aurait probablement jamais vu le jour, si les six Etats fondateurs avaient dû tenir compte de telles exigences préalables[27] !

4. Conclusions

Parmi les autres arguments avancés par les partisans du « oui », on peut encore lire que la victoire du « non » « réduira durablement la capacité de l’Europe à peser sur les grandes affaires du monde (Martine Aubry) » et sera « une victoire des USA de George W. Bush (Lionel Jospin, Claude Allègre, Pierre Mauroy) ».

Il n’en est rien. Et ce, en dépit des bonnes nouvelles que constituent en soi ­ pour la visibilité internationale de l’Union ­ l’élection d’un président du Conseil européen pour une période de deux ans et demi, renouvelable une fois (art. I-22), ainsi que l’apparition d’un ministre des Affaires étrangères de l’Union, également vice-président de la Commission européenne (art. I-28).

Pour s’en convaincre, il suffit de lire que « la politique de l’Union [...] respecte les obligations découlant du Traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre » (art. I-41,2). De plus, en cas d’agression armée contre un Etat membre sur son territoire, « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre » (art. I-41,7).

En d’autres termes, le Traité constitutionnel tout empreint de l’idéologie néolibérale pose en outre l’Union européenne comme complément ­ et non comme contre-pied ­ de l’hyperpuissance étasunienne. Fidèle allié de Washington, Tony Blair a le verbe haut : « Le Traité énonce clairement que l’Union européenne n’est pas et ne sera pas un Etat fédéral. Il confirme qu’elle constitue une association d’Etats et qu’elle n’a de pouvoirs et de légitimité que dans la proportion où lesdits Etats veulent bien lui abandonner une parcelle de leurs prérogatives »[28]. Et Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères, d’ajouter : « Le Royaume uni a atteint tous ses objectifs clefs de négociations »[29].

Propos triomphants tout à fait confirmés par Jean-Claude Casanova, un intellectuel libéral, disciple de Raymond Aron et farouche partisan du « oui » : « Cette Constitution consacre le triomphe politique de la Grande Bretagne puisqu’elle aboutit ...] à une Europe dans laquelle le Royaume-Uni serait à la fois le pivot politique parce qu’elle en aurait fixé les règles et les limites, et la charnière avec les Etats-Unis dont il est le voisin et parent. Dans l’Euramérique qui se profile, l’Angleterre tient un rôle central »[30].

On ne peut être plus clair ! Le Traité constitutionnel s’inscrit dans le courant néolibéral mondial dominant, il renforce le projet transatlantique cher à la droite néolibérale comme aux milieux financiers et d’affaire transnationaux, tandis qu’il réduit le projet européen à sa seule dimension économique et commerciale.

Au vu de ce qui vient d’être dit, il me paraît de bien peu de poids qu’un seul texte ayant valeur constitutionnelle réunisse les cinq traités aujourd’hui en vigueur, que la Charte des droits fondamentaux y soit incluse ou que l’Union européenne soit dotée de la personnalité juridique et dispose d’une stabilité et d’une visibilité plus grandes, voire que soient désormais ouvertes au public les séances du Conseil des ministres quand il siège comme chambre législative.

Il me semble bien plus important d’appeler à un « non de résistance », qui préserve l’avenir en même temps qu’il l’ouvre, plutôt qu’à un « oui » qu’on affirmerait « de combat », mais qui risque de cadenasser pour longtemps le projet européen dans un Traité constitutionnel, rédigé de manière telle et à ce point difficilement amendable que Valéry Giscard d’Estaing l’estime « bétonné » pour quarante ou cinquante ans.

Vu le ralliement conscient ou non des rédacteurs du Traité établissant une Constitution pour l’Europe aux thèses néolibérales les plus dures, on peut considérer que le tant décrié projet de directive du commissaire néerlandais Bolkestein sur la libéralisation des services, est une préfiguration de ce qui nous attend si ledit Traité constitutionnel entre en vigueur. A savoir la légalisation du dumping fiscal, du dumping social et du dumping environnemental, en même temps que le démantèlement des services publics.

N’ayons donc pas peur d’une crise ! Contrairement à ce qu’affirment certains partisans du « oui », ni les cieux ni le monde ni l’Europe ne s’écrouleront si le Traité constitutionnel n’entre pas en vigueur. Il n’y aura aucun vide juridique. Les Traités actuels resteront en vigueur et les politiques européennes continueront comme auparavant.

Contrairement à ce que disent les partisans du « oui » comme Lionel Jospin[31], les Etats-Unis n’auront pas le champs plus libre qu’aujourd’hui sur la scène internationale. Ce n’est en effet pas dans la dilution politique de l’Europe élargie, mais, au contraire, au cœur de la « vieille Europe », maintenant rejointe par l’Espagne, et dans l’opinion publique européenne naissante, que les faucons de Washington ont rencontré en 2003 la plus forte résistance et la seule alternative démocratique à leurs rêves de domination absolue.

5. « Non » au Traité, « oui » à une avant-garde européenne

C’est pourquoi j’appelle aujourd’hui ECOLO et plus généralement les partis verts à incarner et à promouvoir un mouvement politique et citoyen transnational et si possible paneuropéen, qui rejette la pseudo-Constitution qu’on nous propose, appelle à la renégociation du Traité constitutionnel sur des bases plus conformes aux aspirations des peuples d’Europe et revendique la mise en route d’une avant-garde ouverte de pays désireux d’aller de l’avant dans la construction d’une Europe :

- démocratique et citoyenne ;
- politique, sociale et environnementale ;
- généreuse et solidaire, qui fasse pleinement entendre une autre voix que celle du profit dans la gestion des affaires du monde et fasse pacifiquement pièce à l’hégémonie américaine ;
- audacieuse et visionnaire, qui prenne la tête du combat pour un autre développement économique, soucieux des hommes et des femmes d’aujourd’hui, respectueux de l’environnement et des générations futures.

Telles sont, me semble-t-il, la vocation et la raison d’être de notre engagement politique. Telle est, me paraît-il, l’extraordinaire opportunité que le débat sur l’adoption du Traité institutionnel nous fournit en Belgique et en Europe.

Bernard WESPHAEL

[1] Le mot est de Pierre JONCKHEER (MPE), « Le Projet de Traité constitutionnel. Contribution à l’occasion du 20ème anniversaire de l’Observatoire social européen à Bruxelles », 8 novembre 2004, éd. in Les nouvelles européennes, courriel du 24 novembre 2004.

[2] La numérotation des articles ici adoptée est celle du Traité établissant une Constitution pour l’Europe signé à Rome le 29 octobre dernier. Le texte intégral peut en être trouvé sur le site de l’Union européenne (adresse électronique :
 http://europa.eu.int/constitution/i...).

[3] Soixante articles (articles I-1 à I-60), auxquels il faut encore ajouter ­ dans la Partie III (Les politiques et le fonctionnement de l’Union) ­ les articles III-257 à III-277 du Chapitre 4 (Espace de liberté, de sécurité et de justice) du Titre III (Politiques et actions internes) et les articles III-292 à III-329 du Titre V (Action extérieure de l’Union), ainsi qu’un Protocole sur le rôle des parlements nationaux, sur lesquels la convention a également beaucoup travaillé.

[4] Pour mémoire, la constitution belge (qui n’est déjà pas un modèle de simplicité) compte seulement 198 articles (site du Sénat de Belgique : http://www.senate.be/doc/const_fr.html). La constitution française de 1958 en a 89 (site de l’Assemblée nationale française : http://www.assemblee-nat.fr/connais...) et la Constitution des Etats-Unis d’Amérique à peine 27 (site de l’ambassade des Etats-Unis en France : http://usinfo.state.gov/usa/infousa...).

[5] Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe est supposé entrer en vigueur « le 1er novembre 2006 à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou, à défaut, le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt de l’instrument de ratification de l’Etat signataire qui procède le dernier à cette formalité » (art. IV-447,2).

[6] Dès lors qu’il faudra l’unanimité des vingt-cinq Etats signataires pour modifier les textes (Partie IV du Traité : Dispositions générales et finales, art. IV-443 à 445).

[7] La plupart des intervenants parlent d’une « constitution » européenne. C’est en réalité un abus de langage. Lionel JOSPIN (« Pour moi, c’est oui », in Le Nouvel Observateur, semaine du 23 au 29 septembre 2004) a ­ pour les besoins de son argumentation ­ très justement souligné que « le traité n’est pas une constitution ».

[8] Sur ces lignes et celles qui suivent, voir Raoul M. JENNAR, Quand l’Union européenne tue l’Europe. 12 questions sur le « Traité établissant une constitution pour l’Europe » qui met fin au modèle européen, Mosset (France) : Ed. URFIG, septembre 2004, p. 12. Précisons que Raoul M. Jennar vient de recevoir le Prix 2004 des Amis du Monde diplomatique pour son Europe, la trahison des élites, dont la première édition a été publié aux Ed. Fayard en avril 2004 (2ème édition augmentée). Le jury a entre autres choisi cet ouvrage « pour son éclairage sur la nature véritable du fonctionnement de l’Union européenne marqué par l’absence de démocratie et la soumission aux intérêts des grands groupes industriels et financiers... » [Amis du Monde diplomatique, « Communiqué de presse », jeudi 25 novembre 2004 (source électronique :
http://www.amis.monde-diplomatique.....]

[9] Le principe de la liberté d’établissement n’est pas une nouveauté en droit européen. Il est déjà inscrit dans le Traité instituant la Communauté européenne (articles 43 et suivants). Il permet à un opérateur économique (personne ou entreprise) de poursuivre une activité économique de façon stable et continue dans un ou plusieurs Etats membres sans souffrir de l’application de mesures discriminatoires ou restrictives qui ne seraient pas justifiées par une raison d’intérêt général comme l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique. Lorsqu’une réglementation nationale n’est pas en conformité avec le principe de la liberté d’établissement et selon les pouvoirs qu’elle tient du Traité, la Commission enjoint les autorités nationales de prendre les mesures nécessaires pour respecter ce principe dans le cadre d’une procédure d’infraction qui peut la conduire à présenter l’affaire devant la Cour de justice de Luxembourg (Site de la Commission européenne : http://europa.eu.int/comm/internal_...).

[10] Cfr Paul LANNOYE et Ines TREPANT, « Les citoyens européens ont besoin d’une autre Constitution », 22 octobre 2004 (site du Grappe : http://www.grappebelgique.levillage...).

[11] L’actuel article 131 du Traité de Rome instituant la Communauté européenne est mot pour mot l’ancien article 110. De son adoption en 1957 jusqu’à aujourd’hui, cet article (qui chapeaute le chapitre consacré à « La Politique commerciale commune ») n’avait subi aucune modification.

[12] En ce compris des conventionnels, puisque l’ajout était déjà inclus dans le projet que la Convention européenne présidée par Valéry Giscard d’Estaing a adopté par consensus (art. III-216 dudit projet).

[13] Raoul M. JENNAR (« Réponses aux éléphants qui trompent énormément », courriel du lundi 29 novembre 2004) souligne qu’avec « l’article III-314 qui introduit la politique commerciale commune et donc notre rôle à l’OMC [...] on se trouve clairement en présence d’un choix politique [...] dont même la Banque Mondiale remet en cause, aujourd’hui, l’efficacité pour la création d’emplois. Mais supprimer les restrictions aux investisseurs qui ne supportent pas les lois sociales, les lois environnementales, le respect des droits humains fondamentaux, c’est une exigence du MEDEF et des organisations patronales européennes. La première tentative de supprimer les restrictions aux investissements étrangers directs porte un nom : Accord Multilatéral sur l’Investissement (A.M.I.). [...] Si la Constitution est adoptée, il ne sera plus possible, comme l’a fait Jospin en 1998 sous la pression des associations, des syndicats, du PCF et des Verts, de dire que l’AMI doit être négocié non pas à l’OCDE, mais à l’OMC. Comme, depuis, la négociation a échoué à l’OMC, le patronat exige que l’AMI revienne dans le cadre européen. D’où sa présence dans la Constitution. On mesure ainsi l’incohérence de ceux qui ont combattu l’AMI en 1998 et qui le soutiennent aujourd’hui ».

[14] Les droits de propriété intellectuelle sont des « droits conférés aux parties privées par les états, afin d’encourager les créations de l’esprit telles que les inventions, les travaux artistiques et littéraires, les marques et les symboles. Les droits de propriété intellectuelle empêchent l’appropriation illicite par les autres et ils offrent aux créateurs certains droits à délai déterminé afin qu’ils puissent contrôler l’utilisation faite de leurs créations. De plus, ils les récompensent pour leur temps, leur créativité et leur investissement ». L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) a été conclu dans le cadre de l’OMC. Il « établit des niveaux internationaux minimaux de protection de la propriété intellectuelle et il comprend un calendrier graduel pour offrir du temps supplémentaire aux pays en développement et aux pays moins développés de mettre en oeuvre leurs obligations » (Site officiel du Ministère canadien de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : http://www.agr.gc.ca/itpd-dpci/fran...). C’est en vertu de l’ADPIC qu’en mai 2001, trente-neuf firmes pharmaceutiques ont introduit une plainte contre l’Afrique du sud, parce qu’elle autorisait la fabrication de médicaments génériques qui ont fait baisser le prix du médicament de 70%, diminué le taux de mortalité de moitié et permis l’économie de quelques 400 millions de dollars en dépenses de santé. Il faut savoir qu’avant l’ADPIC, signé à la fin de l’Uruguay Round (1994), chaque pays était libre de décider de sa législation sur les brevets en matière de médicaments.

Avec l’ADPIC, rédigé sous la pression de l’industrie pharmaceutique et imposé par les gouvernements des pays industrialisés, tous les pays membres de l’OMC sont obligés d’adopter une législation imposant un brevet sur tous les médicaments pour une durée de 20 ans. Tout en laissant libre la fixation des prix, bien entendu ! D’une manière générale, l’ADPIC impose la généralisation de la pratique du brevet dans des domaines où elle était rare ou absente jusqu’en 1994. C’est ainsi que l’ADPIC oblige chaque pays à adopter une loi imposant le brevetage des variétés animales et végétales jusqu’au niveau des micro-organismes et leurs dérivés. L’ADPIC légalise le brevetage du vivant et soumet le droit à l’alimentation aux règles du commerce international [cfr Stefaan DECLERCQ et Raoul M. JENNAR, « Faire passer la santé avant le profit », in Le Soir, 19 juin 2001 et Raoul M. JENNAR, « Droits de propriété intellectuelle et biodiversité, ADPIC et CDB, des approches et des instruments contradictoires », in Can the Johannesburg Summit Save the World and Can We Save the summit ?, colloque organisé par le Groupe des Verts au Parlement européen, Bruxelles, 8 mai 2002).

[15] « Un million de citoyens peuvent modifier la constitution » (Daniel Cohn-Bendit, Alain Lipietz, Noël Mamère).

[16] « Le Traité constitutionnel va donner au Parlement européen la capacité de prendre lui-même l’initiative de lois » (François Hollande)

[17] L’art I-26,2 dispose : « Un acte législatif ne peut être adopté que sur la proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement ». Cependant, « dans les cas spécifiques prévus par la constitution, les lois et les lois-cadres européennes peuvent être adoptées sur initiative d’un groupe d’Etats membres ou du Parlement européen, sur recommandation de la Banque centrale européenne ou sur demande de la cour de Justice ou de la Banque européenne d’investissement » (art. I-34,2 et 3). Voir aussi les articles III-187 ; III-381 ; III-396,15.

[18] « La constitution représente un pas en avant pour les travailleurs [John Monks, secrétaire général de la CES (Confédération européenne des syndicats)] et ce Traité est la « déclaration la plus complète et la plus moderne à ce jour qui consolide des droits sociaux très étendus » (Dominique Strauss-Kahn, Bertrand Delanoë).

[19] Guy BRAIBANT, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Paris : Ed. Le Seuil, coll. Essais, 2001, pp. 44-46 et 134-136. En fait, il n’y a rien de neuf sous le soleil. Nous baignons toujours dans le vieux débat entre les droits-libertés ou formels (dits de 1789, qui restreignent le rôle de l’Etat afin d’accroître la liberté des individus) et les droits-créances ou réels (dits de 1848, qui étendent le rôle de l’Etat pour une meilleure justice sociale). Sur les libertés formelles et les libertés réelles, voir Raymond ARON, Essai sur les libertés, Paris : Ed. Calmann-Levy, éd. revue et augmentée, 1976, pp. 71-135. Sauf que le texte de la Charte des droits fondamentaux est une défaite pour les promoteurs des droits économiques et sociaux !

[20] G. BRAIBANT, op. cit., p. 45.

[21] « La constitution sauvera les services publics en leur donnant pour la première fois une base légale » (Martine Aubry, François Hollande, Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn)

[22] Commission européenne, « Livre blanc sur les services d’intérêt général. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social européen et au Comité des régions », Bruxelles : 2004 [doc : COM(2004) 374 final], non encore publié au Journal officiel]. Voir aussi IDEM, « Livre vert de la Commission sur les services d’intérêt général », 21 mai 2003 [doc : COM(2003) 270 final] in Journal officiel (C 76, 25.03.2004).

[23] Le Livre blanc (annexe I) illustre ainsi son propos : « La notion de services d’intérêt économique général couvre donc plus particulièrement certains services fournis par les grandes industries de réseau comme le transport, les services postaux, l’énergie et les communications. Toutefois, l’expression s’étend également aux autres activités économiques soumises elles aussi à des obligations de service public ».

[24] Le Livre blanc (annexe I) explique à ce propos que l’expression "service public" n’est pas utilisée, car elle est « moins précise » : elle « peut avoir différentes significations et être ainsi source de confusion. Elle peut se rapporter au fait qu’un service est offert au grand public ou qu’un rôle particulier lui a été attribué dans l’intérêt public, ou encore se référer au régime de propriété ou au statut de l’organisme qui fournit le service en question ».

[25] Cfr R. M. JENNAR, Quand l’Union européenne tue l’Europe, op. cit., p. 23.

[26] Dominique STRAUSS-KAHN, Lettre ouverte aux enfants d’Europe, Paris : Ed. Grasset, 2004, p. 99.

[27] Sauf peut-être dans le domaine de la PESC, où d’autres formes de coopérations confèrent une certaine souplesse au nouveau dispositif : (1) la « coopération structurée permanente » (art. I-41 et III-312) concerne les « États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes », à la demande de l’Union ou de l’ONU. La principale innovation est qu’aucun seuil minimum d’États participants n’est requis pour former une coopération structurée ; (2) la participation d’un groupe d’États membres à des missions en dehors de l’Union (art. III-310 : « Le Conseil peut confier la mise en oeuvre d’une mission à un groupe d’États membres qui le souhaitent et disposent des capacités nécessaires pour une telle mission ») ; (3) la participation à l’Agence européenne de défense (art. III-311 : « Des groupes spécifiques sont constitués au sein de l’Agence, rassemblant des États membres qui mènent des projets conjoints »). Pour la première fois, les États volontaires et souhaitant « aller de l’avant » en matière de sécurité et défense seront à même d’intervenir, grâce à une procédure simplifiée, dans des missions relevant du maintien de la paix, de la prévention des conflits, de la gestion des crises. En ce compris, bien évidemment, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

[28] Tony BLAIR, « Foreword », in Foreign and Commonwealth Office, White Paper on the Treaty Establishing a Constitution for Europe, Presented to Parliament by the Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs by Command of Her Majesty, Septembre 2004, p. 2.

[29] Jack STRAW, « Preface », in Foreign and Commonwealth Office, White Paper on the Treaty Establishing a Constitution for Europe, Presented to Parliament by the Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs By Command of Her Majesty, Septembre 2004, p. 5.

[30] Jean-Claude CASANOVA, « Constitution européenne : les aléas de la ratification », in Le Monde, 25-26 juillet 2004

[31] L. JOSPIN, « Pour moi, c’est oui », op. cit.