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La « Spanish revolution » lance un « cri muet » d’indignation (videos)

Publie le samedi 21 mai 2011 par Open-Publishing
6 commentaires

Juste avant minuit, vendredi soir, la foule dense rassemblée sur la Puerta del Sol, à Madrid, s’est tue. Dans le silence presque complet, des milliers de mains ont fait bruisser l’air lorsque les douze coups ont retenti. C’est avec ce « cri muet » qu’elles ont accueilli la « journée de réflexion » qui précède traditionnellement un scrutin en Espagne. (Voir la vidéo)


On ignorait alors encore si la police s’apprêtait à intervenir pour déloger des rassemblements devenus officiellement illégaux à cette minute même dans toute l’Espagne.

La loi électorale interdit de « faire campagne » et de « réaliser tout acte de propagande » à la veille d’une élection ainsi que de former « des groupes susceptibles de bloquer, de quelque manière que ce soit » le libre exercice du droit de vote le jour du scrutin.

Dimanche, 35 millions d’électeurs sont appelés à voter pour treize scrutins régionaux et dans plus de 8 000 municipalités. La commission électorale espagnole a tranché jeudi soir : elle n’autorise pas les rassemblements qui ont essaimé dans toute l’Espagne.

« Personne ne donne de consignes de vote ici »

Mais les policiers, retranchés cette fois dans des rues adjacentes plutôt que sur la place comme ils en avaient coutume depuis mardi, n’ont pas chargé.

Un peu plus tard, des agents ont informé certains des manifestants encore présents qu’ils participaient à une concentration illégale, mais sans plus. Les forces de sécurité ne semblent pas vouloir envenimer la situation. Vendredi, le ministre de l’Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba a d’ailleurs déclaré :

« La police ne va pas créer un problème afin d’en résoudre un autre. »

« Nous respectons la journée de réflexion », assure pour sa part Noelia, l’une des porte-parole désignée en assemblée :

« Personne ne donne de consignes de vote ici et personne ne dit non plus s’il faut voter ou pas. »

« Nous réfléchissons », ironisent plusieurs campeurs à travers des pancartes que certains ont même accroché à leur cou.

Salades de pâtes, infirmerie et potager urbain

La vie s’est organisée sur le campement, monté en plein centre touristique et commercial de Madrid.

Les lieux n’ont plus rien à voir avec les premiers jours de la « acampada » (campement).

Des mètres de bâches couvrent désormais les entrailles d’un village qui grouille d’activités : distribution de tortillas ou de salade de pâtes, services juridiques et de communication, infirmerie, atelier d’expression orale, garderie et même, maintenant, un potager urbain planté dans des plates-bandes.

Quand quelque chose vient à manquer, les organisateurs lancent un appel sur Twitter. La réponse est en générale fulgurante. « Nous avons besoin de crème solaire », suppliait vendredi @acamapadasol avant de revenir sur le fil un peu plus tard :

« N’apportez plus de crème, c’est bon. Merci ».

Samedi, la crème, les parasols et les ventilateurs font à nouveau défaut, alors que le soleil tape.

Un comité chargé du respect

En à peine quelques jours, la vie s’est extrêmement bien organisée sur la Puerta del Sol. Comme le souligne Manoplas, l’alcool est mal vu.

« Ceci est une révolution, pas un “botellón” [une fête alcoolisée en plein air, ndlr] », rappelle l’un des organisateurs à l’aide d’un haut-parleur, faisant écho aux dizaines d’affichettes accrochées un peu partout dans le camp.

« Nous ne voulons pas interdire mais si vous buvez, soyez responsables. »

Personne ne veut ici tomber dans la caricature d’un rassemblement de fêtards. « Les médias pourrait l’utiliser contre nous », rappelle les consignes.

Il existe même un comité chargé du « respect » qui nous régale de la délicieuse image de gros bras, portant l’étiquette « Respeto » sur la manche, demandant bien poliment à des petites dames de ne pas encombrer les allées, « au cas où nous devions évacuer rapidement ».

Y a-t-il une vie après le scrutin ?

Pendant que les familles en goguettes profitent, samedi, des concerts improvisés, les quartiers généraux des grands partis politiques doivent encore se demander quelle influence aura, sur le scrutin de dimanche, ce mouvement spontané d’« indignés » que personne n’attendait il y a encore une semaine, et qui s’étend maintenant aussi au monde.

Le Parti socialiste (PSOE) de José Luis Rodriguez Zapatero se préparait déjà à une défaite dans plusieurs de ses fiefs. L’explosion du mécontentement dans la rue aggravera-t-il le bilan ?

« La mobilisation va bien au-delà de ces élections », répondent invariablement les campeurs et fondateurs de la plateforme Democracia Real Ya, qui a allumé la mèche avec la manifestation du 15 mai. Tous veulent inscrire leur mouvement dans la durée.

Ce dimanche à Madrid, des assemblées seront à nouveau convoquées pour décider de l’après-élection, explique Noelia :

« Nous déciderons si nous poursuivons le mouvement, lundi. Maintenant qu’autant de gens se sont mobilisés, il est très probable que oui. »

Les commerçants du quartier attendent aussi avec impatience la délibération. Si beaucoup soutiennent les campeurs, en leur donnant notamment de la nourriture, d’autres craignent pour leur commerce. Selon la Confédération de commerce de Madrid (Cocem), certains ont essuyé 70% de baisse de leur chiffre d’affaires vendredi.

« J’en ai vu beaucoup des manifestations sur cette place, et des grosses, » témoigne, amusé, José depuis le kiosque à journaux qu’il tient depuis 35 ans sur la place.

« Mais jamais ils n’étaient restés campés comme ça aussi longtemps. » (Voir la vidéo)




http://www.rue89.com/ibere-espace/2011/05/21/la-spanish-revolution-lance-un-cri-muet-dindignation-205070

Messages

  • un potager urbain planté dans des plates-bandes.

     ??? En 5 jours, vous avez fait pousser quoi ????????

  • http://www.thetechnoant.info/campmap/

    Et là je dis " pourquoi s’arrêter à la révolution mondiale" ?? soyons fous , allons plus loin....

    LL

  • Toujours pas d’explication sur vers quoi veut tendre ce mouvement ?.....

  • Nul ne sait où ce mouvement ira mais il est très rafraichissant, il montre un apprentissage utile de l’auto-organisation à une échelle grandissante.

    Il se cherche et rien n’est écrit dans sa trajectoire, mais il exprime clairement un premier cri significatif contre la bourgeoisie et les partis qui lui sont inféodés.

    Comme à Madison, dans le Wisconsin, il montre une irruption organisée et marquée de la violation de la légalité bourgeoise.

    Bref, interdites, les occupations se maintiennent,...

    Ce qui est toujours différent d’occupations qui ne soient pas déclarées illégales par le régime.

    C’est une transgression

    Le principal apprentissage politique vis à vis d’un appareil d’état bourgeois c’est quand un mouvement populaire vaste refuse d’obéir aux interdictions de l’appareil d’état.

    La grande force du mouvement de masse en Egypte et en Tunisie vint au moment où les masses n’eurent plus peur des hordes et menaces de l’appareil d’état.

    Par ailleurs, ce mouvement se positionne largement sur une base de classe, même si les divisions dans la classe populaire empêchent toujours une jonction entre ceci et cela.

    L’appareil d’état là avec son exécutif , ses fripouilles du Parti Socialiste espagnol au services des banksters, a multiplié les agressions policières préalables mais reste là immobilisé sur ces derniers jours, interdisant sans se donner les moyens et le prix d’interdire.

    Cet instant est à mettre à profit

    Par ailleurs, à une autre question qui n’a pas de rapport direct, sur le fait que certains parlent de la révolution espagnole vers la révolution mondiale, je trouve également positif que certains et certaines posent à plat cette double espérance (d’une révolution espagnole vers une révolution mondiale).

    Le phénomène en court est encore très limité mais il est symptomatique des tensions existant dans un nombre croissant de pays.

    Nous sommes à nouveau, 50 ans après, dans une nouvelle ère des brasiers, qui se déroule dans des sociétés transfigurées par l’essor des forces productives .

    Le diagnostic est inchangé et j’ai eu déjà l’opportunité de le partager juste avant la croissance du soulèvement en Tunisie, nous sommes dans une ère des brasiers, et ça indique des affrontements croissants, sans que les masses n’attendent que des partis arrivent en bons petits bataillons avec les santiags et des bandes molletières, drapeaux au vent, et catéchisme sous le bras.

    Bref des mouvements populaires "y vont" sans respect des rendez-vous, par leurs chemins, contre le capitalisme, ses banquiers, et le personnel politique de paille au service des grands bourgeois.

    C’est donc un cri profond, aux ambiance de Mai 68, qui se déroule, sans un contenu à "plus rouge que moi tu meurs", c’est comme ça.

    La question de la détonation aux secteurs décisifs de la classe ouvrière moderne est posée maintenant pour pouvoir transformer cela en bien plus .

    Rien n’est joué mais il est à nouveau démontré que ce n’est pas le potentiel qui manque mais des partis et organisations de la classe populaire capables de porter une stratégie utile qui ne soient pas extérieures ou périphériques des masses en mouvement, qui n’y vont pas pour faire une démonstration puérile prétentieuse, clivante, mais pour unifier et faire monter d’un cran au dessus la mobilisation, pour être des courants du dedans .

    Pour ce qui est de la France, l’heure est à pousser les feux pour que d’abord l’omerta des télés et de la grande presse cessent sur l’Espagne, pour que soit popularisé ce qui s’y passe, et commencer à préparer la suite.

    A la bastille...