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Valérie et Paul Jorion

par Un partageux

Publie le samedi 10 mars 2012 par Un partageux - Open-Publishing

« La décision par l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association) que le fameux « swap » de la dette grecque (PSI pour Private Sector Initiative) annoncé vendredi dernier n’est pas un « événement de crédit » et ne déclenchera pas les CDS (Credit-default Swaps) contractés sur sa dette souveraine [...] » Ainsi commence le billet de Paul Jorion sur son excellent blogue consacré à la macro-économie et aux prévisions de l’effondrement systémique d’icelle. Pas un seul chiffre dans ce texte mais les euros en migration volent en formation serrée par milliards.

Je songe à l’appel téléphonique de Valérie. Un accident, une semaine d’hospitalisation et un arrêt de travail d’un mois qui a été prolongé. Elle se demande bien comment elle doit faire pour sa déclaration à la Sécu. Elle n’a pas réussi à obtenir des renseignements convenables. Ce qu’on lui demande dépasse sa bonne volonté. Pfffuiiiiiiiit ! Tu vas comprendre tout de suite pourquoi je siffle.

Valérie, avec son BTS carrières sanitaires et sociales, elle fait des ménages et s’occupe de vieux. Elle est payée avec des chèques emploi-service. Des « employeurs » elle en a une collection. Deux heures par semaine ici et trois heures là, ou bien quatre heures ailleurs mais une semaine sur deux. Et puis une heure tous les matins pour la toilette de la mamé les trois semaines par mois où elle est chez elle... Un agenda d’une complexité ministérielle. Six journées complètes en vadrouille dans toute l’agglomération pour ne totaliser guère plus de trente heures par semaine.

Après un respectable nombre d’appels [Ah ! appuyez sur la touche 3 !] et pas mal d’énervements je parviens enfin à obtenir une personne compétente.
— Combien a-t-elle d’employeurs ?
— Treize ou quinze. Ça dépend comment on compte. En ce moment elle a un papé à l’hôpital alors elle ne va pas lui faire ses lessives depuis trois semaines et puis elle a aussi...

Bon, la personne finit par proposer une procédure qui ne va pas imposer de demander quinze formulaires auprès de quinze personnes pour lui permettre de percevoir à peine cinq cents euros par mois d’arrêt. Un trou vertigineux dans son porte-monnaie quand on sait combien Valérie fait toujours attention à la moindre dépense. Il va lui falloir des mois pour s’en remettre. Valérie la solide, elle pleure en le disant et c’est bien la première fois que je la vois craquer ainsi.

Paul Jorion a écrit Le Capitalisme à l’agonie. Au lieu de le maintenir sous perfusion, on pourrait pas l’euthanasier ?

Chez Paul Jorion j’ai laissé deux lignes sur cet abîme entre les milliards d’euros de l’Europe des banquiers et la vie quotidienne des oubliés.