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L’Italie salue le retour de la dépouille de l’agent tué en Irak

Publie le dimanche 6 mars 2005 par Open-Publishing

Au lendemain du retour en Italie de la journaliste Giuliana Sgrena, retenue en otage pendant un mois en Irak, la colère monte à Rome après la mort de l’agent des services secrets italien, Nicola Calipari, mort en protégeant la journaliste. Le corps de l’agent abattu par les forces américaines a été rapatrié dans la nuit de samedi à dimanche. Peu de temps après son arrivée, Giuliana Sgrena, blessé dans l’attaque, a rejeté un communiqué de l’armée américaine déclarant que ses marines avaient tiré sur les Italiens parce que leur voiture roulait à très vive allure vers un poste de contrôle. Le corps de Calipari sera exposé au monument Vittoriano dans le centre de Rome dimanche. Il aura droit à des funérailles d’Etat lundi.

Le corps de l’agent des services secrets italien Nicola Calipari abattu par les forces américaines en Irak a été rapatrié dans la nuit en Italie où la colère est de plus en plus vive.

L’agent est mort en protégeant la journaliste Giuliana Sgrena, qui venait d’être libérée après avoir été retenue en otage pendant un mois, lorsque des soldats américains ont ouvert le feu sur leur voiture près de l’aéroport de Bagdad.

Giuliana Sgrena, blessée dans l’attaque, est rentrée en Italie samedi matin pour y recevoir des soins médicaux. Elle a rejeté un communiqué de l’armée américaine déclarant que ses soldats avaient tiré sur les Italiens parce que leur voiture se dirigeait trop rapidement vers un poste de contrôle.

Le cercueil de Calipari est arrivé l’aéroport romain de Ciampino à minuit à bord d’un avion militaire C-130. Son épouse, sa mère et sa fille ont éclaté en sanglots au moment où sa dépouille, recouverte d’un drapeau italien, était porté par une garde d’honneur.

Le président Carlo Azeglio Ciampi a posé ses deux mains sur le cercueil, demeurant immobile devant le corps pendant près de deux minutes avant de laisser déposer dans un fourgon mortuaire.

Le président du Conseil Silvio Berlusconi ainsi que plusieurs ministres et membres du clergé ont assisté à la scène. Cinq des sept chanes nationales de télévision italiennes retransmettaient en direct le retour du corps de l’agent secret, soulignant le choc et l’incrédulité de l’opinion publique.

Le corps de Calipari sera exposé au monument Vittoriano dans le centre de Rome dimanche. Il aura droit à des funérailles d’Etat lundi.

L’Italie s’est avérée l’une des plus ferventes alliées du président américain George Bush en Europe, mais la mort de Calipari a refroidi les relations entre les deux pays et Rome a exigé une enquête complète.

L’armée américaine a expliqué que ses soldats avaient ouvert le feu sur la voiture vendredi soir après plusieurs tirs de sommation pour tenter de la faire s’arrêter.

Le ministre italien des Relations parlementaires, Carlo Giovanardi, a déclaré samedi à la télévision publique qu’il ne croyait pas à la version américaine des évènements.

AUCUNE SOMMATION

Giuliana Sgrena, 57 ans, prise en otage le 4 février alors qu’elle réalisait des interviews à Bagdad, a démenti qu’il y ait eu des tirs d’avertissement des forces américaines.

"Nous pensions que le danger était derrière nous après ma remise aux Italiens mais tout d’un coup, il y a eu ces coups de feu, nous avons été touchés par un déluge de balles", a-t-elle déclaré à la RAI par téléphone.

Elle a été touchée à l’épaule par une balle au cours de l’attaque, tandis que Calipari, dont le rôle a été primordial dans le déroulement de sa libération, a été atteint à la tête.

"Il s’est penché sur moi, certainement pour me protéger, puis il s’est écroulé et j’ai vu qu’il était mort", a poursuivi la journaliste.

Selon l’agence de presse Ansa, Sgrena a déclaré aux magistrats chargés de l’enquête à Rome que la voiture ne roulait pas vite et qu’il n’y avait pas de véritable poste de contrôle américain. "Les tirs n’étaient pas justifiés par la vitesse de notre voiture", a-t-elle dit, ajoutant qu’elle roulait à une vitesse "normale".

LES AMÉRICAINS N’AURAIENT JAMAIS TUÉ UN AGENT ITALIEN

De leur côté, les services secrets italiens ont exclu une embuscade contre Giuliana Sgrena. "Les Américains n’auraient jamais tué volontairement un agent des services spéciaux italiens mettant ainsi à risques la collaboration entre les services américains et italiens", écrit le journal Il Messaggero, citant des sources du renseignement italien.

"Si les Américains avaient eu un motif pour tuer la journaliste, ils auraient fait faire ce sale travail à des Irakiens soudoyés plutôt que de tenter de la faire tomber sous des ’tirs amis’ sans y réussir", ajoute Il Messaggero.

Le compagnon de la journaliste avait déclaré que Mme Sgrena était tombée dans un guet-apens et que ses ravisseurs l’avaient mise en garde, avant sa libération, que les Américains voulaient la tuer craignant des informations qu’elle avait recueillies en Irak.

L’IMPACT POLITIQUE

Envoyée spéciale du quotidien de gauche Il Manifesto, Giuliana Sgrena, 56 ans, avait été enlevée le 4 février alors qu’elle travaillait à un reportage sur des fugitifs de Fallouja venus s’abriter dans une mosquée de Bagdad après les bombardements américains sur le bastion sunnite en novembre dernier.

Berlusconi avait défié son opinion publique en envoyant 3 000 soldats en Irak après l’invasion menée par les Etats-Unis en mars 2003 et il est resté sourd aux manifestations réclamant le retour des troupes italiennes.

Le centre-gauche italien, qui espère chasser Berluconi du pouvoir à l’issue des élections de 2006 et l’affaiblir lors des élections locales d’avril, fait campagne pour le départ des soldats italiens stationnés en Irak.

"Chacun d’entre nous, tous les 57 millions d’Italiens étaient unis lorsque nous attendions et espérions que Giuliana Sgrena serait libérée. Maintenant nous avons le droit de savoir ce qui s’est passé après sa libération", a déclaré le leader de centre-gauche Romano Prodi, ex-président de Commission européenne. (Avec Reuters)

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3218,36-400558,0.html